La collaboration entre trois entreprises de renom vient d’aboutir à une importante avancée dans le développement de l’aviation légère. Sur le Campus Technologies d’Air Liquide à Grenoble, en France, des ingénieurs ont effectué une série de tests au sol d’un moteur à turbine alimenté à l’hydrogène liquide, couronnés de succès. Ce moteur, une première mondiale dans le domaine des énergies alternatives, marque un pas de plus dans la quête d’un système de propulsion aéronautique décarboné.
Dans le cadre du projet BeautyHyFuel, visant à identifier des solutions de propulsion à hydrogène destinées à l’aviation légère, trois géants se sont réunis : Turbotech, Safran et Air Liquide. Ces entreprises ont décidé de combiner leur savoir faire pour concevoir la première turbine aéronautique à gaz fonctionnant à l’hydrogène. Safran s’impose comme un expert dans la conception de systèmes à carburant et de systèmes de propulsion. La startup française Turbotech, quant à elle, est spécialisée dans les technologies de turbines légères et ultra-efficaces, tandis qu’Air Liquide se concentre sur le stockage de l’hydrogène.
En janvier 2024, Safran et Turbotech avaient déjà uni leurs forces pour mettre au point un petit turbopropulseur fonctionnant à l’hydrogène gazeux, baptisé TP-R90. Cette turbine à simple corps entraîne une hélice via une boîte de vitesses. Les premiers essais au sol, réalisés sur le site ArianeGroup de Vernon, se sont révélés concluants. À l’époque, Safran et Turbotech avaient annoncé que la prochaine étape du projet consisterait à équiper la turbine d’un système de stockage liquide cryogénique, une mission confiée à Air Liquide.
En octobre 2024, presque neuf mois plus tard, les trois entreprises ont procédé à de nouveaux essais au sol, cette fois en utilisant un cycle régénératif ultra-efficace, alimenté par un réservoir d’hydrogène liquide. Ces essais ont permis de valider l’intégration d’un système de propulsion comportant toutes les fonctions nécessaires à un aéronef.
« Cette seconde étape boucle le projet », déclare Pierre-Alain Lambert, directeur des programmes hydrogène de Safran, dans un communiqué. « Avec le couplage au système de stockage cryogénique d’Air Liquide, qui apporte la densité énergétique nécessaire pour des applications aériennes, nous faisons la démonstration qu’une solution technologique de propulsion complète sans émission de carbone en vol est possible, et qu’elle est directement intégrable dans des aéronefs légers », ajoute-t-il.
Damien Fauvet, PDG de Turbotech, partage cet enthousiasme : « C’est une avancée majeure dans la transition vers un mode de propulsion aéronautique totalement décarboné, et réellement utilisable, dès lors que le monde produira de l’hydrogène vert en masse ». Il salue également « un remarquable travail d’équipe, mené entre des grands groupes et des PME : une réussite rapide et totale ».
L’hydrogène, un élément clé de l’avenir de l’aviation ?
Depuis longtemps, l’hydrogène est considéré comme un candidat idéal pour remplacer les combustibles fossiles. Lorsqu’il est brûlé à basse température, il ne produit que de la vapeur d’eau, offrant une solution propre et prometteuse. Cependant, des défis apparaissent à des températures supérieures à 1 093 °C, où des réactions chimiques entre l’azote et l’oxygène peuvent générer des oxydes d’azote (NOx), impliqués dans la formation de pluies acides. Ces émissions peuvent être réduites par le biais de techniques de refroidissement avancées.
Dans l’aéronautique, l’hydrogène est une alternative séduisante par sa densité énergétique trois fois supérieure à celle du kérosène (33,3 kWh/kg contre 11,9 kWh/kg). Bien que sa combustion puisse produire des NOx, elle n’émet pas de dioxyde de carbone (CO₂). Cependant, son coût reste un frein, tout comme sa manipulation, qui nécessite des équipements spécialisés.
Un autre défi réside dans le stockage. Pour maintenir l’hydrogène sous forme liquide, il doit être conservé à des températures extrêmement basses, inférieures à -253 °C. Contrairement à l’hydrogène gazeux, qui exige des pressions très élevées (jusqu’à 700 bars), l’hydrogène liquide peut être stocké à des pressions beaucoup plus modestes, allant de 1 à 10 bars. C’est précisément dans ce contexte que le TP-R90 se distingue.
Avec ces avancées, l’aviation légère semble se rapprocher d’un avenir où des aéronefs propulsés par des sources d’énergie plus propres deviendront réalité, à condition que la production mondiale d’hydrogène vert atteigne des niveaux suffisants.