Après 10 mois de voyage dans l’espace, la sonde du Double Asteroid Redirection Test (DART) de la NASA — la première démonstration de technologie de défense planétaire au monde — a percuté sa cible avec succès, l’astéroïde Dimorphos, dans la nuit de lundi à mardi. Il s’agit de la première tentative de l’agence de modifier la trajectoire d’un astéroïde dans l’espace. Les jours qui suivent permettront de déterminer dans quelle mesure l’impact l’a effectivement fait dévier.
Cette démonstration dans l’espace de déviation d’un astéroïde est un test clé que la NASA et d’autres agences souhaitaient effectuer avant qu’un besoin réel n’apparaisse. La mission DART est la première démonstration par la NASA de la technologie de l’impacteur cinétique, c’est-à-dire percutant un astéroïde pour ajuster sa vitesse et sa trajectoire.
DART est un vaisseau spatial à faible coût. Il mesure environ 1,8 mètre de large, 1,9 mètre de long et 2,6 mètres de hauteur. Il possède deux très grands panneaux solaires qui, lorsqu’ils sont entièrement déployés, mesurent chacun 8,5 mètres. Sa masse totale était d’environ 610 kilogrammes au lancement et d’environ 570 kilogrammes lors de l’impact.
Le centre de contrôle de mission du Johns Hopkins Applied Physics Laboratory (APL) à Laurel (Maryland) a annoncé l’impact réussi à 19h14 (heure locale) soit 23h14 heure française. Bill Nelson, l’administrateur de la NASA, a déclaré dans un communiqué : « À la base, DART représente un succès sans précédent pour la défense planétaire, mais c’est aussi une mission d’unité avec un réel avantage pour toute l’humanité. Alors que la NASA étudie le cosmos et notre planète natale, nous travaillons également à protéger cette maison, et cette collaboration internationale a transformé la science-fiction en fait scientifique, démontrant une façon de protéger la Terre ».
Une stratégie de défense digne d’un scénario de film et vécue en direct
DART a ciblé l’astéroïde Dimorphos, un petit corps de seulement 160 mètres de diamètre. Il orbite autour d’un astéroïde plus grand, de 780 mètres, appelé Didymos. Aucun des deux astéroïdes ne représente une menace pour la Terre.
Grâce à l’unique instrument de l’engin spatial, la caméra de reconnaissance Didymos et d’astéroïdes pour la navigation optique (DRACO), l’impact a pu être suivi en temps réel. En effet, il s’agit d’un télescope à angle étroit, associé à un système sophistiqué de guidage, de navigation et de contrôle disposant d’un détecteur et d’un processeur d’image intégré sophistiqué pour déterminer l’emplacement relatif de Dimorphos. Il fonctionnait en tandem avec les algorithmes de navigation autonome en temps réel (SMART Nav).
Ces systèmes ont guidé le vaisseau spatial à travers les 90 000 kilomètres d’espace jusqu’à Dimorphos, pour qu’il s’y écrase intentionnellement à la vitesse de 22 530 kilomètres par heure. Le but ? Ralentir légèrement la vitesse orbitale de l’astéroïde. Dans ses derniers instants, le vaisseau a fourni des images scientifiques à haute résolution de la surface de Dimorphos afin de la caractériser.
Thomas Zurbuchen, administrateur associé de la direction des missions scientifiques au siège de la NASA à Washington, souligne : « Planetary Defence est un effort mondial unificateur qui affecte tous ceux qui vivent sur Terre. Maintenant, nous savons que nous pouvons viser un vaisseau spatial avec la précision nécessaire pour impacter même un petit corps dans l’espace. Il suffit d’un petit changement dans sa vitesse pour faire une différence significative dans la trajectoire d’un astéroïde ».
VIDÉO: les cinq dernières minutes et demie d’images menant à la collision en relecture 10 fois plus rapide que la réalité, à l’exception des six dernières images, qui sont affichées au même rythme que le vaisseau spatial les a renvoyées. (© NASA/Johns Hopkins APL)
Il faut savoir que quinze jours avant l’impact (le 11 septembre), le compagnon CubeSat de DART, le Light Italian CubeSat for Imaging of Asteroids (LICIACube) pour être précis, fourni par l’Agence spatiale italienne, s’est déployé depuis le vaisseau spatial pour capturer des images de l’impact de DART et du nuage de matière éjectée de l’astéroïde.
Des semaines d’analyse en perspective
Parallèlement aux images renvoyées par DRACO, les images de LICIACube sont destinées à fournir une vue des effets de la collision pour aider les chercheurs à mieux caractériser l’efficacité de l’impact cinétique dans la déviation d’un astéroïde. Parce que LICIACube ne porte pas une grande antenne, les images seront redirigées vers la Terre une par une dans les semaines à venir.
De plus, l’équipe observera en complément Dimorphos à l’aide de télescopes au sol pour confirmer que l’impact de DART a modifié l’orbite de l’astéroïde autour de Didymos. Les chercheurs s’attendent à ce que l’impact raccourcisse l’orbite de Dimorphos d’environ 1%, soit d’environ 10 minutes.
En soutien de l’équipe principale, de nombreux autres scientifiques observeront le système d’astéroïdes, situé à moins de 11 millions de kilomètres de la Terre, via des dizaines de télescopes stationnés dans le monde et dans l’espace. Mesurer avec précision à quel point l’astéroïde a été dévié est l’un des principaux objectifs de ce test à grande échelle. Les résultats aideront à valider et à améliorer les modèles informatiques scientifiques essentiels pour prédire l’efficacité de cette technique en tant que méthode fiable de déviation des astéroïdes.
Lindley Johnson, officier de la défense planétaire de la NASA, explique : « Le succès de DART fournit un ajout significatif à la boîte à outils essentielle dont nous avons besoin pour protéger la Terre d’un impact dévastateur d’un astéroïde. Cela démontre que nous ne sommes plus impuissants à prévenir ce type de catastrophe naturelle. Couplé à des capacités améliorées pour accélérer la recherche de la population d’astéroïdes dangereux restante par notre prochaine mission de défense planétaire, le Near-Earth Object (NEO) Surveyor, un successeur de DART qui pourrait fournir les derniers éléments manquants à une stratégie de défense complète ».
Dans environ quatre ans, le projet Hera de l’Agence spatiale européenne mènera des études détaillées sur Dimorphos et Didymos, avec un accent particulier sur le cratère laissé par la collision de DART et une mesure précise de la masse de Dimorphos.