L’exobiologie (ou astrobiologie) est l’étude de la possibilité de vie extraterrestre ainsi que des conditions propices à son émergence. Récemment, des molécules organiques complexes, considérées comme des précurseurs potentiels de la vie sur Terre, ont été détectées dans une galaxie primitive par le biais du télescope spatial James Webb. Cette découverte offre de nouvelles perspectives sur l’évolution chimique de l’univers et pourrait avoir des implications profondes pour la compréhension de la vie extraterrestre.
Depuis le lancement du télescope spatial James Webb (JWST) en décembre 2021, la recherche de vie extraterrestre profite d’un regain d’intérêt. Les scientifiques sont notamment à la recherche de conditions propices à la vie sur d’autres planètes, et tentent de comprendre des processus qui pourraient en permettre l’émergence.
Cette recherche active implique l’étude d’exoplanètes, dont la détection de biosignatures comme l’eau et les molécules organiques, l’écoute de signaux radio potentiellement artificiels, et l’exploration robotique et humaine du système solaire.
En particulier, la détection de molécules organiques complexes comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) est un élément majeur de cette quête. Ces dernières contiennent du carbone et de l’hydrogène, deux des éléments clés de la vie sur Terre, et sont considérées comme des précurseurs potentiels de la vie.
Récemment, des scientifiques de la Texas A&M University ont détecté des molécules organiques complexes dans une galaxie lointaine, à peine 1,5 milliard d’années après le Big Bang, soit une galaxie âgée de 12 milliards d’années de notre point de vue. Cette découverte, réalisée grâce à James Webb, ouvre de nouvelles perspectives sur la compréhension de l’évolution chimique de l’univers. Leurs travaux sont publiés dans la revue Nature.
Une vie potentielle si proche du Big Bang ?
L’observation de la galaxie, connue sous le nom de SPT0418-47, a révélé la présence de molécules organiques complexes, plus précisément des hydrocarbures aromatiques polycycliques, comme mentionné précédemment. Ces molécules sont couramment trouvées dans le milieu interstellaire de notre propre galaxie, la Voie lactée.
Cependant, c’est la première fois que de telles molécules sont détectées dans une galaxie aussi ancienne et lointaine. Cette observation semble indiquer que les processus chimiques nécessaires à la formation de ces molécules étaient déjà en place à un stade très précoce de l’évolution de l’univers.
Grâce à sa capacité à observer l’univers dans l’infrarouge, James Webb peut détecter ce type de molécules autrement invisibles pour les télescopes optiques. Cependant, la galaxie SPT0418-47, où elles ont été détectées, est extrêmement lointaine.
Pour surmonter ce défi, les scientifiques ont profité d’un phénomène appelé lentille gravitationnelle, se produisant lorsque la lumière d’une source distante, comme une galaxie, est déviée par la gravité d’une autre galaxie plus proche et alignée du point de vue de l’observateur. Cela a pour effet d’amplifier et de distordre la lumière de la source distante, la rendant plus facile à observer.
Dans le cas de SPT0418-47, la lentille gravitationnelle a rendu la galaxie environ 30 fois plus brillante qu’elle ne l’aurait été autrement, permettant à James Webb, grâce à l’instrument MIRI (Mid-Infrared Instrument), de détecter la caractéristique spectrale distincte des HAP à une longueur d’onde de 3,3 micromètres.
Justin Spilker, astronome à la Texas A&M University et co-auteur, déclare dans un communiqué : « Ce niveau de grossissement est en fait ce qui nous a incités à observer cette galaxie avec Webb en premier lieu, car il nous permet vraiment de voir tous les détails riches de ce qui constitue une galaxie dans l’univers primitif, que nous n’aurions jamais pu discerner autrement ».
Implications pour notre compréhension de l’univers
Ces résultats laissent supposer que les processus chimiques complexes nécessaires à la formation de molécules organiques peuvent se produire dans des environnements cosmiques très jeunes, ce qui n’était jusque-là pas envisagé. Notons que ces molécules sont apparentées au brouillard et à la fumée, des éléments constitutifs des émissions d’hydrocarbures cancérigènes sur Terre, qui sont les principaux contributeurs à la pollution atmosphérique. Cependant, Justin Spilker souligne que les implications de ces signaux de fumée galactiques sont beaucoup moins désastreuses pour leurs écosystèmes cosmiques.
Il explique : « Ces grosses molécules sont en fait assez courantes dans l’espace. Les astronomes pensaient que c’était un bon signe, prouvant que de nouvelles étoiles se forment. Partout où ces molécules sont présentes, des bébés étoiles sont également en train de flamboyer ».
De fait, la présence de ces molécules dans la galaxie SPT0418-47 suggère que cette dernière a connu une intense activité de formation d’étoiles tôt dans l’histoire de l’univers. Cette découverte pourrait donc aider à comprendre comment la poussière stellaire s’est formée initialement et comment cela a influencé les premières générations d’étoiles et de galaxies.
Si ces molécules, considérées comme des précurseurs potentiels de la vie, peuvent se former dans des environnements cosmiques aussi anciens, les conditions nécessaires à l’émergence de la vie pourraient être plus communes dans l’univers qu’on ne le pensait auparavant.
Certes il s’agit d’une étape importante dans l’exploration de l’univers lointain, mais nous avons encore beaucoup à observer et à comprendre. Les chercheurs continueront à utiliser le JWST pour étudier SPT0418-47 et d’autres galaxies anciennes, dans l’espoir de mieux comprendre comment ces molécules organiques complexes se sont formées et ont évolué au fil du temps, notamment comment elles ont survécu aux conditions extrêmes de l’univers primitif.