Certains objets célestes captent l’attention pour des raisons moins conventionnelles. La vastitude du ciel étoilé offre un spectacle comportant une myriade d’entités, depuis les étoiles scintillantes et les planètes jusqu’aux fascinantes nébuleuses et aux lointaines galaxies. Cependant, parmi ces merveilles s’ajoute désormais un objet inattendu : un sac à outils orbitant autour de notre planète, ajoutant une touche singulière éphémère à cette scène cosmique.
Le 2 novembre 2023, les astronautes de la NASA Jasmin Moghbeli et Loral O’Hara effectuaient une sortie extravéhiculaire autour de la Station Spatiale Internationale (ISS). Dans le cadre de cette mission, un incident s’est produit : un sac à outils, connu sous les termes de « crew lock bag », a échappé à leur surveillance et s’est mis à dériver dans l’espace. Cet objet insolite est ainsi rapidement devenu une nouvelle cible pour les passionnés d’astronomie et pour les curieux, puisqu’il orbite maintenant à proximité de l’ISS.
Selon le site web EarthSky, l’objet affiche une magnitude visuelle d’environ 6, ce qui le place juste en dessous de l’éclat lumineux d’Uranus, septième planète du système solaire. Bien que pas assez lumineux pour être vu à l’œil nu, les observateurs équipés de jumelles devraient être capables de l’apercevoir dans le ciel nocturne. Pour observer ce désormais débris spatial insolite, il suffit de déterminer les moments où la station spatiale est de passage à proximité de votre position, puisque le sac passe entre deux et quatre minutes avant cette dernière. Et pour déterminer la position de l’ISS, il suffit par exemple d’utiliser « Spot the Station », l’application smartphone officielle de la NASA prévue à cet effet.
Le destin d’un sac à outils atypique…
Bien entendu, tout objet inerte en orbite terrestre n’a qu’une durée de vie limitée. La descente rapide du sac à outils promet une fin dramatique : il se désintégrera probablement lorsqu’il atteindra une altitude d’environ 113 kilomètres au-dessus de la Terre, s’immolant dans l’atmosphère terrestre lors de sa rentrée. Mais avant son ultime aventure, le sac devenu satellite continue de susciter de l’intérêt.
Meganne Christian, astronaute de réserve de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), a partagé une vidéo sur la plateforme X du moment où l’objet a quitté les mains de Moghbeli. Elle souligne que la dernière observation du sac a été rapportée par l’astronaute de Crew-7, Satoshi Furukawa, alors qu’il dérivait au-dessus du mont Fuji, offrant une vue inhabituelle et poétique de la collision entre technologie humaine et paysage naturel.
How long before conspiracy theorists swear it’s “extraterrestrial” technology.. 😂
The images of Earth are amazing during this spacewalk. pic.twitter.com/KFtmXB3Rj8
— R3ap3r (@grimsr3ap3r79) November 12, 2023
Un internaute en a profité pour répondre avec humour, sur X, à la publication de la vidéo : « Combien de temps avant que les théoriciens du complot ne jurent qu’il s’agit d’une technologie ‘extraterrestre’…. 😂 ».
Les internautes intéressés par le trajet spatial de ce sac à outils, qui s’est vu attribuer une identification officielle dans le système de catalogage de l’U.S. Space Force (sous la désignation 58229/1998–067WC), peuvent obtenir des informations résumées supplémentaires par le biais de Jonathan McDowell, astronome au Centre d’Astrophysique Harvard, qui a communiqué que l’objet suit désormais une aire orbitale de 415 x 416 kilomètres.
The crew lock bag that floated free during the Nov 1 EVA-89 spacewalk has been cataloged as 58229 / 1998-067WC in a 415 x 416 km orbit
— Jonathan McDowell (@planet4589) November 5, 2023
La question des débris spatiaux
Cependant, le sort de cet objet met en lumière un problème plus vaste : les débris spatiaux. Ces derniers, qui comprennent des restes de navettes, de satellites désagrégés et d’accessoires d’astronautes, encombrent l’orbite terrestre haute et basse. Un incident similaire s’était produit en 2008, quand l’astronaute de la NASA Heide Stefanyshyn-Piper a perdu un sac à outils (qui ne semblent du coup pas très appréciés) lors d’une réparation sur l’ISS.
Il y a aussi ce fait peu commun, concernant les objets les plus étranges abandonnés autour de la Terre. Les astronautes sont en effet parfois impliqués dans des incidents uniques, comme celui de la spatule de l’astronaute de la NASA Piers Sellers, perdue en 2006 lors de la mission STS-121 de la navette Discovery, pendant la réparation du bouclier thermique (il l’utilisait pour étaler une pâte de réparation). Sellers avait commenté avec une pointe d’humour la perte de sa « spatule favorite » parmi toutes les autres.
La trajectoire de ce désormais tristement célèbre sac à outils est fascinante, tant par ce qu’elle nous apprend sur la persistance des objets dans l’espace que par l’éclat poétique de sa course lumineuse à travers le ciel. Mais au-delà de la curiosité qu’il suscite, il reflète le défi plus large du contrôle des débris spatiaux et de la gestion durable de l’environnement extraterrestre à l’ère de l’exploration spatiale intensive.