Détection de phosphore sur Encelade, ingrédient clé de la vie le plus rare

C’est confirmé : Encelade — l’une des lunes de Saturne — détient les six éléments clés de la vie ! Alors que l’élément n’a auparavant jamais été détecté dans un océan en dehors de la Terre, les échantillons collectés par la sonde spatiale Cassini révèlent que son océan interne renferme au moins 100 fois plus de phosphore que nos océans. Désormais, le satellite naturel s’élève au sommet de la liste des mondes extraterrestres potentiellement habitables.

Au cours des 25 dernières années, les scientifiques ont révélé que l’eau liquide n’était pas aussi rare qu’on le croyait dans notre système solaire. Seulement, cette eau est généralement emprisonnée sous d’épaisses couches de glace, le Soleil n’étant pas suffisamment proche pour maintenir l’eau liquide à la surface. Ce cas inclut par exemple les satellites naturels des planètes gazeuses, tels qu’Europe, Titan et Encelade, ainsi que des objets plus éloignés tels que Pluton.

Pour maintenir l’eau liquide à sa surface, une planète doit se situer dans une plage de distance stricte par rapport à son étoile hôte. En revanche, les planètes abritant des océans intérieurs peuvent se situer beaucoup plus loin. Figurant parmi les éléments essentiels à l’existence de la vie, l’eau liquide est ainsi susceptible d’exister dans un grand nombre de planètes ou de satellites à travers la galaxie.

Mis à part l’eau liquide, les astrobiologistes se penchent également sur la détection des six éléments clés de la vie, notamment l’oxygène, l’azote, le soufre, le carbone, l’hydrogène et le phosphore. Ce dernier compose toutes les structures biologiques sur Terre (telles que l’ADN, les membranes cellulaires, le phyto- et le zooplancton, etc.) et intervient dans des fonctions vitales, telles que le processus énergétique des mitochondries. Si les 5 premiers éléments ont antérieurement été détectés sur Encelade, le phosphore n’y avait pas encore été décelé jusqu’à aujourd’hui. Cet élément crucial n’a d’ailleurs jamais été détecté dans d’autres océans en dehors de la Terre et sa présence sur cette lune de Saturne constitue une avancée majeure dans le domaine de l’astrobiologie.

De précédentes modélisations géochimiques ont suggéré que le phosphore pourrait exister en d’infimes quantités dans les océans d’Encelade. Cependant, de plus récentes modélisations ont prédit que le phosphore pourrait être plus abondant qu’on le croyait dans les océans du satellite naturel, en raison de la solubilité des minéraux, du pH environnant et de la teneur en carbonates.

Les dernières données collectées par la sonde spatiale Cassini, disponibles dans la prestigieuse revue scientifique Nature, semblent confirmer définitivement cette hypothèse. D’après Christopher Glein, le coauteur principal de l’article et expert en océanographie extraterrestre au Southwest Research Institute, « nous avons trouvé du phosphore en abondance dans des échantillons de panache de glace pulvérisés hors de l’océan souterrain ».

Du phosphore plus abondant que sur Terre

L’océan intérieur d’Encelade, l’entourant complètement, se trouve entre une croûte glaciaire externe et un noyau rocheux, au sein duquel la dissipation des marées serait à l’origine d’une activité hydrothermale. Cette activité engendre de gigantesques geysers, s’échappant dans l’espace à travers les fissures de la surface gelée de la lune. Le mélange de gaz et de fines particules de glace émanant de ces geysers laisserait des traces dans l’anneau E de Saturne et a donc pu être analysé par la sonde Cassini, afin de déterminer la composition de l’océan liquide.

En effet, des analyses antérieures ont révélé qu’une partie de la poussière de glace de l’anneau E de Saturne contient des concentrations en sels nettement plus élevées que d’autres particules de poussière issues des mêmes échantillons. Ces échantillons à haute teneur en sel contenaient des solutés (Na ⁺, K ⁺, Cl ^–, HCO ₃ ^–, CO ₃ ^2–)  et un pH alcalin, typiques de l’eau de mer. Les scientifiques en ont alors déduit que ces échantillons salés pourraient refléter la composition chimique de l’océan souterrain d’Encelade.

En analysant ces échantillons riches en sel, les détecteurs de la sonde spatiale ont révélé la présence massive de phosphates de sodium, à des concentrations 100 fois supérieures à celles de nos océans. De telles concentrations résulteraient de la forte solubilité des minéraux phosphatés à l’intérieur de l’océan du satellite naturel.

Source : Nature