Les infections bactériennes potentiellement mortelles pourraient augmenter avec le changement climatique

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| Giovanni Cancemi
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Le réchauffement climatique modifie en profondeur les écosystèmes de la planète. L’océan n’est pas épargné. En plus de la hausse du niveau de la mer et de la disparition d’espèces, un autre risque émerge : les infections de plaies cutanées par les vibrions, des bactéries présentes dans l’eau de mer, se multiplieront. Le risque de décès en cas d’infection est très élevé : de l’ordre de 20%. Les scientifiques avertissent que les concentrations bactériennes augmenteront rapidement en raison de conditions plus propices le long des côtes, amenées par le réchauffement climatique.

Les émissions de gaz à effet de serre issues de l’activité humaine modifient le climat, ce n’est plus un secret. La température moyenne mondiale a augmenté de 1,2 °C depuis la période préindustrielle. Malgré l’objectif de l’Accord de Paris sur le climat de limiter cette augmentation à « bien en dessous de deux degrés », un réchauffement de 1,5 °C pourrait être atteint d’ici le début des années 2030.

Les impacts peuvent être particulièrement aigus sur les littoraux du monde, qui constituent une interface majeure entre les écosystèmes naturels et les populations humaines et sont une source particulière de maladies.

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C’est notamment le cas des vibrions. Il s’agit de bactéries Gram-négatives présentes naturellement dans les eaux marines, se développant dans les eaux chaudes et saumâtres. Elles sont très sensibles à la température. Elles infectent les plaies ou piqûres de moustiques lors d’un contact avec l’eau de mer. Ces associations avec le climat ont conduit les espèces du genre Vibrio à être reconnues collectivement comme un « baromètre microbien du changement climatique », mais les taux de mortalité sont élevés.

Récemment, une équipe de chercheurs de l’Université britannique d’East Anglia (UEA) a montré que le nombre d’infections bactériennes, notamment celles dues à V. vulnificus, le long de la côte est des États-Unis, un point connu pour de telles infections, est passé de 10 à 80 par an sur une période de 30 ans. L’augmentation de la concentration bactérienne dans les eaux du littoral ira toujours plus au nord dans les années à venir, avec un nombre dramatiquement élevé de décès. Les côtes européennes ne seront pas épargnées.

Une maladie « mangeuse de chair »

Il faut savoir que Vibrio vulnificus est une bactérie pathogène opportuniste. Ces bactéries sont des hôtes naturels du milieu marin et plus particulièrement des eaux côtières et des estuaires du monde entier (eaux douces et saumâtres).

L’infection à V. vulnificus est particulièrement préoccupante. Comme mentionné précédemment, elle résulte d’une exposition à l’eau de mer à travers de petites lésions cutanées et peut rapidement devenir nécrotique, nécessitant une ablation chirurgicale urgente des tissus ou une amputation d’un membre dans environ 10% des cas. En conséquence, on l’appelle communément une maladie « mangeuse de chair ». De plus, V. vulnificus est le plus infectieux du genre Vibrio : les taux de mortalité par infection des plaies atteignent 18% et des décès sont survenus dès 48h après l’exposition.

La présente étude est la première à cartographier l’évolution des emplacements des cas de V. vulnificus le long de la côte est des États-Unis sur 30 ans, de 1988 à 2018. Les auteurs se sont basés sur les données des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) des États-Unis. Les résultats sont publiés dans la revue Scientific Reports.

C’est également la première à explorer la façon dont le changement climatique peut influencer la propagation des cas à l’avenir, des projections qui pourront être extrapolées aux côtes européennes qui connaissent des cas sporadiques. Concrètement, les auteurs ont utilisé les informations sur la température issues des observations et des modèles climatiques informatisés pour établir ces prévisions.

L’auteur principal de l’étude, Elizabeth Archer, chercheuse de troisième cycle à l’École des sciences de l’environnement de l’UEA, explique dans un communiqué : « Nous montrons que d’ici la fin du 21e siècle, les infections à V. vulnificus s’étendront plus au nord, mais la distance au nord dépendra du degré de réchauffement supplémentaire et donc de nos futures émissions de gaz à effet de serre ».

Elle ajoute : « Si les émissions sont maintenues à un niveau bas, les cas pourraient s’étendre vers le nord uniquement jusqu’au Connecticut. Si les émissions sont élevées, des infections devraient se produire dans tous les États américains de la côte est. D’ici la fin du 21e siècle, nous prévoyons qu’environ 140 à 200 infections à V. vulnificus pourraient être signalées chaque année ».

Des actions possibles, une prise de conscience nécessaire

L’équipe de recherche souligne la nécessité d’une sensibilisation accrue de la santé individuelle et publique à V. vulnificus, compte tenu de l’expansion géographique des infections. En particulier, les individus et les autorités sanitaires pourraient être avertis en temps réel des conditions environnementales à haut risque grâce à des systèmes d’alerte précoce spécifiques à la mer ou aux bactéries. Effectivement, les infections culminent l’été, lorsque les températures de l’eau augmentent.

Les mesures de contrôle actif pourraient inclure des programmes de sensibilisation plus importants pour les groupes à risque, par exemple les personnes âgées et celles souffrant de problèmes de santé sous-jacents, et une signalisation côtière pendant les périodes critiques.

Le co-auteur principal de l’étude, le professeur Iain Lake de l’UEA, déclare : « L’observation de l’extension des cas vers le nord le long de la côte est des États-Unis est une indication de l’effet que le changement climatique a déjà sur la santé humaine et le littoral. Savoir où les cas sont susceptibles de se produire devrait aider les services de santé à planifier l’avenir ».

Après le dernier rapport du GIEC sur le réchauffement climatique, voilà une preuve de plus de l’effet dramatique des activités humaines sur la planète et des conséquences mortelles qu’elles engendreront d’ici la fin du siècle.

Source : Scientific Reports

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