« C’est mauvais ». Ces termes utilisés par John McCarthy, rédacteur chez The Drum, résument l’opinion globale de la Toile vis-à-vis de la plateforme de métavers présentée par Meta. Horizon Worlds vient de débarquer en France, ainsi qu’en Espagne, et la capture d’écran publiée par Mark Zuckerberg sur Facebook a suscité une vague de critiques. Il semble que les internautes attendaient beaucoup mieux de ce projet à plusieurs milliards de dollars…
Pour célébrer la sortie de son jeu en réalité virtuelle en France et en Espagne, le PDG de Meta a publié mardi sur son compte Facebook une capture d’écran, montrant son avatar, avec en arrière-plan, la Tour Eiffel et la basilique Sagrada Família de Barcelone. « J’ai hâte de voir les gens explorer et construire des mondes immersifs, et d’étendre bientôt ce système à d’autres pays », commente-t-il. Horizon Worlds est un espace virtuel dans lequel les utilisateurs peuvent jouer à des jeux, rencontrer d’autres personnes, écouter un concert ou créer leurs propres espaces.
Problème : la capture est jugée très décevante par la plupart des internautes. L’avatar de Zuckerberg n’est en effet guère plus abouti que les Wii Mii, le paysage apparaît triste, vide et peu détaillé… Difficile de s’immerger dans un monde virtuel si basique. Certains soulignent que les graphismes sont bien pires que ceux du jeu Second Life, qui existe depuis près de 20 ans ! « Mark Zuckerberg ne comprend-il pas à quel point son métavers est mauvais ? », titre un article de Forbes. En résumé, Horizon Worlds semble loin de faire l’unanimité.
« les Sims en pire »
Certes, les écrans non compatibles avec la réalité virtuelle ne peuvent traduire correctement les graphismes en réalité virtuelle. Mais dans tous les cas, la plateforme de métavers de Meta semble très éloignée de la vision du projet présentée par Mark Zuckerberg lors de la conférence Connect 2021. « C’est mauvais. Ils devraient arrêter. Ça ne ressemble pas à un produit réel. Il n’y a rien d' »immersif » là-dedans. […] Quand votre produit de base ressemble aux murs peints d’une garderie abandonnée, vous devez vous poser des questions », commente John McCarthy.
En 2021, Meta a dépensé 10 milliards de dollars pour développer son métavers. Pour ce montant, les internautes s’attendaient à des graphismes bien plus sophistiqués et les critiques fusent sur Twitter depuis mardi : « Les graphismes semblent sortir d’un jeu informatique développé en 1997 », « Si j’ai bien compris, le métavers n’est qu’Animal Crossing mais vous êtes traqué par Mark Zuckerberg », « les Sims en pire », « un sandbox pour distraire le CEO », etc.
La plateforme est compatible avec l’Oculus Rift S et l’Oculus Quest 2. Un portail de création intégré permet aux joueurs de développer leurs propres jeux ou activités. Il est également possible d’acheter des objets virtuels pour équiper son avatar. Lancé aux Etats-Unis et au Canada en décembre 2021 — après une version bêta accessible uniquement sur invitation — Horizon Worlds revendique environ 300 000 utilisateurs actifs mensuels. « Qu’il s’agisse de jeux riches en action ou de lieux tranquilles propices à la méditation, Horizon Worlds a de quoi satisfaire tous les goûts et toutes les humeurs », affirme Meta dans son communiqué. Outre la piètre qualité des graphismes, Horizon Worlds est pourtant critiqué sur plusieurs points.
Un environnement potentiellement « toxique »
Les débuts de la plateforme, lors de la phase bêta, ont notamment été marqués par des signalements d’agressions sexuelles (virtuelles). Des attouchements et un viol sur avatar ont été signalés par des utilisatrices, fin 2021. À noter que la plateforme a prévu une fonctionnalité de sécurité pour éviter ce genre d’incidents, une « bulle de protection » appelée Safe Zone, que les utilisateurs peuvent activer lorsqu’ils se sentent menacés — ce qui n’a pas empêché les critiques de souligner le manque de sécurité et la modération défaillante de cet univers virtuel.
Un constat d’autant plus inquiétant que plusieurs témoignages indiquent la présence de personnes mineures — alors que la plateforme est normalement réservée aux plus de 18 ans. Mais depuis les agressions signalées l’an dernier, Meta a intégré une nouvelle fonctionnalité, baptisée « Personal Boundary » (ou bouclier personnel), conçue pour empêcher les avatars de trop s’approcher les uns des autres et ainsi « éviter plus facilement les interactions indésirables », dixit le communiqué. Ce bouclier peut être activé pour tous, ou seulement pour les avatars qui ne comptent pas parmi les amis de l’utilisateur.
Modérer les contenus du métavers s’annonce particulièrement complexe. Andrew Bosworth, directeur des nouvelles technologies de Meta, a lui-même déclaré au Financial Times que le métavers pourrait devenir un environnement « toxique », en particulier pour les femmes et les minorités et que par conséquent, il nécessitait de mettre en place des niveaux de sécurité « proches de ceux de Disney ». Les défenseurs de la vie privée ont également averti du risque accru de collecte de données personnelles faite par l’entreprise — qui est déjà loin d’être un exemple en la matière.
Autre point de tension : la commission prélevée par Meta sur la vente d’objets virtuels, qui frôle les 50% du montant de la transaction. Plus précisément, le magasin d’applications, le Meta Quest Store, prélève une première commission de 30% à laquelle s’ajoute une commission de 25% sur le montant restant. Meta a semble-t-il encore beaucoup de chemin à parcourir pour qu’Horizon Worlds devienne un jour une plateforme incontournable du métavers…