Le donanemab — un médicament anti-Alzheimer à base d’anticorps monoclonaux— a ralenti le déclin cognitif chez près de la moitié des patients (47%) lors d’essais cliniques de phase 3. Cependant, cette efficacité n’est notable qu’au stade précoce de la maladie, sans compter les effets secondaires non négligeables. Néanmoins, les avantages sont durables, même après l’arrêt du traitement. Ce médicament pourrait de ce fait constituer une avancée significative dans le traitement de cette maladie dévastatrice.
Alors que la théorie de la cascade amyloïde pour Alzheimer est toujours plus controversée, l’accumulation de la protéine au niveau du cerveau est toujours considérée comme étant une caractéristique clé de la maladie. De ce fait, elle reste une cible pharmacologique de prédilection. En effet, un grand nombre de médicaments expérimentaux ciblant la protéine ont échoué à démontrer une efficacité pour ralentir la progression de la maladie. Cependant, quelques-uns, tels que l’aducanumab, le lecanemab et le donanemab, se sont montrés prometteurs.
Le donanemab, un anticorps monoclonal d’immunoglobuline G1 développé par le géant pharmaceutique Eli Lilly, vise à éliminer les agrégats anormaux de protéines β-amyloïde. Il est dirigé contre la forme tronquée N-terminale insoluble de la protéine, avec laquelle il se lie pour stimuler la phagocytose microgliale des plaques.
En mai dernier, les résultats préliminaires des essais cliniques du donanemab ont atteint le critère principal d’évaluation intégrée de la maladie d’Alzheimer (iADRS). Il s’agit d’une évaluation des effets du médicament tenant compte de la cognition et de la fonction quotidienne. Selon ce critère, 35% et 40% des volontaires ont présenté un ralentissement du déclin cognitif et de l’incapacité à effectuer leurs activités quotidiennes. Il s’agirait du premier médicament anti-Alzheimer à atteindre 35% de réussite pour la réduction du déclin clinique et fonctionnel.
Dans le cadre d’une nouvelle étude d’essai, publiée dans la revue JAMA Network, les concepteurs du médicament ont tenté de transposer ces effets dans le cadre d’essais cliniques randomisés de phase 3 et étendus à l’échelle internationale. D’autres facteurs corrélés à la maladie et pouvant varier d’un individu à l’autre ont également été pris en compte, tels que le taux de protéines tau et la prédisposition génétique.
Un effet maintenu après l’arrêt du traitement
Les derniers essais du donanemab sont donc randomisés, de phase 3, en double aveugle, parallèles, multicentriques et contrôlés par placebo. Ils ont duré 76 semaines et réuni 1736 participants issus de 277 centres de santé répartis dans 8 pays. Les patients étaient âgés de 60 à 85 ans et présentaient un Alzheimer symptomatique précoce (trouble cognitif léger ou Alzheimer à démence légère).
Pour les patients présentant un taux faible à moyen de protéines tau, le donanemab a réduit la progression de la maladie chez 47% d’entre eux, à un an après le début du traitement, contre 29% pour le groupe placebo. Cette évaluation a été effectuée selon un critère clinique secondaire clé appelé Clinical Dementia Rating-Sum of Boxes (CDR-SB). Les patients ayant reçu le traitement présentaient également 39% moins de risques de passer à un stade clinique plus avancé de la maladie sur la même période de suivi. Ce qui signifie qu’en moyenne, ces patients disposaient de 7,5 mois supplémentaires avant d’atteindre un déclin cognitif et fonctionnel supérieur à celui du stade précoce.
Pour le critère iADRS, cette réduction concerne 35% des patients à 76 semaines de suivi, conformément aux résultats des essais préliminaires. Les effets sont similaires pour ceux ayant un niveau élevé de protéine tau. De ce fait, les chercheurs d’Eli Lilly estiment qu’il ne sera pas nécessaire d’évaluer préalablement le taux de protéines tau avant de décider de prescrire ou non le médicament.
Par ailleurs, le médicament a éliminé environ 90% de la quantité totale d’agrégats amyloïdes chez un sous-groupe de patients présentant des troubles cognitifs mineurs. Une fois le seuil minimum d’agrégats atteint, le traitement a pu être arrêté et remplacé par un placebo. Environ la moitié des participants ont atteint ce seuil en 12 mois, tandis que 7 participants sur 10 l’ont atteint en 18 mois. Dans l’année qui a suivi l’arrêt du traitement, le déclin cognitif progressait toujours à un rythme plus lent, par rapport à ceux ayant initialement pris un placebo.
Un traitement présentant des limites
Il faut cependant garder à l’esprit que le médicament n’améliore pas les symptômes, mais ralentit ou suspend uniquement leur progression. De plus, il démontre autant d’avantages que chez les personnes présentant un stade précoce de la maladie. « Les résultats de cette étude renforcent l’importance de diagnostiquer et de traiter la maladie plus tôt que nous ne le faisons aujourd’hui », estime Marc Mintun, vice-président du département de recherche et développement en neurosciences chez Eli Lilly.
En outre, un effet secondaire non négligeable et commun aux autres médicaments du même type (lecanemab, aducanumab) a été relevé. Il s’agit d’un effet appelé anomalie d’imageries liée à l’amyloïde (ARIA) et pouvant entraîner des microhémorragies cérébrales ainsi que des convulsions potentiellement mortelles. On l’observe le plus souvent sous la forme d’un gonflement temporaire d’une ou plusieurs zones cérébrales (ARIA-E : observée chez 24% des participants) ou de microhémorragies et sidéroses superficielles (ARIA-H : observée chez 31,4% des participants).
Les effets du médicament étaient également inférieurs chez les personnes présentant un gène (APOE4) connu pour augmenter le risque de développer la maladie, lié à un dysfonctionnement dans la myélinisation. Les ARIA ont d’ailleurs été supérieures à la normale chez les personnes traitées présentant ce gène.
De ce fait, le traitement comporte des limites conséquentes, dans la mesure où il n’a été testé que sur des personnes présentant un nombre limité de marqueurs biologiques d’Alzheimer. De surcroît, il n’a pas été clairement précisé si les cliniciens doivent reproduire le protocole d’administration des essais (dosage à durée limitée), sans compter que les ARIA seront probablement coûteuses et difficiles à détecter et anticiper. Néanmoins, Eli Lilly devrait avoir un retour de la Food and drug administration (FDA) américaine d’ici à la fin d’année.