L’apprentissage de la musique « recâble » le cerveau et le rendrait plus performant !

musique effets cerveau
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« La musique adoucit les mœurs » selon le proverbe. Tantôt stimulante, tantôt apaisante, elle est parfois utilisée pour le traitement de certains troubles psychologiques. Mais la musique aurait bien d’autres vertus : des neuroscientifiques affirment que pratiquer la musique dès le plus jeune âge contribue à renforcer les connexions cérébrales. À travers la pratique de la musique, les enfants développent certaines capacités cérébrales qui leur permettent de s’améliorer dans d’autres domaines.

Les enfants qui jouent de la musique auraient ainsi davantage de facilité à lire ou à apprendre d’autres langues. La pratique de la musique permettrait de développer les connexions neuronales, conférant au cerveau une certaine plasticité, un atout que l’enfant conservera à vie (même s’il abandonne ses cours de solfège en grandissant).

L’équipe de neuroscientifiques qui a mené des recherches sur le sujet a en effet constaté que les cerveaux de « musiciens » présentent des connexions structurelles et fonctionnelles plus fortes que celles des non-musiciens, qu’ils possèdent ou non la capacité innée à reconnaître les tonalités. Une preuve supplémentaire que le cerveau humain est façonné par l’expérience, selon Lutz Jäncke, chercheur en neuropsychologie à l’Université de Zurich et co-auteur de l’étude.

Des connexions cérébrales accrues chez les musiciens

Leur étude focalisée sur l’apprentissage de la musique permet de mettre en évidence le fait que les connexions cérébrales peuvent évoluer dès lors que l’on se forme à de nouvelles choses, sur une longue durée. « En nous entraînant, nous pouvons changer la façon dont nos cerveaux sont câblés », résume Simon Leipold, chercheur en psychiatrie à l’Université de Stanford et co-auteur de l’étude.

Plusieurs recherches antérieures sur les effets de la musicalité et de ce que l’on appelle l’oreille absolue — une aptitude rare à reconnaître une note de musique à la simple écoute d’un son, sans référence préalable — sur les réseaux cérébraux ont déjà été réalisées, mais ont abouti à des résultats très hétérogènes concernant la localisation et la direction de ces effets. Cette hétérogénéité a probablement été influencée par de trop petits groupes de participants et des approches méthodologiques très différentes. Dans le cadre de leur étude, Leipold et ses collègues ont recruté 103 musiciens professionnels et 50 non-musiciens ; c’est le plus grand échantillon de musiciens jamais mobilisé pour réaliser une imagerie cérébrale. À noter que 51 individus parmi le groupe des musiciens possédaient l’oreille absolue.

Pour observer les connexions cérébrales des participants, l’équipe a exploité différentes techniques d’imagerie : résonance magnétique fonctionnelle, structurelle et IRM de diffusion. En comparant les cerveaux des musiciens (avec et sans oreille absolue) et des non-musiciens, les chercheurs ont notamment observé que l’ensemble des musiciens présentaient une interconnexion structurelle et fonctionnelle accrue entre les deux hémisphères cérébraux. « Les deux groupes de musiciens ont montré des réseaux étonnamment similaires dans toutes les analyses », explique Jäncke.

En particulier, ces connexions étaient particulièrement importantes dans les zones du cerveau dédiées à la parole et au son (notamment dans les cortex auditifs des deux hémisphères). Par conséquent, précise Leipold, il est clair que ces connexions améliorent les capacités musicales du groupe concerné. Les spécialistes ont remarqué par ailleurs que tous les musiciens possédaient des connexions neuronales plus fortes entre les cortex auditifs et d’autres zones cérébrales du cortex frontal, pariétal et temporal, des zones connues pour être impliquées dans le contrôle des fonctions cognitives supérieures telles que la mémoire, la mémoire de travail et les fonctions exécutives. En revanche, contre toute attente, l’oreille absolue ne semblait pas conférer d’avantage particulier.

La preuve de l’effet bénéfique de tout nouvel apprentissage

De par leurs observations, les chercheurs pensent que les connexions neuronales générées par l’apprentissage intensif de la musique pourraient avoir un impact positif sur bien d’autres domaines, tels que l’apprentissage des langues, ou même sur les capacités intellectuelles au sens large. Il semblerait que plus ces connexions s’établissent tôt dans la vie, plus elles sont fortes. « L’âge auquel quelqu’un prend un violon ou un trombone est un aspect important pour façonner le cerveau et installer des fonctions extraordinaires », souligne Jäncke.

L’apprentissage de la musique dès le plus jeune âge pourrait ainsi positivement affecter le cerveau à différents niveaux, localement et globalement. Les chercheurs précisent que le temps consacré à cette formation ne serait pas le seul facteur en jeu : « L’état actuel de la recherche suggère une interaction très complexe entre la génétique et les facteurs environnementaux dans l’émergence de l’expertise musicale », explique Leipold.

Mais la musique n’est pas la seule activité à induire ces effets, tout apprentissage d’une activité stimulante présenterait des avantages identiques sur le cerveau : « Nous avons constaté des résultats similaires dans nos études sur les joueurs de golf, les danseurs de ballet, les interprètes et les joueurs d’échecs », précise le spécialiste. En outre, cette interconnexion accrue n’est pas l’apanage des jeunes individus et peut être observée à tout âge dès lors qu’une personne se lance dans un processus d’apprentissage intensif.

Cette étude constitue ainsi une nouvelle preuve que l’apprentissage de nouvelles choses, en particulier un instrument de musique, a des effets extrêmement positifs sur le développement du cerveau. Leipold lui-même a appris à jouer du piano dans son enfance ; il affirme ne pas être « un musicien hautement qualifié » et regrette aujourd’hui de ne pas avoir poussé davantage son apprentissage : « Si quelqu’un m’avait parlé de la possibilité de changer le câblage de mon cerveau, j’aurais peut-être passé plus de temps à pratiquer le piano et moins de temps sur le terrain de football », confie le chercheur.

Source : Journal of Neuroscience, S. Leipold et al.

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