Par sa proximité et ses nombreux points communs avec la Terre, Mars nourrit depuis longtemps l’espoir de découvrir les traces d’une vie extraterrestre. Certaines conditions, telles que la présence d’eau liquide à sa surface par le passé, auraient pu permettre le développement d’une forme de vie. Cependant, aucune trace ou preuve concrète d’une vie passée sur la planète rouge n’ont été découvertes à ce jour. De nombreuses missions ont tenté de détecter ces preuves, dont celles du rover Curiosity. La NASA a récemment révélé que des roches prélevées par le rover contiennent d’importants taux de carbone organique, une molécule prébiotique essentielle au développement de la vie. Toutefois, les chercheurs ne mettent pas trop d’espoir sur ces résultats, et estiment que ce carbone pourrait tout aussi bien provenir de sources non vivantes telles que des météorites.
Certaines études suggèrent que Mars aurait perdu sa capacité à retenir son atmosphère et son eau liquide à cause de la perte de son champ magnétique. La disparition de ces facteurs essentiels pour toute forme de vie a conduit à sa transformation en la planète aride, inhospitalière et bombardée de radiations cosmiques que nous connaissons aujourd’hui.
Il y aurait apparemment des preuves de l’ancienne existence d’une atmosphère plus épaisse, d’un climat semblable à celui de la Terre et d’eau liquide formant des mers et des rivières sur la planète. Ces éléments ont poussé les scientifiques à analyser de plus près le sol et les roches martiennes, en estimant que si Mars avait un jour pu abriter la vie, elles contiendraient du carbone organique en quantité suffisante.
Selon les théories de chimie prébiotique, les molécules organiques réduites et utilisées par les premières formes de vie auraient été élaborées dans l’atmosphère primitive, à partir du méthane et une forme simple de carbone. Ce dernier, dit carbone organique, est constitué d’un atome de carbone lié à un atome d’hydrogène. Il est la base de toute molécule organique créée et utilisée par tous les systèmes vivants connus.
Les recherches en astrobiologie se basent généralement sur ce modèle pour rechercher des traces de vie extraterrestre sur Mars. Le rover Curiosity a fait dans ce sens des progrès majeurs dans l’étude du climat et de la géologie de la planète, grâce aux premières mesures du carbone organique total des échantillons de roches.
« Le carbone organique total est l’une des nombreuses mesures [ou indices] qui nous aident à comprendre la quantité de matière disponible comme matière première pour la chimie prébiotique et potentiellement la biologie », explique dans un communiqué Jennifer Stern, auteure principale de l’étude et chercheuse au Goddard Space Flight Center de la NASA à Greenbelt.
Présentés dans la nouvelle étude parue dans PNAS, les résultats ont été obtenus à partir de roches de mudstone (texture fine de roche sédimentaire composée à l’origine d’argile ou de boue) forées dans la baie de Yellowknife du cratère Gale, un ancien lac martien. Vieux de 3,5 milliards d’années, le mudstone se serait formé sous forme de sédiments très fins (résultant de l’altération physique et chimique des roches volcaniques) dans l’eau du fond du lac et y a été enterré.
En plus de l’eau liquide et du carbone organique, le cratère Gale présente également d’autres conditions propices à la vie, telles que des sources d’énergie chimique, une faible acidité et d’autres éléments essentiels à la biologie (oxygène, azote, soufre…). « Fondamentalement, cet endroit aurait offert un environnement habitable pour la vie, si jamais elle a été présente », indique Stern.
Des analyses isotopiques pour déterminer l’origine du carbone
Le rover Curiosity dispose d’un instrument d’analyse de pointe (SAM) à son bord, pour les échantillons qu’il prélève. Les roches de Gale ont été pulvérisées puis chauffées dans un four à des seuils de température croissants. La fraction de carbone contenue dans les minéraux a d’ailleurs nécessité des températures très élevées pour être libérée. Grâce à la chaleur et à l’oxygène, le carbone organique présent a ensuite été converti en CO2. La quantité de CO2 obtenu indique le taux de carbone organique dans les roches.
Plus de 273 parties par million de carbone organique ont été mesurées dans la poudre de sédiments. Ce résultat est probablement révélateur, car l’on retrouverait à peu près les mêmes quantités dans les roches terrestres de zones où il y a peu de vie (comme certaines parties du désert d’Atacama). Il y en aurait cependant plus que ce qui a été autrefois détecté dans des météorites martiennes.
Le processus a également permis au SAM d’effectuer des mesures isotopiques du carbone, permettant de déterminer leur source. Les isotopes sont en effet des versions différentes d’un seul élément, où la différence de masse est due à la présence d’un ou plusieurs neutrons supplémentaires. Comme les isotopes légers ont tendance à réagir plus rapidement que ceux plus lourds, la molécule de carbone organique est ainsi plus riche en carbone 12 (l’isotope le plus léger). L’analyse isotopique peut ainsi déterminer quelle portion du carbone est réellement organique ou non (ou minérale).
Toutefois, même si l’hypothèse d’une origine biologique n’est pas à exclure, les chercheurs soulignent que les isotopes ne peuvent pas tout à fait indiquer une origine biologique du carbone organique. Ce dernier peut notamment aussi découler du carbone igné (volcanique) et de la matière organique météoritique. Cependant, les météorites en seraient la source la plus probable.