Un traitement expérimental contre Alzheimer ralentit le déclin cognitif

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| Yuriy Klochan/123RF
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Les laboratoires Eisai et Biogen ont annoncé que leur médicament, le Lecanemab, a montré des avantages significatifs pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer au stade précoce. Comme les autres médicaments en cours de développement, il vise principalement à éliminer les dépôts amyloïdes. Mais les résultats de l’essai clinique de phase 3 montrent qu’il permet également de ralentir le déclin cognitif.

L’essai, connu sous le nom de CLARITY AD, a impliqué près de 1800 personnes atteintes d’une forme légère de maladie d’Alzheimer ou de troubles cognitifs légers dus à la maladie ; elles ont été traitées par une perfusion intraveineuse de lecanemab ou d’un placebo (en double aveugle), toutes les deux semaines. Les participants ont subi des scanners cérébraux et des tests réguliers permettant d’évaluer leur score CDR-SB (Clinical Dementia Rating Scale–Sum of Boxes) — qui évalue certaines capacités cognitives telles que la mémoire, l’orientation, le jugement et la résolution de problèmes.

Après 18 mois de traitement, les personnes sous lecanemab ont affiché une détérioration de leurs capacités cognitives inférieure de 27% à celle observée chez les patients sous placebo ; le médicament a également réduit les quantités de dépôts amyloïdes. Les effets étaient observables dès six mois de traitement. « C’est un moment historique pour la recherche sur la démence, car il s’agit du premier essai de phase 3 d’un médicament contre la maladie d’Alzheimer à ralentir avec succès le déclin cognitif depuis une génération », a déclaré au Guardian la Dr Susan Kohlhaas, directrice de la recherche à Alzheimer’s Research UK.

Des effets secondaires significatifs

Le lecanemab n’est pas pour autant le remède idéal : environ 21% des patients ont présenté des effets secondaires connus, associés aux anticorps anti-amyloïde, notamment des « anomalies d’imagerie liées à l’amyloïde » (ou ARIA pour Amyloid Related Imaging Abnormalities), se manifestant par un œdème et/ou un saignement dans le cerveau. En outre, 17% d’entre eux avaient une forme potentiellement très grave d’ARIA (caractérisée par des microhémorragies). Un suivi à plus long terme est nécessaire pour évaluer l’innocuité du traitement. À noter également que les résultats annoncés n’ont pas encore fait l’objet d’un examen scientifique complet par des pairs.

Bien que les effets positifs soient plutôt modestes et que les effets secondaires soient conséquents, ce médicament est vraiment porteur d’espoir : il montre que la maladie n’est pas une fatalité et qu’il est possible d’influer sur son évolution grâce à une intervention précoce. Les résultats de cet essai clinique montrent également que les plaques amyloïdes sont bel et bien responsables de la détérioration des cellules cérébrales et du déclin cognitif. De précédents médicaments candidats réduisant les niveaux de protéine bêta-amyloïde n’avaient en effet entraîné aucune amélioration des résultats cliniques — ce qui avait semé le doute quant au rôle de cette protéine dans l’évolution de la maladie.

Eisai et Biogen devraient demander l’approbation réglementaire aux États-Unis et soumettre des demandes d’autorisation de mise sur le marché au Japon et en Europe d’ici le 31 mars 2023. Toutefois, l’issue de la demande n’est pas garantie, car les améliorations cliniques observées se situent juste en dessous du seuil de référence établi.

La progression de la maladie d’Alzheimer est évaluée sur une échelle de 14 points, le déclin d’un patient étant estimé à environ un point par an. Lors de l’essai, les patients traités au lecanemab ont obtenu un score supérieur de 0,45 point à celui des patients sous placebo. Or, la différence minimale acceptée comme preuve d’efficacité est située entre 0,5 et 1 point, explique Rob Howard, professeur de psychiatrie de la vieillesse à l’University College London.

Un traitement envisageable avant même l’apparition des symptômes

Eisai travaille sur une version du lecanemab qui peut être administrée par injection sous-cutanée, plutôt que par perfusion intraveineuse — ce qui pourrait réduire les effets secondaires et être plus agréable pour les patients. Parallèlement, les deux laboratoires pensent que leur médicament pourrait ralentir le déclin cognitif à un stade encore plus précoce, avant même le développement de la maladie. Pour explorer cette piste, Eisai recrute des volontaires ayant un risque élevé d’Alzheimer, mais ne présentant encore aucun symptôme.

La perspective d’une thérapie efficace contre la maladie d’Alzheimer est évidemment une très bonne nouvelle. Plus de 50 millions de personnes dans le monde sont atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une autre forme de démence selon l’Organisation mondiale de la santé. Selon les estimations, ce nombre devrait atteindre les 82 millions en 2030 et 152 millions en 2050. Et la maladie constitue un fardeau économique majeur : en 2015, le coût sociétal total de la démence dans le monde était estimé à 818 milliards de dollars, soit 1,1% du produit intérieur brut mondial.

Malgré cette forte demande, il apparaît que si le lecanemab était mis sur le marché, bon nombre de services de santé ne seraient malheureusement pas prêts à l’utiliser : selon Alzheimer’s Research UK, seul un service de psychiatrie sur trois serait prêt à délivrer un nouveau traitement dans l’année et, au Royaume-Uni, de nombreux patients sont diagnostiqués à un stade beaucoup plus avancé que ceux qui ont participé au dernier essai. Les spécialistes appellent donc dès aujourd’hui à « un changement radical » dans le diagnostic et la prise en charge des patients.

À noter qu’en plus du lecanemab, il existe aujourd’hui plus de 140 médicaments expérimentaux en cours d’essais cliniques, la grande majorité ciblant d’autres processus impliqués dans la démence, rapporte Alzheimer’s Research UK, ce qui soulève la perspective d’une thérapie combinée s’avérant encore plus efficace.

Source : Eisai

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