Le Cumbre Vieja, un volcan situé au sud de l’île de La Palma, est entré en éruption le 19 septembre dernier. La gigantesque coulée de lave a gagné la côte ouest de l’île, transformant complètement le paysage. Aucune victime n’est à déplorer pour le moment, mais l’éruption a causé de sérieux dégâts. Pour mettre fin au désastre, Casimiro Curbelo, président du conseil municipal de La Gomera, une île voisine, a suggéré de lancer une bombe sur le volcan.
Près de 1000 hectares de terrain et plus de 2500 bâtiments ont été détruits, selon le dernier bilan du Copernicus Emergency Management Service. Une partie de la population a dû être évacuée ; la cendre et les pyroclastes s’accumulent sur les habitations. L’île est en outre soumise à des dizaines de tremblements de terre quotidiens depuis le début de l’éruption du Cumbre Vieja. Cela fait 50 jours que ce volcan crache de la lave sans discontinuer ; il semblerait toutefois qu’il soit entré dans une phase de stabilité depuis ce week-end, selon Rubén Fernández, directeur technique du Plan d’urgence volcanique des îles Canaries (Pevolca).
Les expulsions de lave sont moins intenses, mais aucune donnée n’indique que l’éruption va cesser, ont précisé les responsables de Pevolca. D’autant plus que l’activité sismique est toujours aussi importante sur l’île. Dans ce contexte, pour empêcher davantage de dommages, Casimiro Curbelo, président du conseil municipal de La Gomera — une autre île de l’archipel des Canaries — a suggéré il y a quelques jours de bombarder le volcan dans le but de dévier la lave des zones peuplées.
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Une approche déjà tentée par le passé pour d’autres éruptions
« N’y a-t-il pas un avion qui pourrait voler et lâcher [une bombe] ? […] C’est peut-être de la folie, mais j’ai l’impression d’un point de vue technologique qu’il faudrait essayer », a déclaré Curbelo lors d’un débat diffusé sur Radio Faycán. Sa proposition a suscité de vives critiques ; les internautes ont immédiatement créé plusieurs mèmes à son effigie, le représentant notamment aux côtés de Bruce Willis dans Armageddon.
Cette suggestion surprenante n’est toutefois pas complètement inédite rapporte Live Science : l’éruption du volcan Mauna Loa sur l’île d’Hawaï en 1935 aurait été stoppée de cette manière. L’éruption menaçant la ville d’Hilo, et en particulier la rivière Wailuku, qui l’alimentait en eau, Thomas Jaggar — qui a créé l’observatoire volcanologique d’Hawaï en 1912 — a sollicité l’US Air Force pour lui demander de larguer vingt bombes d’environ 300 kg afin de détruire les canaux de lave. L’opération fut un succès, stoppant net la coulée de lave. Toutefois, cette réussite est contestée par les experts, qui pensent que le fait que la lave ait cessé de couler juste après le bombardement ne soit qu’une simple coïncidence.
En évaluant les objectifs de bombardement de Jaggar, Harold Stearns, géologue de l’United States Geological Survey (USGS), qui était à bord de l’un des bombardiers, a déclaré à l’époque : « Les parois du tube de lave semblent avoir une hauteur de 25 à 50 pieds et être profondément enfoncées dans la coulée, de sorte que je pense qu’il n’y a aucun risque de rupture des parois. La lave liquide est basse. La possibilité de barrage semble efficace, mais la cible est trop petite ». Le lendemain du bombardement, EG Wingate, le surintendant du parc national d’Hawaï et supérieur de Jaggar, écrivit aux commandants de l’armée : « Bien que nous ne soyons pas encore en mesure de déterminer quel effet le bombardement aérien a produit, je doute fort qu’il parvienne à détourner le flux ». Des évaluations ultérieures, menées par l’USGS, ont confirmé qu’il ne s’agissait que d’une heureuse coïncidence.
Des conséquences parfois imprévisibles
Le mont Etna, situé en Sicile, a lui aussi été la cible d’explosifs au cours de son histoire : en 1983, des scientifiques ont tenté de détourner la coulée de lave loin de la population en utilisant de la dynamite. Près de 400 kg de charges explosives ont été disposés le long du flux de lave, dans des tuyaux refroidis par eau ; l’objectif était de guider la lave dans une tranchée artificielle creusée par l’explosion. L’expérience a porté ses fruits : la majeure partie de la lave a été redirigée.
Cependant, l’explosion a également divisé une autre partie de la coulée de lave plus en amont, qui a nécessité une intervention humaine pour bloquer, à l’aide de barrages improvisés, les nouveaux embranchements imprévisibles de cette « rivière » à haute température. Envisager un bombardement n’est donc peut-être pas la meilleure chose à faire. D’ailleurs, ni l’armée espagnole ni le Premier ministre Pedro Sanchez n’ont à ce jour commenté la proposition de Curbelo.
En dehors du fait que les nuages de cendres perturbent les liaisons aériennes, l’éruption n’impacte pas trop le quotidien des quelque 80 000 habitants qui demeurent loin de la zone volcanique — d’autant que la qualité de l’air s’améliore progressivement selon Pevolca. Le mois dernier, le gouvernement espagnol a annoncé une aide de 225 millions d’euros pour La Palma, dont 21 millions ont déjà été déboursés, selon Sanchez, qui a promis d’accélérer les dispositifs d’aide aux résidents touchés par la catastrophe.
C’est la troisième fois en 100 ans que le Cumbre Vieja entre en éruption ; les précédentes ont eu lieu en 1949 et 1971. Il a cette fois-ci battu son record de durée d’éruption, établi en 1949, qui était de 47 jours consécutifs.