De nombreuses hypothèses explicatives émergent suite à la détection du bruit de fond d’ondes gravitationnelles, omniprésent dans l’Univers. Cette découverte est potentiellement liée à la fusion de trous noirs supermassifs. Les implications sont vastes et pourraient bouleverser notre compréhension de divers phénomènes cosmiques majeurs, tels que les trous noirs, la matière noire et l’évolution de l’Univers.
Le 28 juin dernier, une annonce a fait vibrer la communauté scientifique : la détection du bruit de fond d’ondes gravitationnelles, omniprésent dans l’Univers. Cette découverte, réalisée par l’Observatoire nord-américain des ondes gravitationnelles à nanohertz (NANOGrav), a suscité un vif intérêt et de nombreuses interrogations. Les ondes gravitationnelles, prédites par la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein, sont des ondulations de l’espace-temps générées par des événements cosmiques violents. Leur détection ouvre une nouvelle fenêtre sur l’univers, permettant d’étudier des phénomènes jusqu’alors inaccessibles.
Cette détection, qui pourrait résulter de la fusion de trous noirs supermassifs, a déclenché une vague de débats au sein de la communauté scientifique et d’hypothèses. Cependant, le signal détecté présente des caractéristiques inattendues, qui ne correspondent pas parfaitement aux modèles actuels. Cela a conduit à une multitude d’explications potentielles, chacune tentant de démêler ce mystère cosmique.
Des explications multiples et variées
Plusieurs théories ont été avancées pour expliquer ce bruit de fond d’ondes gravitationnelles. L’explication la plus courante est qu’il proviendrait de la fusion de trous noirs supermassifs situés au centre de galaxies. Les auteurs ont utilisé le modèle cosmologique Illustris pour simuler l’évolution de ces trous noirs et leur impact sur les ondes gravitationnelles.
Selon leur modèle, les trous noirs supermassifs produisent des ondes gravitationnelles plus fortes lorsqu’ils se rapprochent de la fusion. Cela pourrait expliquer pourquoi le signal détecté par NANOGrav est plus fort à des fréquences plus élevées que ce que prédisent les modèles actuels. Mais c’est un phénomène qui reste à expliquer.
Cependant, les auteurs soulignent que leur modèle a certaines limites. En effet, il ne tient pas compte de certains effets relativistes qui pourraient affecter la production d’ondes gravitationnelles. De plus, il repose sur des hypothèses sur la distribution de la masse des trous noirs supermassifs qui pourraient être inexactes.
Des trous noirs supermassifs aux cordes cosmiques
Une étude, menée par John Ellis du King’s College de Londres, propose une explication alternative. Selon cette théorie, les trous noirs supermassifs, lorsqu’ils commencent à fusionner, doivent traverser du gaz et des étoiles environnants, ce qui leur fait perdre de l’énergie qui aurait autrement été émise sous forme d’ondes gravitationnelles. Cependant, à mesure que les trous noirs se rapprochent et que la fréquence des ondes gravitationnelles augmente, le gaz et les étoiles ont moins d’effet, et plus d’énergie est convertie en ondes.
Cette étude et la précédente s’accordent certes sur le fait que les trous noirs supermassifs produisent des ondes gravitationnelles plus fortes lorsqu’ils se rapprochent de la fusion, mais elles diffèrent sur les mécanismes spécifiques qui pourraient être à l’œuvre.
Une autre explication, plus exotique, est proposée par Tom Broadhurst de l’Université du Pays Basque. Selon lui, les trous noirs en fusion pourraient être entourés d’un halo de matière noire, une substance mystérieuse qui constitue une grande partie de l’univers, mais qui n’a pas encore été détectée directement. Cette théorie a été testée à l’aide de simulations basées sur des données de NANOGrav, mais elle peine à reproduire les données à haute fréquence observées.
D’autres chercheurs se tournent vers des sources d’ondes gravitationnelles encore plus surprenantes. Les cordes cosmiques, des objets théoriques de la taille de l’univers, mais plus minces qu’un proton, pourraient être une source d’ondes gravitationnelles selon les théories en question. Ces cordes, si elles existent, auraient été formées lors d’une transition de phase dramatique dans l’univers primordial — similaire à la formation de fissures lors de la congélation de l’eau en glace.
Des trous noirs primordiaux aux confins de l’Univers
Une autre possibilité est celle des trous noirs primordiaux, formés dans l’univers primitif à partir de grappes de matière subatomique si denses qu’elles auraient fait s’effondrer l’espace-temps. Ces trous noirs auraient produit leur propre signal d’ondes gravitationnelles, différent de celui des fusions de trous noirs supermassifs que nous observons aujourd’hui.
Une étude menée par Kai Schmidt-Hoberg du German Electron Synchrotron a simulé le type de signal qui pourrait être produit par une population de ces trous noirs primordiaux. Les résultats suggèrent que ces trous noirs ne pourraient correspondre au signal observé par NANOGrav que s’ils étaient regroupés en amas dans l’univers primitif, plutôt que répartis uniformément dans le cosmos.
Vers une compréhension plus profonde du cosmos
Ces différentes théories, bien que passionnantes, restent pour l’instant des hypothèses. Pour démêler ces différentes possibilités, de nouveaux outils seront nécessaires. L’un d’eux est le Laser Interferometer Space Antenna (LISA), un ensemble de trois vaisseaux spatiaux conçus pour détecter des fréquences plus élevées que NANOGrav. Ces fréquences plus élevées pourraient permettre de distinguer entre les prédictions des cordes cosmiques et des trous noirs supermassifs.
La détection de ce bruit de fond d’ondes gravitationnelles est un pas de plus vers une compréhension plus profonde de l’Univers. Chaque nouvelle observation, chaque nouvelle théorie, nous rapproche un peu plus de la réponse à l’une des plus grandes questions de la physique : qu’est-ce qui compose vraiment l’Univers ?