Ces bactéries intestinales brassent leur propre alcool et peuvent gravement nuire au foie…

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Il est bien connu que la consommation excessive d’alcool peut être très nocive pour le foie. Mais à présent, des scientifiques ont découvert une souche de bactérie intestinale qui peut produire de l’alcool par elle-même, et ce, en quantité suffisante pour représenter un réel risque pour le foie des personnes qui, à la base, ne boivent même pas d’alcool…

Les résultats de cette nouvelle recherche suggèrent que ces bactéries pourraient contribuer à la stéatohépatite non alcoolique (NASH), une maladie qui se développe chez des patients qui ne sont pas alcooliques et provoque des lésions hépatiques qui sont histologiquement impossibles à distinguer de l’hépatite alcoolique.

Des chercheurs ont découvert pour la toute première fois ce microbe inhabituel alors qu’ils étudiaient un patient présentant un trouble curieux : ce dernier était atteint du syndrome dit d’auto-brasserie (ABS), une maladie extrêmement rare qui rend les gens ivres après qu’ils aient consommé des aliments sucrés.

Au cours de la semaine qui a précédé le traitement médical du patient, ce dernier était effectivement en état d’ivresse à chaque fois qu’il consommait un repas riche en glucides : à savoir que sa concentration d’alcool dans le sang pouvait alors parfois atteindre des niveaux potentiellement mortels, autour des 0.4%. Le syndrome de l’ABS a été associé à des infection à levures, dans lesquelles le champignon fermente l’alcool dans les intestins. Mais dans ce cas précis, la levure n’était pas responsable.

Les chercheurs ont alors décidé de se tourner vers les excréments de leur patient pour obtenir des réponses. Et ce n’est donc pas de la levure qu’ils ont découvert, mais des souches de bactéries productrices d’alcool, appelées Klebsiella pneumonia.

« Il s’agit de la toute première fois qu’une bactérie est liée à l’ABS », a déclaré Jing Yuan, professeur et directeur du laboratoire de bactériologie de l’Institut de pédiatrie de la capitale à Beijing. Bien que cette bactérie intestinale commune ne pose généralement aucun problème chez les personnes en bonne santé, le microbe semblait produire quatre à six fois le niveau d’alcool normal du patient.

Selon les médecins, outre son état d’ébriété, le patient souffrait également d’une grave inflammation du foie et de cicatrices, en raison d’une accumulation de graisse dans l’organe. Les chercheurs se sont donc demandés si d’autres personnes atteintes de cette maladie mentionnée en début d’article, soit la stéatohépatite non alcoolique (NASH), pouvaient également être porteurs de cette bactérie problématique.

Pour continuer leur analyse, l’équipe de scientifiques a échantillonné les bactéries intestinales récoltées chez plus de 40 personnes atteintes de NASH. Comparés à environ 50 témoins sains, les patients atteints de NASH ont présenté un peu plus de K. pneumonia dans le ventre que la moyenne. Cependant, la capacité de ces bactéries à produire de l’alcool semblait exceptionnellement forte chez ces personnes : en effet, environ 60% des patients souffrant de NASH possédaient dans leur intestin des bactéries productrices d’alcool, tandis que 6% seulement des patients témoins étaient porteurs de ces souches.

Dans le but de vérifier si cette bactérie pouvait causer la stéatohépatite non alcoolique, les chercheurs ont isolé des souches de bactéries productrices d’alcool et les ont ensuite injectées dans des souris de laboratoire « ne contenant pas de germe », qui ne possèdent donc pas leur propre bactérie intestinale. Un autre groupe de souris a reçu de l’éthanol, tandis qu’un groupe témoin n’a mangé que des aliments normaux pendant trois mois (soit la durée des tests).

Les souris qui mangeaient les bactéries alcoolisées ont commencé à accumuler de la graisse dans leur foie après un mois et ont développé des cicatrices au bout de deux mois, soit des symptômes semblables aux souris nourries à l’éthanol. L’étendue des dommages au foie est corrélée à la quantité d’alcool produite : de ce fait, plus il y a d’alcool, plus les dégâts sont importants. Selon les scientifiques, l’administration d’antibiotiques pourrait éviter cette maladie.

Dans tous les cas, les résultats de l’équipe de recherche suggèrent que K. pneumonia peut effectivement conduire à la progression de la stéatohépatite non alcoolique, du moins chez la souris.

« C’est quelque chose d’unique, qu’il suffise de changer une bactérie pour que cela se produise », a déclaré Rohit Loomba, directeur du centre de recherche NAFLD de l’Université de Californie, à San Diego.

Loomba a également noté que K. pneumonia pouvait être l’une des bactéries pouvant infliger des dommages au foie chez des modèles animaux. « Des études visant à confirmer ces découvertes chez l’Homme seront essentielles pour savoir comment et si K. pneumonia se mêle à d’autres microbes intestinaux afin de favoriser la progression de la maladie du foie », a-t-il ajouté.

Il ne s’agit toutefois pas de la première étude démontrant un lien entre des bactéries de l’intestin et une maladie du foie. En effet, dans une autre étude publiée cette année, Loomba et ses collègues ont découvert que les personnes atteintes de la maladie NASH hébergent des communautés bactériennes distinctes dans l’intestin, en fonction de l’évolution de la maladie. Si des microbes tels que K. pneumonia jouent effectivement un rôle dans la maladie NASH chez l’Homme, « alors ils pourraient un jour servir de cibles pour le traitement de la maladie », a ajouté Loomba.

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Lors des suivis avec leurs participants humains, les auteurs de l’étude ont découvert que les taux des souches à forte teneur en alcool diminuaient ou disparaissaient chez de nombreux candidats ayant suivi un traitement standard pour la maladie, qui avaient d’ailleurs perdu du poids. Les résultats suggèrent donc qu’il existe une forte association entre la bactérie et la progression de la maladie, mais à présent, la question est de savoir si la bactérie contribue réellement à causer la maladie.

L’équipe de scientifiques recrute actuellement des participants (adultes) pour effectuer une étude à plus grande échelle et à long terme. Une autre étude sera menée sur des enfants, pour déterminer « pourquoi certaines personnes ont des souches de K. penumonia à forte teneur en alcool dans leur intestin », ont spécifié les chercheurs. Ces derniers souhaitent bien évidemment également découvrir comment les bactéries contribuent à la maladie et à quel point.

Source : Cell Metabolism

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