Le trouble du comportement en sommeil paradoxal (TCSP) est un état qui se caractérise par une agitation durant l’extériorisation des rêves. Ces rêves mouvementés (transposés plus ou moins directement dans la réalité) seraient des signes avant-coureurs de maladies neurodégénératives synucléinopathiques, telles que la Parkinson. Bien que de nombreuses recherches, dont celles de James Parkinson lui-même, semblent soutenir cette hypothèse, le véritable lien de cause à effet est encore largement débattu. Une nouvelle synthèse d’études met aujourd’hui en lumière de nouvelles données sur le lien étroit entre le TCSP et la maladie de Parkinson. Les résultats semblent confirmer que la détection des TCSP peut être un puissant outil de diagnostic précoce de la maladie.
Nous avons tous déjà fait au moins un rêve où l’on a l’impression d’être poursuivi. Ce genre de rêve nous semble parfois si réel que la peur l’est tout autant, et ainsi nous choisissons rapidement la confrontation ou la fuite. Étrangement, on se réveille parfois en sursaut, en ayant l’impression que l’on doit encore courir.
À savoir que ce genre de rêve est bien différent du somnambulisme ou du langage du sommeil, qui surviennent plutôt pendant le sommeil profond. Ces derniers surviennent également davantage chez les enfants et les adolescents, alors que les TCSP sont plus fréquemment signalés chez les personnes âgées. Les TCSP peuvent être déclenchés par certains médicaments comme les antidépresseurs, ou des pathologies sous-jacentes comme la narcolepsie ou une tumeur du tronc cérébral. Mais plus souvent, ils permettent de prédire à 80% le risque de maladie neurodégénérative synucléinopathique (engendrant une accumulation de protéines alpha-synucléines), qui apparaît généralement 10 à 15 ans après l’apparition d’un TCSP.
Les premières données évoquant une corrélation entre Parkinson et les TCSP datent des années 1800, quand James Parkinson a décrit des mouvements tremblants des membres pendant le sommeil des patients, qui finissent par réveiller en sursaut ces derniers. Les TCSP seraient ainsi de précieux indices pour le diagnostic précoce de la maladie. « C’est le marqueur prodromique clinique le plus puissant que nous ayons », estime Daniela Berg, neurologue à l’hôpital universitaire Schleswig-Holstein en Allemagne.
Une accumulation de protéines observée dans le TCSP et la maladie de Parkinson
Alors que les personnes souffrant de la maladie de Parkinson ont en apparence du mal à coordonner leurs mouvements, les personnes atteintes de TCSP ne présentent pas de défauts de coordination pendant leur sommeil. Mais lorsque ces personnes sont endormies, les « freins » censés restreindre les mouvements pendant le sommeil sont levés.
Des expériences menées chez des chats semblent indiquer que des lésions au niveau du tronc cérébral (observées précocement dans la maladie de Parkinson) sont la cause de cette inhibition de la paralysie musculaire pendant le sommeil. Ces chats, chez lesquels l’on a provoqué des lésions du tronc cérébral, se comportaient normalement lorsqu’ils étaient éveillés, mais avaient le sommeil particulièrement agité (avec des comportements opposés à ceux observés pendant l’éveil).
Cette différence de comportement pendant le sommeil et l’éveil serait également observée chez les hommes atteints de TCSP. À titre de preuve, une étude datant des années 1990 a observé 29 patients atteints de TCSP, tous de sexe masculin et âgés de 50 ans et plus. 11 d’entre eux avaient développé une maladie neurodégénérative environ 13 ans après leurs premiers TCSP. En 2013, ce chiffre est passé à 21, et était surtout associé à la maladie de Parkinson.
La corrélation physiologique du TCSP avec la maladie de Parkinson se situe au niveau l’accumulation de protéines alpha-synucléine (maladie à corps de Lewy). L’accumulation de cette protéine au niveau du cerveau entrave notamment les fonctions motrices et cognitives. L’agrégation de corps de Lewy est à la fois observée dans les autopsies de personnes atteintes de TCSP et celles de personnes décédées de la maladie de Parkinson. Comme cette agrégation de protéines est indétectable au scanner, le TCSP serait ainsi un bon moyen de diagnostiquer précocement la maladie.
Les rêves TCSP ne seraient pas forcément agités
Des chercheurs ont également tenté d’expliquer pourquoi les personnes atteintes de Parkinson ne présentent pas de difficultés motrices lorsqu’elles rêvent. Les résultats suggèrent que les ganglions de la base (qui ont pour rôle de supprimer les mouvements non désirés), qui sont altérés chez les malades, sont inactifs pendant leur sommeil. Cette découverte suggère donc que chez les personnes souffrant de TSCP, les mouvements sont générés par un circuit moteur pouvant contourner les ganglions. « Cela montre en quelque sorte que tout ce qui se passe dans la maladie de Parkinson en matière de mouvement ne s’applique pas à vous lorsque vous dormez », explique Ronald Postuma, professeur de neurologie à l’Université McGill.
Par ailleurs, des observations cliniques ont également démontré que les rêves TSCP ne sont pas forcément de nature agitée. Il arriverait notamment que ces personnes rient ou chantent dans leur sommeil paradoxal. Les chercheurs ont alors émis l’hypothèse selon laquelle les rêves violents ou agités sont plus souvent rapportés car ils seraient plus susceptibles de réveiller la personne ou le partenaire. « Je suis assez convaincu que chez les patients TSCP, la fenêtre est ouverte sur le rêve, mais leurs rêves ne sont pas différents des nôtres », estime Isabelle Arnulf, professeur de neurologie à l’Université de la Sorbonne. De plus, d’après l’experte, un faible pourcentage de ces personnes ne se souviendrait généralement pas des rêves. L’incidence des maladies synucléinopathiques pourrait ainsi être plus importante qu’on ne le croit.