Il y a près de 45 ans, un étrange signal radio a été détecté par le radiotélescope de l’Université d’État de l’Ohio, surnommé The Big Ear. Jusqu’à ce jour, même après avoir testé diverses hypothèses, la source de ce signal n’a jamais pu être identifiée. Alberto Caballero, le fondateur de The Exoplanets Channel, montre dans une nouvelle étude que ce mystérieux signal baptisé « Wow! » pourrait provenir d’une étoile semblable à notre soleil, susceptible d’héberger des exoplanètes habitables.
Le signal enregistré le 15 août 1977 était particulièrement fort, à bande étroite (10 kHz environ) et centrée sur la raie à 21 centimètres — la fréquence généralement associée à d’éventuelles communications avec des civilisations extraterrestres. Cette fréquence n’est utilisée par aucun émetteur terrestre et aucun phénomène naturel connu n’émet sur un spectre aussi étroit. Le signal a duré 72 secondes, mais n’a plus jamais été détecté depuis cette date. L’astronome Jerry Ehrman, qui a repéré ce signal à l’époque parmi les multiples données enregistrées et imprimées, a inscrit un « Wow! » dans la marge… d’où cette appellation atypique.
En 2015, des chercheurs ont émis l’hypothèse que ce signal pouvait résulter du passage des comètes 266/P Christensen et P/2008 Y2. Mais l’équipe qui a détecté le signal a rapidement démontré que cela ne pouvait être le cas : une comète aurait produit un signal plus diffus. Finalement, la théorie extraterrestre a pris le dessus : ce signal pourrait provenir d’une autre civilisation intelligente. Les dernières recherches d’Alberto Caballero soutiennent en tout cas cette hypothèse : la source qu’il a identifiée est propice à l’existence d’une forme de vie.
Une tentative de communication extraterrestre ?
Peu de tentatives ont été réalisées pour déterminer l’emplacement exact du signal Wow!. L’exercice est en effet relativement complexe : les scientifiques ne savent pas laquelle des deux cornes d’alimentation du Big Ear a reçu le signal, et une grande incertitude (20 minutes d’arc) demeure quant à la déclinaison mesurée. Finalement, le « Wow! » pourrait provenir de deux régions bien distinctes.
Caballero précise dans son étude que la durée du signal est « un aspect clé » du phénomène : il s’est produit pendant 72 secondes, mais il s’agit de la durée maximale d’observation du radiotélescope. Autrement dit, le signal a probablement duré plus longtemps. Il ne s’est toutefois jamais répété depuis 1977, malgré plusieurs campagnes d’observation focalisées sur cette région du ciel. Ceci n’exclut pas que le signal puisse provenir d’une forme de vie extraterrestre. En effet, comme le souligne l’astronome, nous-mêmes, dans nos quelques tentatives de communiquer avec d’autres civilisations, n’avons jamais envoyé de signaux longue durée ou répétés sur une longue période.
Si le signal « Wow! » provient bel et bien d’une civilisation extraterrestre, il est fort probable que celle-ci demeure sur une planète habitable — une planète plutôt similaire à la Terre en l’occurrence, orbitant à la distance idéale autour de son étoile. Partant de ce principe, Caballero a recherché une étoile semblable à notre Soleil dans la base de données de l’observatoire Gaïa de l’Agence spatiale européenne, qui comporte plus d’un milliard d’étoiles.
Des milliers d’étoiles se trouvaient dans la région du signal Wow !. Pour affiner sa recherche, Caballero a tenu compte du rayon, de la température et de la luminosité des étoiles candidates. L’astronome s’est concentré sur les étoiles de type G (des naines jaunes, comme notre Soleil), mais aussi sur les étoiles de type K (des naines oranges ou des géantes rouges), ces dernières étant considérées comme susceptibles d’abriter des planètes « super-habitables » (autrement dit plus habitables que la Terre).
Une étoile « jumelle » du Soleil, pouvant abriter une planète habitable
Le rayon de l’étoile était un paramètre crucial, car plus l’étoile est petite, plus elle émet de rayons X, et plus elle est grande, plus elle émet de rayons UV — deux facteurs « considérés comme nuisibles à la vie telle que nous la connaissons », note Caballero. Seules les étoiles dont la température diffère de celle du Soleil (5778 K) de ± 50 Kelvin ont été retenues.
Ces différents critères ont mené à un total de 66 étoiles candidates (38 pour la corne positive et 28 pour la corne négative), qui ont été examinées en détail. Il se trouve que l’ensemble de ces astres se situent à plus de 500 années-lumière de la Terre — ce qui confirme la théorie de Claudio Maccone, qui estime qu’une autre civilisation intelligente se trouve nécessairement au-delà de cette distance.
Maccone avait estimé que la distance à laquelle l’existence d’une civilisation communicante est la plus probable est de 1933 années-lumière. Caballero a identifié deux étoiles proches de cette distance : l’une, de type G, a une température estimée à 634 K inférieure à celle du Soleil, un rayon inférieur de 5%, et une luminosité inférieure de 43% ; elle se trouve à 1961 années-lumière. La seconde, de type K, a une température estimée à 466 K inférieure à celle du Soleil, un rayon inférieur de 5% et une luminosité inférieure de 35% ; elle se trouve à 1955 années-lumière. Ces deux étoiles ne remplissent malheureusement pas les critères requis.
Finalement, parmi ces 66 étoiles, une seule était vraiment en tous points semblable au Soleil. Cette étoile, située à 1801 années-lumière, a une température estimée de 5783 Kelvin, un rayon de 0,9965662 rayon solaire, et une luminosité de 1,0007366 fois celle du Soleil. « Cette source candidate, qui est nommée 2MASS 19281982-2640123, devient donc une cible idéale pour mener des observations à la recherche de technosignatures », note l’astronome amateur dans son article.
Il existe quelques autres étoiles candidates possibles dans la région, en particulier les étoiles 2MASS 19252173-2713537 (5791 K, luminosité égale à 0,92 luminosité solaire) et 2MASS 19282229-2702492 (5774 K, luminosité égale à 0,85 luminosité solaire). L’auteur mentionne également 14 autres étoiles potentielles, dont la luminosité et le rayon n’ont pu être déterminés. Il estime cependant que 2MASS 19281982-2640123 pourrait fournir « le meilleur point de départ pour un nouvel effort de recherche » d’exoplanètes habitables.