Les mécanismes neurobiologiques de la maladie d’Alzheimer sont si complexes qu’ils sont encore aujourd’hui en grande partie incompris, compliquant considérablement les recherches de traitements efficaces. Les thérapies disponibles aujourd’hui se concentrent notamment sur l’élimination des plaques amyloïdes, caractéristiques de la maladie. Cependant, de récentes hypothèses suggèrent que ces plaques ne seraient pas les bonnes cibles thérapeutiques, expliquant peut-être l’efficacité limitée de ces groupes de médicaments. D’autres recherches se penchent sur les liens découverts entre certains vaccins et la maladie. Parmi elles, une récente étude à grande échelle, parue dans le Journal of Alzheimer’s Disease, a confirmé un lien entre une importante réduction (40%) des risques de développer la maladie et la vaccination contre la grippe. Ces résultats montrent une facette encore peu connue de la maladie et pourraient peut-être un jour découler sur de nouvelles thérapies plus efficaces.
Les cas de maladie d’Alzheimer (et de démence) dans le monde ne cessent d’augmenter, avec à ce jour près de 55,2 millions de personnes concernées, selon l’OMS. Cette dernière estime que ce chiffre atteindra les 78 millions d’ici 2030. Cette croissance s’expliquerait en partie par le vieillissement de la population, surtout dans les pays développés.
Malgré les chiffres en augmentation, les mécanismes de la maladie restent encore incompris, et les recherches de traitements efficaces ont tendance à stagner. Quelques pistes ont antérieurement révélé une diminution du risque d’Alzheimer suite à l’exposition à certains types de vaccins, tels que le vaccin contre la poliomyélite, l’herpès, le tétanos et la grippe.
Aujourd’hui, des chercheurs de l’Université du Texas ont confirmé l’hypothèse du vaccin contre la grippe comme ayant un effet « anti-Alzheimer », par le biais d’une étude à grande échelle. D’après les auteurs, étant donné que les effets sont communs à plusieurs types de vaccins, ils ne seraient ainsi pas spécifiques à celui contre la grippe.
« Au lieu de cela, nous pensons que le système immunitaire est complexe et que certaines altérations, telles que la pneumonie, peuvent l’activer d’une manière qui aggrave la maladie d’Alzheimer », explique dans un communiqué Paul E. Schulz, auteur principal de l’étude et professeur de neurologie au McGovern Medical School de l’Université du Texas. Ce qui pourrait signifier qu’en conférant une certaine protection contre certaines maladies, les vaccins déclencheraient des mécanismes protecteurs contre la maladie d’Alzheimer.
À rappeler que pour un vaccin standard, une forme atténuée ou désactivée du pathogène provoquant la maladie contre laquelle l’on souhaite se protéger provoque une réponse du système immunitaire. Grâce à cette « infection simulée », le système immunitaire produit les cellules T et les antigènes spécifiques, qui peuvent ensuite contrer la véritable maladie.
Après quelques jours ou semaines, dès que l’infection simulée disparaît, l’organisme dispose d’un stock de cellules T (dites mémoires) qui se souviendront « de la façon » de lutter contre l’infection. Il existe de nombreux types de vaccins, surtout depuis l’apparition de la COVID-19, période durant laquelle les technologies vaccinales ont rapidement évolué. Dans le cas de la grippe, le vaccin (de type standard) est mis à jour plus ou moins régulièrement, selon les nouvelles formes virales émergentes.
Des essais à grande échelle
La nouvelle étude a comparé le risque d’incidence de la maladie d’Alzheimer entre des patients vaccinés contre la grippe ou non. Les deux groupes comprenaient chacun 935 887 personnes âgées de 65 ans et plus.
À quatre ans de suivi, environ 8,5% des patients non vaccinés ont développé la maladie d’Alzheimer, contre 5,1% du côté des vaccinés. Le vaccin contre la grippe a ainsi réduit de près de 40% le risque de développer Alzheimer. De plus, la force de cet « effet protecteur » augmenterait avec le nombre d’années pendant lesquelles les patients effectuaient des rappels de vaccin.
Toutefois, les mécanismes sous-jacents à ce processus de protection sont encore inconnus et nécessitent une étude approfondie. Prochainement, « les recherches futures devraient évaluer si la vaccination contre la grippe est également associée au taux de progression des symptômes chez les patients déjà atteints de la démence d’Alzheimer », déclare Avram Bukhbinder, co-auteur de l’étude et également chercheur au centre de sciences médicales de l’Université du Texas. D’après l’expert, il serait également intéressant de rechercher les associations possibles entre la maladie et les vaccins contre la COVID-19.