Alzheimer : une nouvelle thérapie inverse la perte de mémoire en réparant les synapses (chez la souris)

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Des chercheurs ont mis au point une nouvelle stratégie potentiellement prometteuse pour le traitement d’Alzheimer, basée sur une protéine appelée KIBRA et ciblant les dommages aux synapses. Chez la souris, la thérapie a favorisé la réparation des synapses et a inversé la perte de mémoire, et ce sans réduire le taux de protéines toxiques associées à la maladie. Elle pourrait ainsi compléter et améliorer l’efficacité des thérapies ciblant ces protéines.

Les protéines tau et bêta-amyloïdes constituent les cibles pharmacologiques de prédilection pour le traitement de la maladie d’Alzheimer. Malgré les preuves croissantes suggérant une étiologie différente, l’accumulation toxique de ces protéines est toujours considérée comme le principal mécanisme engendrant les symptômes de la maladie. Cependant, si les stratégies thérapeutiques basées sur ces protéines permettent de ralentir sa progression, elles sont peu efficaces pour inverser la perte de mémoire et de cognition qui y est associée. L’exploration de stratégies alternatives est ainsi impérative.

D’un autre côté, l’accumulation pathologique de la protéine tau se manifeste principalement au niveau des synapses. Dans les modèles murins de tauopathies (maladies caractérisées par l’accumulation toxique de protéines tau), le dysfonctionnement synaptique constitue l’un des premiers changements physiopathologiques précédant la neurodégénérescence. Ce dysfonctionnement coïncide également avec le début des troubles cognitifs. Cela s’explique par le fait que la capacité des synapses à exprimer la potentialisation à long terme (LTP) est entravée par la toxicité induite par tau. La LTP est un mécanisme de plasticité cérébrale essentiel à la formation de nouveaux souvenirs.

Dans une nouvelle étude parue dans le Journal of Clinical Investigation, des chercheurs proposent une alternative ciblant ces dysfonctionnements synaptiques, afin d’inverser la perte de mémoire. « Plutôt que d’essayer de réduire les protéines toxiques dans le cerveau, nous essayons d’inverser les dommages causés par la maladie d’Alzheimer afin de restaurer la mémoire », explique dans un communiqué le coauteur principal de la recherche, Tara Tracy, du Buck Institute for Research on Aging. La nouvelle stratégie a été étudiée en collaboration avec l’Université de Californie à San Francisco, l’Université de New York et le Weill Cornell Medicine (également à New York).

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Résumé graphique de l’étude et des mécanismes de la thérapie. © Grant Kauwe et al.

Des niveaux réduits de la protéine KIBRA

L’équipe de recherche a exploré une stratégie basée sur la protéine KIdney/BRAin (KIBRA) et s’éloignant de l’approche conventionnelle ciblant les protéines toxiques. Comme son nom l’indique, il s’agit d’une protéine présente au niveau des reins et du cerveau. Dans le cerveau, elle est principalement localisée au niveau des synapses et joue un rôle essentiel dans la LTP de l’hippocampe et la mémoire.

Il a été constaté que chez les personnes souffrant d’Alzheimer sévère, les niveaux de KIBRA sont significativement réduits dans les tissus cérébraux. De plus, ce taux réduit semble associé à une hyperacétylation anormale de la protéine tau. De précédentes expériences sur des souris ont montré que cette hyperacétylation entrave la LTP en réduisant la concentration de KIBRA au niveau des synapses. Cela concorde avec l’hypothèse de l’équipe selon laquelle la perte synaptique de KIBRA est liée à la perte de mémoire dans Alzheimer.

Afin d’approfondir l’hypothèse, « nous nous sommes demandé comment des niveaux inférieurs de KIBRA affectent la signalisation au niveau de la synapse et si une meilleure compréhension de ce mécanisme pourrait donner un aperçu de la façon de réparer les synapses endommagées au cours de la maladie d’Alzheimer », précise le coauteur de l’étude, Grant Kauwe, également du Buck Institute for Research on Aging.

Cependant, en mesurant les niveaux de KIBRA dans le liquide céphalo-rachidien des patients, les chercheurs ont constaté qu’ils étaient étonnamment élevés — bien que les taux soient réduits au niveau des tissus cérébraux. La forte concentration dans le liquide céphalo-rachidien est également corrélée à une augmentation des protéines tau. « Il était très surprenant de voir à quel point la relation était forte, ce qui montre vraiment que le rôle de KIBRA est affecté par (ou du moins lié à) la protéine tau dans le cerveau », estime Tracy.

Inverser la perte de mémoire sans réduire le taux de protéines tau

Afin de mieux comprendre de quelle manière les différences de taux de KIBRA affectent les synapses, l’équipe a développé une version fonctionnelle raccourcie de la protéine. En l’administrant à des modèles murins d’Alzheimer, ils ont découvert un grand potentiel d’inversion de la perte de mémoire — les mécanismes de résilience des synapses étant nettement renforcés. Cela s’est produit alors que l’accumulation toxique de protéines tau a continué.

Ces résultats suggèrent que l’approche pourrait être utilisée pour atténuer la perte de mémoire et compléter les thérapies actuelles ciblant la protéine tau. Les experts prévoient en outre d’explorer plus avant le phénomène, afin de déterminer si KIBRA pourrait être utilisée comme biomarqueur de dysfonctionnement synaptique et de déclin cognitif. Cela pourrait être utile à la fois pour le diagnostic précoce de la maladie, du suivi de la réponse aux traitements et pour la planification des futures stratégies thérapeutiques.

Source : Journal of Clinical Investigation

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