Une « étoile ratée » nommée « L’accident » intrigue les astronomes

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| NASA/JPL-Caltech/2MASS
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Il ne s’agit ni d’une étoile ni d’une planète. Découverte en novembre 2018, WISE 1534-1043 est considérée comme une « étoile ratée », ce qui lui vaut le surnom de « l’accident ». Les astronomes pensent qu’il s’agit d’une naine brune, un objet dont la masse est inférieure à la masse minimale nécessaire à la réaction de fusion thermonucléaire de l’hydrogène. Cette nouvelle découverte apporte de nouveaux indices sur ces objets célestes encore mal compris des spécialistes.

C’est Dan Caselden, un scientifique citoyen pour la NASA, qui a découvert cet objet de manière tout à fait fortuite, alors qu’il effectuait une recherche automatisée parmi les images du télescope spatial WISE, dans le cadre du projet Backyard Worlds: Planet 9. L’objet en question, situé à 50 années-lumière, a immédiatement suscité l’intérêt des experts. « Ça allait plus vite que tout ce que j’ai découvert. C’était faible et rapide, ce qui le rendait très étrange », précise Caselden.

D’après la définition adoptée en 2003 par l’Union astronomique internationale, les naines brunes ont une masse comprise entre 13 et 75 fois la masse de Jupiter — bien que cette fourchette soit encore largement débattue au sein de la communauté scientifique. Il s’agit donc d’un objet pas assez gros pour être considéré comme une étoile, mais bien plus massif qu’une géante gazeuse. « Il se forme comme une étoile. Cependant, il ne gagne jamais assez de masse pour fusionner l’hydrogène en hélium et commencer à brûler quoi que ce soit », explique Sarah Casewell, astronome à l’Université de Leicester.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Des objets encore méconnus

Si les naines brunes intéressent tant les spécialistes, c’est parce que ces objets recèlent encore de nombreux mystères. Pour commencer, contrairement à ce que laisse entendre leur dénomination, on ne sait pas encore à quoi ressemble réellement une naine brune de près. Elles apparaîtraient non pas brunes, mais plutôt de couleur orange ou rouge foncé à magenta selon leur température.

Cette dernière peut d’ailleurs varier considérablement : les plus chaudes ont des températures de surface d’environ 2000°C, tandis que les plus froides se situent généralement en dessous de 200°C, voire en dessous de 0°C. Ainsi, l’objet baptisé WISE 0855-0714, à environ 7 années-lumière du Soleil, se trouve sous le point de congélation, entre -48°C et -13°C. « C’est l’objet le plus froid que nous connaissions en dehors de notre système solaire », souligne Beth Biller, astronome à l’Université d’Édimbourg.

Ces objets atypiques, qui se refroidissent progressivement sur des milliards d’années, présentent en outre des atmosphères particulièrement agitées, qui partagent de nombreuses caractéristiques avec les planètes géantes gazeuses. Une étude menée l’an dernier par Biller et ses collègues rapporte un vent d’environ 650 m/s (soit plus de 2300 km/h) en moyenne, observé sur une naine brune située à proximité.

Enfin, comme évoqué plus haut, les naines brunes peuvent varier énormément en masse ; la limite inférieure, équivalente à 13 fois la masse de Jupiter, correspond à la masse à laquelle la fusion du deutérium peut avoir lieu. Mais cette limite, assez complexe à préciser, ne fait pas encore l’unanimité parmi les astronomes. De même, une étude récente dirigée par Nolan Grieves de l’Université de Genève, rapporte la découverte de cinq naines brunes de masses particulièrement élevées, comprises entre 77 et 98 fois celles de Jupiter — soit bien au-delà de la limite supérieure précédemment établie.

Peut-être l’une des premières naines brunes de notre galaxie

Les naines brunes les plus massives, qui approchent de 75 masses de Jupiter, ont des caractéristiques très proches des plus petites étoiles. Les astronomes s’appuient sur ces similitudes pour mieux comprendre les prémices de la fusion nucléaire qui se déroule au cœur des étoiles ; la fusion des noyaux d’hydrogène en hélium est le tout premier maillon de la chaîne de nucléosynthèse, dont sont issus la plupart des noyaux atomiques.

S’il est aujourd’hui admis qu’un objet doit atteindre une température d’environ 3 millions de degrés Celsius pour initier cette fusion, personne ne sait exactement quelle masse est nécessaire pour qu’elle se produise ni à quel moment une naine brune devient une étoile. « Il y a beaucoup d’aspects de l’évolution stellaire sur lesquels nos connaissances sont encore assez incertaines. Où se trouve exactement cette limite de fusion est l’une de ces questions », a déclaré Biller. Les cinq naines brunes massives récemment découvertes se situent juste à cette limite, où la fusion de l’hydrogène commence à avoir lieu, et par conséquent, les experts ne sont pas encore parvenus à déterminer la vraie nature de ces cinq objets.

Certaines naines brunes sont par ailleurs si semblables à de vraies étoiles qu’elles sont susceptibles d’être entourées de planètes. Des systèmes de naines brunes présentant un disque protoplanétaire ont déjà été identifiés et les scientifiques pensent qu’il est possible qu’il existe des naines brunes possédant leurs propres exoplanètes en orbite.

A contrario, « l’Accident » repéré par Dan Caselden s’éloigne fortement d’une étoile : il s’agit d’un objet petit, froid et de faible luminosité, « à peine détectable » selon Davy Kirkpatrick, astronome au California Institute of Technology. Les spécialistes sont donc impatients d’étudier cet objet particulier pour déterminer ce qui le distingue des planètes géantes gazeuses. Les premières analyses suggèrent que WISE 1534-1043 est pauvre en éléments « lourds » tels que le carbone et l’oxygène ; les experts en déduisent qu’il s’agit d’un objet très ancien : « Nous pensons qu’il s’agit probablement d’une naine brune plus âgée, probablement une qui a été créée avant que la Voie lactée ne soit enrichie en métaux », explique Kirkpatrick. Pour Sarah Casewell, il s’agit même peut-être d’une des premières naines brunes formées dans notre galaxie.

Les naines brunes se situant à la frontière qui sépare les étoiles et les planètes, elles peuvent aider les scientifiques à mieux comprendre chacun de ces deux types d’objets célestes. Néanmoins, il s’avère qu’il en existe une telle variété qu’il n’est pas si simple de les catégoriser pour en tirer des conclusions…

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