À l’occasion de la réunion annuelle de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) à Chicago, des chercheurs ont démontré l’efficacité fulgurante de l’osimertinib, un médicament contre le cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC). Administré en adjuvant après la chirurgie, le médicament a permis d’atteindre un taux de survie global de 88% à 5 ans, ainsi qu’un risque de décès réduit de 51%.
Le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer dans le monde, avec 1,8 million de victimes par an. En moyenne, 10 à 15% des patients atteints de CPNPC, la forme la plus courante de la maladie, présentent une mutation du gène exprimant les récepteurs du facteur de croissance épidermique (EGFR) au niveau de leurs cellules. En Asie, ce chiffre s’élève jusqu’à 40%.
Cette mutation engendre une croissance tumorale incontrôlée ainsi qu’une forte tendance de récidive chez les patients, même chez ceux recevant les meilleurs traitements disponibles. De plus, la mutation est plus fréquemment observée chez les femmes et les fumeurs passifs. Il s’agit probablement de l’une des raisons expliquant pourquoi certains grands fumeurs ont moins de risques de développer un cancer pulmonaire.
Les traitements ciblant la mutation EGFR sont utilisés en tant qu’adjuvants (administrés en plus du traitement de première intention) et agissent en inhibant la tyrosine kinase censée activer le récepteur. Les essais cliniques à grande échelle menés pour l’osimertinib (également connu sous le nom de Tagrisso) ont évalué l’efficacité de cette combinaison. « Nous avons constaté un avantage de survie globale significatif pour les patients qui ont reçu l’osimertinib », déclare fièrement Roy Herbst dans un communiqué, auteur principal de l’étude clinique parue dans le New England Journal of Medicine et directeur adjoint du Yale Cancer Center.
La prise quotidienne du médicament après la chirurgie aurait réduit de moitié le risque de décès des patients. Selon l’expert, l’osimertinib serait le seul médicament adjuvant à ce jour à enregistrer un tel taux de survie. « L’osimertinib en tant qu’adjuvant est actuellement le seul inhibiteur de la tyrosine kinase EGFR à traduire un bénéfice de survie statistiquement significatif », affirme-t-il. Pour un grand nombre de maladies, les chances d’atteindre ce taux de survie avec un médicament sont assez faibles, surtout pour le cas du cancer du poumon, où l’on observe généralement une grande résistance aux thérapies.
Un taux de survie considérable
Les essais avancés de la nouvelle étude ont été effectués dans le cadre de l’initiative ADAURA, une recherche internationale impliquant 26 pays européens, d’Asie, d’Amérique du Nord et du Sud. Elle a réuni 682 patients âgés de 30 à 86 ans, atteints d’un CPNPC non épidermoïde de stade 1-B à 3-A et portant la mutation L858R du EGFR. Sur une période de 3 ans, 339 patients ont reçu le médicament quotidiennement après une chirurgie, tandis que 343 autres ont reçu un placebo. En outre, 60% des participants ont effectué une chimiothérapie antérieure au traitement osimertinib qui a été achevée avant le début de l’administration de ce dernier.
Dans l’ensemble, 66% des patients ayant reçu le médicament et 41% du groupe placebo ont suivi le traitement jusqu’à la fin (durée de 3 ans). Les chiffres sont révélateurs : 88% des patients ayant reçu le médicament sont toujours en vie 5 ans après, contre 78% pour ceux ayant reçu un placebo, qu’ils aient antérieurement effectué ou non une chimiothérapie. Pour le groupe osimertinib, le risque de décès a été réduit de 51%, et seuls 22% ont continué à recevoir un traitement anticancéreux après la durée de l’étude.
Cependant, il faut garder à l’esprit que les patients atteints de CPNPC ne présentent pas forcément la mutation ciblée par le médicament. Cette différence nécessite l’identification d’autres biomarqueurs disponibles, au moment du diagnostic et avant le début du traitement. « Il est difficile de dire à quel point cette découverte est importante et combien de temps il a fallu pour y arriver », estime Nathan Pennell, expert en hématologie et en oncologie à la clinique de Cleveland. Toutefois, « cela montre une amélioration sans équivoque et très significative de la survie », disait-il lors de la présentation de l’étude à la rencontre de l’ASCO.
Par ailleurs, le médicament présente néanmoins des effets secondaires non négligeables malgré son efficacité. La combinaison avec d’autres stratégies anticancéreuses réduisant l’inflammation généralisée et qui ont démontré une efficacité pour le cancer du poumon pourrait être une piste prometteuse.