Bien qu’elle varie considérablement d’un individu à l’autre, la confiance en la science constitue un prédicteur clé de certains comportements, tels que ceux liés à la santé. Cependant, les facteurs pouvant expliquer cette variabilité sont peu étudiés. Une nouvelle analyse révèle que quel que soit le niveau d’éducation, « l’humilité intellectuelle » est l’un des principaux facteurs prédictifs de la confiance en la science.
Des sondages à grande échelle ont révélé qu’au fil des années, la confiance en la science diminue chez certains groupes de population conservateurs, tandis qu’elle augmente chez d’autres groupes. Cette divergence d’opinions peut avoir de nombreux impacts, allant au-delà de la fracture politique ou sociale. Concernant les résultats de recherches sur la santé par exemple, les personnes ayant moins confiance en la science sont moins susceptibles d’adopter des comportements bénéfiques pour leur santé. Les impacts s’étendent également à d’autres aspects moins directs, tels que le changement climatique.
Ce manque de confiance est actuellement plus fréquent qu’on ne le croit, tel que le démontre le nombre croissant de personnes non adhérentes aux vaccins ou « climatosceptiques ». Un Français sur deux penserait que ce n’est pas parce qu’un scientifique spécialisé dans un domaine démontre un fait, que ce dernier est forcément crédible. On pourrait alors penser qu’il y a une incompréhension par rapport aux enjeux et aux impacts potentiels des découvertes scientifiques. En France, 6 personnes sur 10 affirment comprendre les enjeux, mais il y a un recul de 6 points par rapport à 2012.
Comment expliquer cette appréhension grandissante envers la science ? Dans une nouvelle étude parue dans la revue Science Direct, des psychologues de l’Université de Maribor (en Slovénie) proposent plusieurs facteurs prédictifs potentiels, dont l’humilité intellectuelle et la réflexion cognitive. En effet, toujours plus d’études suggèrent que l’humilité intellectuelle, soit l’ouverture à reconnaître les limites de ses croyances et de ses connaissances, pourrait remédier à l’acrimonie sociétale liée à la science, ainsi qu’à de nombreux autres maux silencieux liés à cette fermeture d’esprit.
Un facteur de tolérance et d’acceptation sociale
Des archives scientifiques sur plusieurs années suggèrent que la confiance en la science peut être influencée par l’orientation politique, la religiosité et les idées complotistes. L’ouverture à de nouvelles expériences et le niveau d’éducation ont également été évoqués. Dans le cadre de la nouvelle étude, les psychologues ont effectué un sondage de 10 à 15 minutes visant à mesurer ces facteurs auprès de 705 Américains âgés de 18 ans et plus.
Les questionnaires, en ligne, comprenaient des enquêtes démographiques de base ainsi que des mesures de confiance en la science et des différents facteurs prédictifs. Les résultats ont révélé qu’effectivement, le conservationisme politique et religieux, les idées complotistes ainsi que le manque d’ouverture à l’expérience, influençaient considérablement et de manière négative la confiance envers la science. En revanche, les chercheurs ont découvert que le niveau d’éducation n’avait pas d’impact significatif sur cette confiance.
Dans un deuxième temps, l’influence de l’humilité intellectuelle a été décryptée. Selon les psychologues, ce comportement est modulé par plusieurs composantes, à savoir : l’indépendance de l’intellect et l’ego (c’est-à-dire le fait de ne pas se sentir menacé par des désaccords intellectuels), l’ouverture à revoir son point de vue, le respect du point de vue d’autrui et une confiance intellectuelle non excessive. Ces critères se chevauchent de manière substantielle avec ceux de la confiance en la science, ce qui peut signifier que l’humilité intellectuelle peut moduler positivement la confiance en la science — une hypothèse confirmée par les nouveaux sondages.
En effet, une personne intellectuellement humble a conscience de ses limites et n’a pas de difficulté à l’admettre, s’ouvre à de nouvelles idées et est prête à changer d’avis en étant confrontée à des preuves réfutant son idée initiale. Ces caractéristiques s’alignent avec les valeurs fondamentales de la science et peuvent de ce fait contribuer à la similarité des normes admises par les scientifiques et le grand public. Ces normes communes sont étroitement liées à des indices de confiance sociale, tels que la tolérance et l’acceptation. À mesure que les personnes intellectuellement humbles émettent des jugements précis, elles sont également davantage susceptibles d’en reconnaître les lacunes et de se tourner vers autrui pour obtenir les réponses qu’elles n’ont pas.
La réflexion cognitive a également été suggérée en tant que facteur prédictif de la confiance en la science. Il s’agit de la capacité d’un individu à surpasser ses réponses instinctives et à engager une réflexion plus approfondie. Cette capacité peut être déterminante dans la prise de décision et peut indiquer dans quelle mesure une personne est capable d’inhiber ou de moduler ses intuitions, ou ses pensées délibérées.
Des études antérieures ont rapporté une étroite corrélation entre la confiance en la science et la réflexion cognitive. Par ailleurs, une récente méta-analyse a révélé que les personnes s’appuyant davantage sur cette capacité seraient moins enclines à avoir des croyances complotistes — des facteurs influençant négativement la confiance en la science. Toutefois, les résultats de l’étude de l’Université de Maribor révèlent que la réflexion cognitive n’est finalement pas prédictive de ce niveau de confiance.