Un nouveau projet SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence) a récemment été lancé à l’Université St Andrews, en Écosse. Mais le site n’a pas vocation à rechercher des signaux extraterrestres : il s’agit d’un centre de post-détection, dont la mission est d’élaborer un plan d’action dans le cas où nous réussirions à entrer en contact avec une autre civilisation. Car à ce jour, nous ne sommes pas du tout prêts pour cela, selon les scientifiques du projet.
Cela fait des décennies que l’humanité tente de capter un éventuel signal extraterrestre. Le tout premier projet de type SETI, baptisé projet Ozma, a été lancé en 1960 ; il a été proposé et dirigé par l’astronome Frank Drake. Depuis, plusieurs grands observatoires ont été utilisés pour passer le cosmos au peigne fin, en vain. Aucun signal n’a jusqu’à présent pu être identifié comme provenant d’une autre civilisation. Mais qu’adviendrait-il si des astronomes captaient enfin ce signal tant espéré ?
« Regardez le désordre que nous avons fait quand la COVID a frappé. Nous serions comme des poulets sans tête », a déclaré au Guardian le Dr John Elliott, linguiste informaticien à l’Université de St Andrews. Bien que le cinéma ait imaginé pour nous plusieurs scénarios possibles en cas de contact extraterrestre, il s’avère qu’en réalité, aucun véritable plan d’action international, aucune stratégie n’ont été mis sur pied. C’est la raison d’être du centre de post-détection SETI de St Andrews.
Se préparer à un événement « qui peut se produire à tout moment »
Aujourd’hui, des instruments d’observation très sophistiqués sont dédiés à la recherche de signaux, à commencer par l’Allen Telescope Array (ATA), en Californie, qui couvre des fréquences comprises entre 1000 et 15 000 MHz. Ses 42 antennes ont récemment été remises à neuf et le backend logiciel a lui aussi bénéficié de plusieurs améliorations.
Les radiotélescopes de l’observatoire Square Kilometre Array — dont la construction a officiellement commencé début décembre — promettent eux aussi de passionnantes découvertes : « Les télescopes SKA seront suffisamment sensibles pour détecter un radar d’aéroport sur une planète en orbite autour d’une étoile à des dizaines d’années-lumière, et pourraient donc même répondre à la plus grande question de toutes : sommes-nous seuls dans l’Univers ? », a déclaré la Dr Sarah Pearce, directrice du SKA-Low et responsable des opérations du télescope en Australie.
Force est de constater que tous les efforts ont jusqu’à présent été concentrés dans la recherche de signaux, mais peu d’intérêt a été porté sur la marche à suivre dans le cas où cette recherche aboutirait. « Nous ne pouvons pas nous permettre d’être mal préparés, sans gouvernail sur le plan scientifique, social et politique, à un événement qui peut se produire à tout moment et que nous ne pouvons pas nous permettre de mal gérer », avertit le linguiste.
Le Dr Elliott va donc former une équipe de chercheurs internationaux, dont la mission sera de se préparer à analyser tout signal ou artefact extraterrestre et d’anticiper la façon dont nous devrons y répondre. Car même si nous ne disposons d’aucune preuve concrète, la découverte confirmée de plus de 5200 exoplanètes, dont plusieurs sont situées en zone habitable, soutient l’idée que la vie a pu émerger ailleurs que sur la Terre. Ainsi, une grande partie de la communauté scientifique pense que nous ne sommes pas seuls dans la galaxie.
Objectif : élaborer une réponse internationale et unifiée
À savoir que les chercheurs du programme SETI disposent tout de même de quelques directives de base pour le cas où ils détecteraient une technosignature. Pour commencer, ils doivent s’assurer que le signal ne peut avoir une autre origine. Puis, si l’origine extraterrestre du signal est confirmée, « le découvreur rendra compte de cette conclusion de manière ouverte et complète au public, à la communauté scientifique et au Secrétaire général des Nations Unies ».
En revanche, aucune indication n’est fournie pour la suite des opérations. Comment analyser le signal ? L’humanité doit-elle y répondre et si oui, que répondre ? « Après l’annonce initiale, nous nous pencherons sur l’impact sociétal, la diffusion de l’information, les médias, l’impact sur les religions et les systèmes de croyance, le potentiel de désinformation, les capacités d’analyse dont nous aurons besoin, et bien plus encore : il s’agira de mettre en place des stratégies, d’être transparent avec tout ce que nous avons découvert – ce que nous savons et ce que nous ne savons pas », explique-t-il.
Certains groupes de scientifiques se sont déjà penchés sur la question, mais cela n’a abouti à aucun consensus clair sur la meilleure façon d’agir. Des initiatives isolées et indépendantes, c’est justement ce que craint Lewis Dartnell, astrobiologiste et professeur de communication scientifique à l’Université de Westminster : « La plus grande préoccupation est d’établir une forme d’accord international pour empêcher des individus ou des sociétés privées capables de répondre de manière indépendante – avant qu’un consensus ne se soit formé sur la question de savoir s’il est sûr de répondre et sur ce que nous voudrions dire en tant que planète unique », a-t-il déclaré.
Le Dr Elliott estime qu’il est aujourd’hui nécessaire d’élaborer une réponse internationale et unifiée pour chaque scénario envisageable en cas de premier contact. Certes, il paraît ambitieux de vouloir communiquer avec des extraterrestres alors que nous pouvons à peine communiquer avec les créatures de notre propre planète, souligne le Guardian. Si le signal n’est pas accompagné d’un guide linguistique et reste indéchiffrable, la complexité de sa structure pourrait néanmoins apporter quelques indices sur le niveau d’intelligence de son expéditeur.
Si certains scientifiques sont réfractaires à l’idée d’entrer en contact avec des extraterrestres (potentiellement hostiles), le Dr Elliott pense au contraire que ce serait presque « une honte » pour les civilisations avancées de « se préserver » les unes des autres. « C’est une telle opportunité de créer des liens, s’il existe une autre intelligence, ce que tout porte à croire. Si nous en avons l’occasion, je ne pense pas que nous devrions la manquer », a-t-il déclaré.