Récemment, des chercheurs ont estimé que le changement climatique accélèrerait l’émergence de nouvelles maladies et de nouvelles pandémies. Les moustiques appréciant particulièrement la chaleur — car prompt à leur reproduction, les infections qu’ils vectorisent feront probablement partie de ces maladies à haute recrudescence d’ici quelques années. Les stratégies de lutte actuelles contre ces insectes devront donc être réadaptées, dans le but de prévenir les maladies qu’ils risquent de transmettre. Parmi ces stratégies, des chercheurs anglais ont relâché des moustiques mâles génétiquement modifiés à Sao Paulo, dont les descendances femelles n’atteignent pas l’âge adulte. Ils ont contribué à réduire temporairement de 96% le nombre de moustiques dans les quartiers où ils ont été relâchés.
En raison des maladies dangereuses qu’ils vectorisent, les moustiques sont les animaux les plus meurtriers de la planète, tuant chaque année près de 830 000 personnes à travers le monde. Prédateurs à part entière malgré leur petite taille, ils feraient plus de victimes humaines en 24 heures que les requins en 100 ans ! Parmi les maladies qu’ils transmettent, le paludisme coûte la vie à plus de 400 000 personnes chaque année, et aurait fait plus de 1,5 milliard de cas en 20 ans.
Malgré la vulgarisation des moyens de lutte, les maladies transmises par les moustiques, surtout le paludisme, sont réparties de manière hétérogène et sont en constante augmentation dans de nombreuses régions dans le monde. Les facteurs d’hétérogénéité peuvent comprendre des paramètres démographiques, socio-économiques, écologiques et climatiques. La hausse des températures mondiales pourrait favoriser la reproduction des moustiques porteurs du paludisme, de la dengue ou du virus Zika dans des régions non endémiques à ces maladies.
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Les moyens de lutte actuels consistent notamment et simplement au placement de moustiquaires efficaces, auxquelles toutes les régions à risque n’ont pas accès, ou à des insecticides auxquels les moustiques peuvent malheureusement développer une résistance. Au cours de ces 20 dernières années, les recherches sur la modification génétique des moustiques gagnent du terrain, notamment afin de compléter la panoplie des moyens existants.
Étant donné que chez les moustiques seules les femelles piquent, les chercheurs du laboratoire Oxitec ont modifié génétiquement des mâles de l’espèce Aedes aegypti. La stratégie consiste notamment à les relâcher dans la nature de sorte à féconder les femelles, qui donnent ensuite naissance à d’autres femelles qui n’atteignent pas l’âge adulte et meurent jeunes (à moins qu’elles reçoivent un antibiotique antidote), donc sans pouvoir se reproduire à leur tour. D’après l’étude détaillée dans la revue Frontiers Of Bioengeneering And Biotechnology, les mâles quant à eux survivent et continuent à transmettre le fameux gène modifié.
Contrôler la population de moustiques sans les éradiquer
Les moustiques mâles modifiés par Oxitec — baptisés OX5034 — ont été relâchés pour des tests dans quatre quartiers densément peuplés de Sao Paulo, dans la ville d’Indaiatuba, entre mai 2018 et avril 2019 (durant le pic de reproduction des moustiques). Dans les deux premiers quartiers, 100 moustiques ont été libérés tandis que 500 autres ont été relâchés dans les deux autres quartiers. Ces lâchés de moustiques ont été régulièrement effectués trois fois par semaine.
En comparaison de quartiers qui n’ont pas été exposés aux moustiques génétiquement modifiés, les quatre quartiers tests ont vu leur population de moustiques baisser de 88 à 96%. De plus, le nombre d’OX5034 relâchés n’a pas influencé les résultats obtenus. La persistance du gène modifié dépendrait notamment du nombre de générations de moustiques engendrées, plutôt que du nombre initial de mâles génétiquement modifiés ayant fécondé les femelles dans la nature.
En surveillant les moustiques grâce à des pièges spéciaux, les chercheurs ont remarqué que le gène modifié était présent chez environ la moitié des descendants mâles des moustiques initiaux, et ne disparaissant qu’au bout de six générations (sur environ six mois). Bien que les chercheurs n’aient pas encore établi un lien précis sur l’incidence des maladies et la diminution du nombre de moustiques à plus grande échelle, des recherches antérieures ont démontré que ce genre de stratégie était efficace pour diminuer la prévalence de la dengue.
À savoir également que même si Oxitec ne module les populations de moustiques que sur une certaine durée, il s’agit d’une méthode responsable, dans la mesure où elle ne cherche pas à éradiquer complètement les insectes. Malgré leur dangerosité, les moustiques restent en effet des membres à part entière d’écosystèmes importants, qui ont besoin d’eux pour maintenir un certain équilibre écologique en assurant des services écosystémiques majeurs.
En prochaine étape, les chercheurs anglais comptent relâcher leurs moustiques génétiquement modifiés dans d’autres régions où la dengue est endémique, comme celles d’Afrique ou d’Asie du Sud-Est.