Les agences spatiales internationales ont prévu de lancer et de faire s’écraser un vaisseau spatial contre un astéroïde. L’astéroïde en question se nomme Didymos B, et il s’agit du plus petit des deux objets du système d’astéroïdes binaires, connu sous le nom de Didymos. Quant au satellite qui ira s’écraser sur l’astéroïde, il s’agit de DART (Double Asteroid Redirection Test) de la NASA.
Il y a une raison bien précise pour laquelle les agences spatiales internationales souhaitent effectuer cet impact… En effet, le but de l’opération est de tester si un impact de vaisseau spatial peut dévier la trajectoire d’un astéroïde, afin de protéger la Terre en cas de danger spatial.
Il s’agit d’un projet commun d’évaluation de l’impact et de la déviation des astéroïdes (nommé AIDA – Asteroid Impact and Deflection Assessment) mis sur pied par l’ESA et la NASA. Ce projet avait déjà été annoncé en 2015, mais les découvertes récentes concernant des astéroïdes pourraient bien avoir des implications majeures concernant ce test.
Par exemple, lorsque Hayabusa 2 de la JAXA a bombardé l’astéroïde Ryugu en avril de cette année, il a permis de créer un cratère bien plus grand que prévu initialement par les scientifiques.
De plus, le matériau à la surface de l’astéroïde se comporte de manière très similaire au sable, et cela pourrait donc influencer l’efficacité de la déviation lors d’un impact cinétique. C’est ce que les chercheurs souhaitent découvrir. « L’impact avec Hayabusa 2 a montré qu’il n’y avait pas de cohésion en surface et que le régolithe se comportait comme du sable pur. La gravité dominait le processus, plutôt que la résistance intrinsèque du matériau à partir duquel l’astéroïde était fabriqué », a expliqué le scientifique planétaire, Patrick Michel, du CNRS.
« Si la gravité est également dominante sur Didymos B, même si elle est beaucoup plus petite, nous pourrions nous retrouver avec un cratère beaucoup plus grand que celui montré par nos modèles et nos expériences en laboratoire. En fin de compte, nous en savons que très peu sur le comportement de ces petits corps lors d’impacts, et cela pourrait avoir de grandes conséquences pour la défense planétaire ! », a ajouté Michel.
À la suite d’un atelier AIDA organisé la semaine dernière à Rome, des scientifiques se sont rencontrés lors de la réunion EPSC-DPS Joint Meeting 2019 à Genève, pour discuter plus en détail du projet. « Aujourd’hui, nous sommes les tous premiers humains de l’histoire à disposer de la technologie nécessaire pour éviter qu’un astéroïde ne s’écrase sur la Terre », a déclaré l’astronome Ian Carnelli de l’ESA. « La principale question qui reste à résoudre est la suivante : les technologies et les modèles dont nous disposons sont-ils suffisamment performants pour fonctionner ? Avant de conduire une voiture, vous devez disposer d’une police d’assurance. Eh bien, AIDA est la police d’assurance de la planète Terre », a-t-il ajouté.
De plus, il faut savoir que le système Didymos est parfait pour effectuer un test de ce type. En effet, il s’agit d’un objet proche de la Terre (donc par conséquent, pas « trop éloigné »), qui ne se trouve pas sur une trajectoire de collision avec la Terre, ce qui signifie que ces tests ont très peu de chances de se retourner contre nous.
« La cible de DART, Didymos, est un candidat idéal pour la première expérience de défense planétaire de l’humanité », a déclaré Nancy Chabot, scientifique spécialisée en planètes, du laboratoire de physique appliquée de l’Université Johns Hopkins. « L’astéroïde n’est pas sur le point d’entrer en collision avec la Terre et ne représente donc aucune menace pour la planète. Cependant, sa nature binaire permettra à DART de tester et d’évaluer les effets d’un impacteur cinétique », a-t-elle ajouté.
Dans ce système binaire, le plus gros objet est Didymos A, et ce dernier mesure environ 780 mètres de large. Tandis que l’objet le plus petit, Didymos B, mesure quant à lui 160 mètres de large. Ce dernier est parfois appelé « Didymoon » (Didylune). Il orbite autour du plus gros astéroïde toutes les 11.92 heures.
DART s’écrasera contre Didymos B à une vitesse de 23’760 km/h, mais cela n’aura qu’un très faible impact au niveau de la vitesse de l’astéroïde, qui verra sa vitesse que très légèrement modifiée.
Il s’agit d’une modification de vitesse si petite, que dans un seul astéroïde, nous ne serions peut-être même pas en mesure de le détecter. Mais comme il s’agit d’un système binaire, l’impact devrait modifier légèrement la période orbitale : en effet, au lieu de 11.92 heures, Didymos B pourrait prendre quelques minutes de plus pour tourner autour de Didymos A.
Cela peut sembler minime, mais si nous pouvons intercepter un astéroïde qui prévoit de s’écraser sur Terre à temps, ce petit changement de vitesse pourrait bien faire toute la différence.
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Le lancement de DART est prévu pour juillet 2021 et l’impact avec l’astéroïde est prévu pour septembre 2022. De plus, un petit cubesat, appelé LICIAcube, se détachera de la sonde juste avant l’impact, dans le but de prendre des photos de la collision et de les renvoyer sur Terre. Des télescopes terrestres observeront également le système Didymos.
La deuxième partie de la mission se nomme HERA. Il s’agit d’un petit vaisseau spatial d’observation, qui sera lancé en 2023 et qui pourra observer Didymos B en 2027. À l’heure actuelle, comme nous ne pouvons pas vraiment voir le système d’astéroïdes depuis la Terre, HERA sera en mesure de nous fournir de plus amples informations quant à la mission DART et notamment répondre à des questions telle que : est-ce que l’impact de DART a réellement fait osciller Didymos B longitudinalement ?
À présent, HERA a passé avec succès son examen des exigences au niveau de son système et est en phase de développement : « La défense planétaire est réellement une tâche à l’échelle mondiale », a déclaré Carnelli. « En plus de la technologie et de la science, AIDA est également une très bonne expérience en matière de collaboration entre scientifiques et agences du monde entier », a ajouté Carnelli.