Des chercheurs américains ont mis au point un matériau de construction « vivant », incorporant de nombreuses bactéries photosynthétiques. Le matériau agit ainsi comme un organisme vivant : il est capable de se développer et de se régénérer à une vitesse impressionnante.
Le « béton vivant », comme il est désormais appelé dans la presse, consiste essentiellement en un mélange de gélatine, de sable et de cyanobactéries. Mise au point et testée par des scientifiques de l’Université du Colorado à Boulder (États-Unis), la structure résultante a pu se régénérer trois fois après après avoir été sectionnée, suggérant une percée potentielle dans le domaine naissant des matériaux auto-régénérants.
Le matériau innovant, développé en partenariat avec la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), présente une couleur vert kaki après la fabrication. La coloration initiale s’estompe ensuite à mesure que les bactéries meurent.
« Ça ressemble vraiment à un matériau à la Frankenstein », a déclaré Will Srubar au New York Times, ingénieur et chef de projet à l’UC Boulder.
Même lorsque la couleur s’estompe, les bactéries survivent pendant plusieurs semaines et peuvent être rajeunies — entraînant une croissance supplémentaire — dans les bonnes conditions. Les résultats de l’étude ont été publiés mercredi dans la revue Matter.
« Le nouveau matériau représente une nouvelle classe passionnante de matériaux de construction design à faible teneur en carbone », a déclaré Andrea Hamilton, experte en construction à l’Université de Strathclyde, en Écosse.
Pour le mettre au point, les chercheurs ont d’abord essayé d’introduire des cyanobactéries dans un mélange d’eau chaude, de sable et de nutriments. Les microbes ont alors absorbé la lumière et ont commencé à produire du carbonate de calcium, cimentant progressivement les particules de sable entre elles. Mais le processus était lent, et la DARPA (la branche de recherche du ministère de la Défense et le bailleur de fonds du projet), voulait que la construction se fasse très rapidement. Cette nécessité a alors accéléré la naissance de cette nouvelle version plus performante du matériau.
De la gélatine ajoutée à la « mixture »
Le Dr Srubar avait déjà travaillé avec de la gélatine par le passé, un ingrédient alimentaire qui, lorsqu’il est dissous dans l’eau et refroidi, forme des liens spéciaux entre ses molécules. Il est important de noter que la gélatine peut être utilisée à des températures modérées qui sont douces pour les bactéries. Srubar a donc suggéré d’ajouter de la gélatine pour renforcer la matrice construite par les cyanobactéries, intriguant son équipe, qui était impatiente d’essayer.
Les chercheurs ont alors acheté de la gélatine (de marque Knox) dans un supermarché local et l’ont dissoute dans la solution contenant les bactéries. Lorsqu’ils ont versé le mélange dans des moules et l’ont refroidi, la gélatine a formé ses liens. En d’autres termes, la gélatine venait de renforcer la structure et a aidé les bactéries à accomplir leur travail, rendant le matériau plus résistant et accélérant son auto-régénération/développement.
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Après environ une journée, le mélange a permis de former des blocs de béton avec n’importe quel moule utilisé par le groupe, y compris des cubes de 5 centimètres, des blocs de la taille d’une boîte à chaussures et des pièces de treillis avec entretoises et découpes.
Les cubes individuels de 5 centimètres étaient assez solides pour qu’une personne puisse se tenir debout, bien que le matériau soit fragile par rapport à la plupart des bétons conventionnels. Les blocs de la taille d’une boîte à chaussures cependant, ont montré qu’il était possible de réaliser de véritables constructions.
Une utilisation potentielle dans le domaine spatial
La DARPA s’intéresse particulièrement à un matériau autoculture qui pourrait être utilisé pour assembler des structures dans des zones désertiques reculées, voire potentiellement dans l’espace. Le béton vivant pourrait également être utile dans des environnements plus rudes que les déserts terrestres les plus secs, comme sur Mars par exemple.
Si le béton vivant peut atteindre ce niveau d’utilisation, il pourrait réduire la quantité — et le poids — des matériaux que les agences spatiales devront envoyer en orbite. « Il n’y a aucun moyen de transporter des matériaux de construction dans l’espace », a déclaré Srubar. « Nous apporterons donc la biologie avec nous ».