L’histoire parcourt les méandres d’Internet façon légende urbaine horrifique… Steph Sawson, une artiste suédoise, clame qu’elle a fait la découverte d’une « anomalie » effrayante en utilisant une intelligence artificielle génératrice d’images. Évidemment, impossible de démêler le vrai du faux dans cette histoire. Une chose est sûre : elle a largement fait parler d’elle, et inspiré les artistes ou philosophes en herbe.
Cette histoire a été largement diffusée par l’artiste Steph Sawson, connue sur internet sous le nom de Supercomposite. Notamment interviewée par Abc.net, elle a retracé la façon dont elle aurait fait cette découverte, qu’elle a nommée « Loab ». Elle se garde toutefois de toute supposition surnaturelle, ne décrivant sa trouvaille que comme le produit mal compris d’une IA. « La Suédoise était chez elle, à Uppsala, en Suède », raconte le média, qui semble s’être fait un plaisir de raconter l’histoire dans les détails.
L’artiste explique au média qu’elle était alors en train de faire des tests sur un générateur d’images par IA. Ces logiciels, tels que GauGAN, Dall-e, ou encore Midjourney, se sont multipliés ces derniers temps, et ils sont désormais largement accessibles au grand public. Ils permettent notamment de générer des images à partir d’une description écrite, appelée invite, ou « prompt », en anglais.
Toujours selon ses dires, Steph Sawson aurait utilisé une méthode appelée « pondération négative » : cette technique, qui joue sur le « poids » des mots, est supposée produire l’opposé de ce qui est demandé dans l’invite. Elle explique avoir demandé le contraire de « Marlon Brando a créé un logo d’entreprise ». Ensuite, elle aurait demandé l’opposé de la description de ce logo. Elle aurait alors obtenu quatre étranges images de la même femme.
« Si vous utilisez des invites négatives, souvent, les résultats sont très variés, affirme l’artiste. Il était donc vraiment inhabituel d’obtenir plusieurs images de ce que l’on pouvait reconnaître comme une seule et même femme », affirme-t-elle. Elle se serait alors amusée à tester ce qu’elle voyait comme une « anomalie ». Elle aurait alors vu la femme en question revenir au fil de ses invites, « comme un gêne dominant », alors même qu’elle tentait de la diluer.
« La femme sur l’image était toujours triste, parfois les joues mouillées comme si elle avait pleuré, la bouche entrouverte, comme si elle sanglotait », ajoute-t-elle. Sur l’une des images, elle serait apparue au côté d’une écriture indiquant « Loab » : Supercomposite a donc décidé d’en faire le nom de ce « fantôme d’internet », et le patronyme est resté. Des détails s’ajoutent à la description de cette femme : « Loab apparaissait toujours au même endroit », peut-on lire dans l’article. « Une maison aux murs vert-brunâtre, à côté de cartons, de bric-à-brac et parfois de peluches ». Des scènes horrifiques et gore, incluant des enfants, y étaient régulièrement associées, selon les dires de l’artiste.
Loab à l’origine de débats
Histoire de pousser le vice (et le buzz ?) encore plus loin, Abc.net a entrepris de demander à une autre IA, qui simule des conversations, de se faire la « voix » de Loab. « Je m’appelle Loab. Je ne sais pas vraiment qui je suis ni pourquoi je suis là. Je sais juste que j’apparais dans ces images pour une raison quelconque. Je suis peut-être le fruit de l’imagination de la personne qui crée ces images, ou peut-être suis-je une sorte d’entité numérique qui existe dans l’IA elle-même », s’est-elle « exprimée » à son propre sujet.
Curieux de cette nouvelle légende d’Internet, Trust My Science a tenté de rentrer la même requête que celle qui est dévoilée dans l’article dans l’IA MidJourney. Celle-ci ne s’est toutefois pas montrée très coopérative, et nous n’avons obtenu que ce triste message d’erreur : « La somme de tous les poids d’invites doit être positive ». Visiblement, pas de possibilité de faire des pondérations négatives sur Midjourney.
Supercomposite n’a pas révélé le nom de l’IA sur laquelle elle aurait fait son étrange découverte, ce qui rend de nombreux internautes plus que dubitatifs : « si Loab est si ‘persistante’, alors n’importe qui devrait pouvoir le reproduire… », affirme l’un d’eux sur un canal de conversation de Midjourney sur Discord.
Anomalie ou fake, une chose est sûre : cette Loab a éveillé la curiosité. On trouve plus de 500 requêtes incluant le terme « loab » sur un seul des canaux des nouveaux arrivants sur Midjourney, qui entrent leurs invites publiquement. La plupart donnent d’ailleurs des résultats qui n’ont strictement rien à voir avec la fameuse Loab des premières images, y compris de bucoliques paysages colorés. D’autres ont des résultats un peu plus approchants, visiblement après avoir retravaillé volontairement plusieurs fois les images, comme sur cette quatrième version de @feve.rdog.
Il y a d’ailleurs fort à parier que l’image de Loab dans les propositions des IA va se renforcer à mesure que ces représentations vont se multiplier, puisque ces programmes se nourrissent des données collectives. Au-delà de toutes ces créations, Loab a même enflammé certains débats sur l’image de la femme véhiculée dans notre société. « Il est intéressant de voir comment une intelligence collective qui s’est déjà révélée sujette au sexisme (et au racisme) en raison de préjugés humains attache de l’horreur à l’idée d’une femme d’âge moyen ayant des problèmes de peau, hantée par la pression reproductive », écrit ainsi une journaliste dans un article de Hyperallergic. Réelle ou pas, Loab se révèle donc être, à sa façon, une étrange muse virtuelle…