L’alcool et le cannabis sont deux substances quotidiennement consommées par des millions de personnes à travers le monde. Si chacune a fait l’objet d’études individuelles, rares sont les études comparées permettant de caractériser l’amplitude des effets de l’un par rapport à l’autre. Une nouvelle recherche a toutefois réuni pour la première fois un panel statistiquement important afin d’obtenir des résultats comparés significatifs. Et les données issues montrent que l’alcool aurait un impact sur le cerveau bien plus néfaste que le cannabis.
Selon une nouvelle étude publiée dans la revue Addiction, l’alcool pourrait avoir des conséquences plus graves sur le cerveau que le cannabis, en particulier chez les adolescents. Des chercheurs ont notamment découvert que la consommation chronique d’alcool avait un lien avec la diminution de la matière grise du cerveau, constituée de cellules cérébrales et de synapses, chez les adolescents et les adultes.
Chez les adultes, la consommation d’alcool était également liée au déclin de l’intégrité de la substance blanche du cerveau, constituée principalement des longues fibres nerveuses qui transmettent des messages à travers le système nerveux. La consommation de cannabis, par contre, n’a été associée à aucun déclin de la substance grise ou blanche. « La différence entre l’alcool et le cannabis est assez flagrante » déclare Kent Hutchison, professeur de psychologie et de neuroscience à l’Université du Colorado.
Malgré ces résultats, l’étude n’a pas pour objectif de statuer sur l’innocuité potentielle du cannabis pour le cerveau. D’une part, l’étude ne portait que sur la consommation de cannabis au cours des 30 derniers jours et les participants avaient consommé des quantités relativement faibles de cette substance. En outre, selon Hutchison, il pourrait y avoir des changements subtils dans le cerveau que les mesures de l’étude n’ont pas identifié.
Impacts du cannabis sur le cerveau : une situation encore scientifiquement incertaine
Mais l’étude s’inscrit dans un ensemble de travaux qui ont abouti à des résultats mitigés concernant le cannabis et le cerveau. Différentes recherches sur les animaux, par exemple, suggèrent qu’au moins certains cannabinoïdes, les composés du cannabis, pourraient protéger le système neural. Les études chez l’Homme, en revanche, ont donné des résultats variés et beaucoup ont été trop peu significatifs pour tirer des conclusions définitives.
Une grande étude publiée en 2016 n’a pas permis de constater de changements dans la matière grise après la consommation de cannabis, mais a révélé que la drogue était liée à une dégradation de l’intégrité de la substance blanche ou de la qualité des connexions entre les cellules cérébrales, en particulier chez les personnes ayant commencé à en prendre à très jeune âge. Le problème réside en partie dans le défi consistant à dissocier la consommation de cannabis d’autres substances, notamment l’alcool.
Un autre problème consiste à déterminer si la drogue provoque réellement les modifications cérébrales observées. Une vaste étude sur des jumeaux publiée en 2015 a révélé que les différences cérébrales entre les utilisateurs de cannabis et les non-utilisateurs étaient antérieures à la consommation de cannabis plutôt que d’être provoquées par celle-ci. Les chercheurs ont conclu que les fumeurs de cannabis pourraient avoir des facteurs génétiques ou environnementaux qui les prédisposent à la consommation de cannabis.
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Alcool : ses effets sur le cerveau se montrent plus néfastes que pour le cannabis
La nouvelle étude présentait l’avantage d’un échantillon de grande taille. Les chercheurs ont examiné les scanners cérébraux d’environ 850 adultes âgés de 18 à 55 ans et d’environ 440 adolescents âgés de 14 à 19 ans, qui ont tous signalé des niveaux variables de consommation d’alcool et de cannabis. L’alcool était plus courant que le cannabis en tant que substance de choix : 487 adultes (57%) et 113 adolescents (26%) ont déclaré avoir consommé uniquement de l’alcool au cours des six derniers mois. Tandis que 5 adultes (0.6%) et 35 adolescents (8%) ont déclaré avoir consommé uniquement du cannabis au cours des six derniers mois. D’autres ont utilisé les deux.
Hutchison et son équipe ont été en mesure de contrôler statistiquement la consommation d’alcool tout en recherchant les effets du cannabis, et inversement. Ce qu’ils ont trouvé pour la consommation d’alcool n’était pas surprenant, considérant que l’alcool est une neurotoxine connue. Une consommation plus importante d’alcool a entraîné une baisse plus importante de la matière grise et une dégradation de la qualité des connexions dans la substance blanche.
En revanche, « nous ne voyons aucun effet statistiquement significatif du cannabis sur la matière grise ou la matière blanche » déclare Hutchison. Les résultats ont des implications pour la santé publique. Les fonds publics sont limités pour minimiser les dommages causés par la consommation de substances à des fins récréatives. Il est donc logique de se concentrer sur la substance qui cause le plus de dégâts.
Mais il y a encore beaucoup de questions en suspens, et les futures études pourraient examiner les impacts à long terme de la consommation de cannabis en suivant les mêmes personnes au fil du temps. Hutchison conclut en affirmant qu’il est nécessaire de poursuivre les recherches sur l’interaction entre l’alcool et le cannabis, notamment parce que les personnes qui utilisent ces substances ont tendance à consommer les deux.