Les astronomes ont identifié 26 nouvelles espèces bactériennes dans les salles blanches de la NASA où l’atterrisseur martien Phoenix a été assemblé et testé. Comptant parmi les environnements les plus stériles sur Terre, des bactéries extrêmophiles résistantes aux produits de nettoyage chimiques et aux rayons UV y ont été trouvées. Ces microorganismes particulièrement résistants soulèvent des questions quant aux risques de contamination spatiale, mais pourraient aussi potentiellement ouvrir la voie à des applications en biomédecine.
Les salles blanches de la NASA comptent parmi les environnements les plus contrôlés et les plus stériles de la planète. Elles sont notamment régies par des facteurs de pression sélective minimisant le développement de microorganismes, de sorte à empêcher ces formes de vie terrestre de contaminer les engins spatiaux et d’y voyager clandestinement. Ces conditions incluent par exemple la réduction de l’humidité et de la disponibilité en nutriments, le contrôle des températures, l’utilisation de puissants réactifs de stérilisation et de radiations, la régulation des flux d’air, etc.
Maintenir des conditions stériles dans ces salles blanches est essentiel lors de l’assemblage et des tests des engins spatiaux pour prévenir tout risque de contamination. Cependant, malgré les protocoles rigoureux appliqués à cet effet, des microorganismes résistants ou extrêmophiles peuvent tout de même s’y développer, présentant des risques pour les missions spatiales.
Une équipe internationale de chercheurs a identifié de nouvelles souches microbiennes extrêmophiles dans les salles blanches qui ont servi à l’assemblage et aux tests de l’atterrisseur Phoenix, au Centre spatial Kennedy de la NASA. « Ce fut un véritable moment de remise en question et de vérification complète », a déclaré Alexandre Rosado, professeur de biosciences à l’Université des sciences et technologies du roi Abdallah en Arabie saoudite et co-auteur de l’étude, à Live Science.
Des gènes rares de protection contre les conditions extrêmes
Les souches bactériennes ont été prélevées au niveau de l’unité de maintenance des charges utiles dangereuses de la mission Phoenix. Au total, 215 isolats bactériens ont été collectés avant l’arrivée de l’engin spatial en avril 2007, lors de l’assemblage et des tests en juin, puis après que le vaisseau spatial a été déplacé vers la rampe de lancement en août de la même année.
Les séquençages génomiques réalisés dans le cadre de la nouvelle étude ont permis d’identifier 53 souches appartenant à 26 espèces bactériennes décrites comme nouvelles par les auteurs. « Le séquençage métagénomique a révélé que moins de 0,1 % des séquences étaient associées à ces nouvelles espèces, suggérant leur rareté », écrivent les chercheurs dans leur étude publiée récemment dans la revue Microbiome.
Les analyses génomiques approfondies ont révélé que nombre des espèces identifiées étaient résistantes aux produits de nettoyage agressifs et adhèrent aux surfaces supposées stériles en y formant des biofilms collants. D’autres peuvent former des spores résistantes en cas de stress environnemental accru. Beaucoup disposent également de gènes associés à la protection de l’ADN contre les dommages causés par les radiations, tandis que d’autres possèdent des gènes de régulation de la réparation cellulaire en cas de stress oxydatif.
Des gènes impliqués dans la synthèse de composés métaboliques utiles ont également été identifiés chez certaines espèces détectées dans l’étude, qu’elles soient nouvellement décrites ou déjà connues. Agrococcus phoenicis et Microbacterium canaveralium, deux espèces décrites antérieurement mais identifiées parmi les isolats analysés, produisent par exemple un biopolymère antimicrobien pouvant être utilisé comme conservateur alimentaire et pharmaceutique. Sphingomonas canaveralium synthétise de la zéaxanthine, un antioxydant bénéfique pour la santé oculaire. Une bactérie de l’ensemble des isolats produit également une molécule qui facilite la fixation du fer, tandis qu’une autre synthétise des composés aux propriétés anticancéreuses et antimicrobiennes.
Ces caractéristiques en feraient non seulement d’excellents modèles pour la validation des protocoles de décontamination, mais ouvrent également la voie à de nouvelles pistes de recherche en biomédecine et en astrobiologie. Rosado et ses collègues prévoient prochainement d’évaluer la résistance et les taux de survie des bactéries nouvellement découvertes dans des salles de simulation planétaire afin de déterminer si elles pourraient survivre à un voyage jusqu’à Mars.
Selon Rosado, certaines espèces disposent de gènes susceptibles de les aider à s’adapter aux conditions de vol spatial. Leur survie dépendrait toutefois de leur capacité à résister aux conditions réelles in situ, telles que l’exposition au vide spatial, les radiations intenses et les températures extrêmes. Une salle de simulation planétaire est actuellement en construction à l’Université des sciences et technologies du roi Abdallah afin que l’équipe puisse explorer cette question.
Un échantillonnage coordonné et à long terme dans plusieurs salles blanches, selon des méthodes standardisées, sera également nécessaire pour mesurer les limites de survie et les réponses au stress des microorganismes. « Cela nous permettrait de mieux comprendre quelles caractéristiques sont réellement importantes pour la protection planétaire et lesquelles pourraient avoir une valeur translationnelle en biotechnologie ou en astrobiologie », conclut l’expert.


