Une étude à grande échelle effectuée à travers l’Europe révèle que contrairement à ce qu’on pensait, l’augmentation de l’espérance de vie a globalement connu un ralentissement depuis 2011, la plus forte baisse étant enregistrée en Angleterre. Les progrès de la médecine moderne ne parviendraient pas à compenser les effets de divers facteurs de risques, tels qu’une mauvaise alimentation, l’obésité (dont la prévalence est en croissance), l’inactivité physique et plus récemment, la pandémie de COVID-19.
L’espérance de vie dans les pays à revenu élevé n’a cessé d’augmenter à l’échelle nationale depuis les années 1900 (interrompue uniquement par les deux guerres mondiales et la pandémie de grippe espagnole de 1918). Cela est principalement dû aux progrès de la médecine et aux améliorations apportées aux infrastructures sanitaires, contribuant à réduire considérablement la mortalité infantile.
L’amélioration de la nutrition et du niveau de vie en général, ainsi que le contrôle ou l’éradication des maladies infectieuses (telles que la tuberculose et le choléra) ont également contribué à augmenter la survie des populations des pays à revenu élevé. Au cours des dernières décennies, des améliorations substantielles en matière de traitements contre les maladies non transmissibles ont également été observées, en particulier pour les maladies cardiovasculaires et certains cancers.
Cependant, un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) de 2018 montre que cette augmentation semble ralentir depuis 2011. L’augmentation de l’espérance de vie au niveau de nombreux pays aurait ralenti encore davantage au cours de la pandémie de COVID-19. Cette dernière a entraîné des taux de mortalité exceptionnellement élevés dans de nombreux pays, tels que les États-Unis et le Brésil.
Alors que l’espérance de vie se rétablit généralement après les précédentes épidémies de grippe (telle que celle de 2014-2015), celle qui a suivi la COVID-19 semble stagner, voire continuer à ralentir. Les rapports indiquent une hétérogénéité substantielle, certaines régions continuant à enregistrer une mortalité exceptionnellement élevée après 2021. Il a été suggéré que cette hétérogénéité est due aux impacts à moyen et long terme de la pandémie. Les services sanitaires peinent encore à se restructurer suite à la pandémie, tandis que ses séquelles physiologiques à long terme ne sont pas encore entièrement comprises.
Toutefois, les raisons sous-jacentes au ralentissement soutenu de l’espérance de vie au cours des dernières décennies, malgré les importants progrès de la médecine, ne sont pas entièrement comprises. Étant donné qu’il a débuté en 2011, il ne peut être entièrement attribué à la pandémie de COVID-19. La nouvelle étude codirigée par l’Université d’East Anglia (UEA) vise à combler les lacunes en analysant les tendances en matière d’espérance de vie à travers l’Europe.
« Les progrès de la santé publique et de la médecine au cours du XXe siècle ont permis d’améliorer l’espérance de vie en Europe d’année en année. Mais ce n’est plus le cas », explique dans un communiqué Nick Steel, chercheur principal de la faculté de médecine de Norwich de l’UEA et coauteur de l’étude. « Entre 1990 et 2011, la baisse des décès dus aux maladies cardiovasculaires et aux cancers a continué à entraîner des améliorations substantielles de l’espérance de vie, mais des décennies d’améliorations constantes ont finalement ralenti vers 2011, avec des différences internationales marquées », a-t-il déclaré.
Le ralentissement le plus important observé en Angleterre
Pour effectuer son enquête, l’équipe de recherche a utilisé les données de l’étude Global Burden of Disease 2021 de l’Institute of Health Metrics and Evaluation (IHME) — une des recherches les plus vastes et complètes à ce jour sur le déclin de la santé dans différentes régions et au fil du temps. Pour la nouvelle étude, les chercheurs ont comparé l’évolution de l’espérance de vie, des causes de décès et de l’exposition de la population aux facteurs de risque entre 1990-2011, 2011-2019 et 2019-2021.
Les données ont été collectées au niveau des 16 pays fondateurs de l’Espace économique européen (EEE) et des quatre nations du Royaume-Uni. Cela inclut l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France, l’Allemagne, la Grèce, l’Islande, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, l’Espagne, la Suède, l’Angleterre, l’Irlande du Nord, l’Écosse et le Pays de Galles.
Les résultats — détaillés dans la revue The Lancet Public Health — ont confirmé que la progression de l’espérance de vie a globalement ralenti dans la majorité des pays étudiés après 2011, et encore davantage après 2021. Le ralentissement le plus important est observé en Angleterre. Ce ralentissement est associé à une plus forte prévalence de maladies cardiaques et de cancers entre 2011 et 2019. Celui entre 2019 et 2021 est, sans surprise, associé à la pandémie de COVID-19.
D’autre part, d’autres affections telles que l’obésité, l’hypertension artérielle et l’hypercholestérolémie ont augmenté ou ont cessé de s’améliorer, malgré la disponibilité de meilleurs traitements. Les chercheurs ont déduit que les mauvais résultats en matière de santé sont principalement dus aux problèmes d’hygiène de vie, tels que la mauvaise alimentation et l’inactivité physique.
Des différences marquées en matière de politique sanitaire
En revanche, certains pays, tels que la Norvège, l’Islande, la Suède, le Danemark et la Belgique, ont conservé une meilleure espérance de vie après 2011. L’équipe estime que cela est probablement dû aux différences dans les politiques nationales en matière de santé publique entre les pays. « En comparant les pays, les politiques nationales qui améliorent la santé de la population sont liées à une meilleure résilience aux chocs futurs », affirme Steel.
Ces résultats suggèrent en outre que malgré le ralentissement économique, nous n’avons pas encore atteint le plafond biologique de longévité. Pour maintenir une espérance de vie saine, les chercheurs soulignent l’importance d’adopter des modes de vie plus sains dès le plus jeune âge. Ils appellent également les gouvernements à promouvoir davantage les initiatives de santé publique à cet effet. « Cette étude importante renforce le fait que la prévention est la pierre angulaire d’une société plus saine », conclut Sarah Price, directrice nationale de la santé publique du NHS England.