Le mystère des grands fumeurs qui ne développent jamais de cancer du poumon enfin élucidé ?

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Le tabagisme, première cause de cancer dans le monde, constitue un facteur de risque considérable de la maladie, dont principalement le cancer du poumon. La fumée de tabac provoquerait notamment des mutations au niveau des cellules pulmonaires — qui se multiplient de façon anormale lors de la formation des tumeurs. Le risque serait multiplié par 10 ou 15 pour les fumeurs (par rapport aux non-fumeurs), mais paradoxalement, de nombreux « grands fumeurs » ne développent jamais de cancer. Seule une minorité de fumeurs contracte la maladie : un véritable mystère pour les scientifiques. Une nouvelle étude parue dans la revue Nature Genetics suggère que cette différence serait liée à des facteurs génétiques complexes, dont certains fumeurs seraient dotés, et qui protégeraient contre les mutations cancérigènes.

La fumée de tabac peut provoquer différents effets néfastes sur les cellules pulmonaires. Dans le cas des bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO) par exemple, elle endommage de façon irréversible les cellules progénitrices des poumons, empêchant le renouvellement des cellules fonctionnelles détruites. Dans le cas de la formation de tumeurs cependant, ces cellules se renouvellent et se multiplient excessivement.

Il existe plusieurs formes de cancer du poumon. Les tumeurs les plus courantes (80 à 85% des cas) sont celles dites « Non à petites cellules » (en faisant référence à la taille des cellules tumorales). Elles peuvent prendre forme au niveau des cellules glandulaires, dans les parties externes des poumons. Il s’agit dans ce cas précis d’un adénocarcinome.

Dans la même catégorie se trouve aussi le carcinome squameux, qui se développe en général au niveau des cellules des bronches et des bronchioles, dans les parties centrales des poumons. Il existe aussi ce que l’on appelle le carcinome à grandes cellules, qui peut se déclencher dans n’importe quelle zone des poumons. D’autres formes de cancer du poumon, plus rares et non moins graves, incluent le : (cancer du poumon) à petites cellules, sarcome des tissus mous, carcinoïde, mésothéliome pleural.

Des études antérieures supposaient que la multiplication excessive de cellules pulmonaires, lors de la formation des tumeurs, était due à des mutations de l’ADN induites par la fumée de tabac, au niveau des cellules saines. La nouvelle étude, menée par des chercheurs de l’Albert Einstein College of Medicine (New York, États-Unis) est la première à quantifier précisément ce taux de mutation, grâce à une technique de séquençage révolutionnaire et améliorée des génomes entiers de cellules individuelles.

Grâce à cette nouvelle technique, les chercheurs ont peut-être enfin découvert pourquoi tous les fumeurs ne développent pas de cancer, et surtout pourquoi de nombreux grands fumeurs ne développement jamais la maladie. Les résultats pourraient découler sur de nouvelles méthodes de diagnostic, plus efficaces et plus ciblées, en aidant à identifier les fumeurs qui font face à un risque accru de contracter la maladie et qui nécessitent une surveillance particulièrement étroite.

« Cela peut s’avérer être une étape importante vers la prévention et la détection précoce du risque de cancer du poumon et loin des efforts herculéens actuels nécessaires pour lutter contre la maladie à un stade avancé, où se produit la majorité des dépenses de santé », estime Simon Spivack, co-auteur principal de l’étude et professeur de médecine, d’épidémiologie et de santé des populations et de génétique à l’Albert Einstein College of Medicine.

Une méthode de séquençage plus précise

Pour quantifier les mutations au niveau des cellules pulmonaires, les chercheurs new-yorkais ont développé une technique de séquençage appelée « amplification par déplacements multiples à cellule unique » (SCMDA). Les méthodes de séquençage unicellulaire du génome entier habituelles sont notamment assez limitées, dans la mesure où il peut s’y produire des erreurs, qui rendent les vraies mutations difficiles à identifier. La nouvelle technique permet de réduire les marges d’erreur et détecte mieux les mutations rares et aléatoires.

Les paysages mutationnels des cellules basales bronchiques proximales de 33 personnes ont ensuite été comparés. 14 d’entre elles n’ont jamais fumé et sont âgées de 11 à 86 ans, tandis que les 19 autres, âgés de 44 à 81 ans, ont un « historique de tabagisme » maximum de 116 paquets-année (PA) — 1 PA équivaut à 1 paquet de cigarettes fumé par jour pendant un an. Pour donner un exemple concret, une personne ayant fumé 40 cigarettes par jour pendant 40 ans aura un PA de 2 (2 paquets) x 40 = 80 PA.

Les cellules des participants ont été prélevées par bronchoscopie. Les cellules basales bronchiques proximales peuvent survivre pendant des années voire des décennies et accumuler avec l’âge des mutations pouvant être liées au tabagisme. De plus, parmi tous les types de cellules pulmonaires, elles font partie des plus susceptibles de devenir cancéreuses.

Résultats

La première découverte des chercheurs fut l’accumulation des mutations au niveau des cellules pulmonaires des non-fumeurs. Ces mutations s’accumuleraient avec l’âge et seraient plus nombreuses chez les fumeurs. « Cela confirme expérimentalement que le tabagisme augmente le risque de cancer du poumon en augmentant la fréquence des mutations, comme on l’avait précédemment supposé », explique Spivack. De plus, le nombre de mutations cellulaires détectées augmente de façon linéaire avec le nombre de paquets-année.

Cependant, l’augmentation des mutations semble plafonner et s’arrêter après 23 paquets-année. Les plus grands fumeurs n’avaient apparemment et invraisemblablement pas les taux de mutations les plus élevés. Les chercheurs suggèrent que ces personnes auraient réussi à supprimer l’accumulation de mutations, car elles disposeraient de systèmes très performants pour réparer les dommages à l’ADN et détoxifier la fumée de cigarette. Prochainement, grâce à ces découvertes, le groupe pense développer de nouveaux tests permettant de mesurer cette capacité d’une personne à réparer et détoxifier son ADN.

Source : Nature Genetics

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