Bien qu’elle soit étudiée depuis de nombreuses décennies par les astrophysiciens, notre galaxie, la Voie lactée, est loin d’avoir révélé tous ses secrets. En début d’année, une vaste étude indiquait qu’en réalité la Voie lactée n’était pas un disque plat et uniforme mais montrait une forme tordue à sa périphérie. Récemment, des chercheurs ont assemblé la carte 3D la plus précise de la morphologie de notre galaxie, révélant sa structure repliée et déformée.
En calculant la distance entre le Soleil et des milliers d’étoiles de la Voie lactée, les astronomes ont maintenant cartographié notre galaxie en 3D à une échelle plus grande que jamais. Ces nouveaux résultats, publiés dans la revue Science, ont mis en lumière la forme tordue et déformée du disque de la galaxie.
La Voie lactée est une galaxie spirale composée d’une région centrale en forme de barre, entourée d’un disque plat de gaz, de poussière et d’étoiles d’environ 120’000 années-lumière de large. Notre système solaire est situé à environ 27’000 années-lumière du centre galactique, dans l’un des quatre bras spiraux du disque.
Une grande partie des connaissances actuelles concernant la forme et la structure de la Voie lactée sont basées sur les distances entre le Soleil et divers points de repère célestes, étayées par une extrapolation de ce que les astronomes ont vu dans d’autres galaxies. Cependant, les distances entre le Soleil et ces points de repère sont généralement mesurées indirectement.
Une carte galactique basée sur l’observation des étoiles céphéides
Dans cette nouvelle étude, les scientifiques ont cherché à mesurer directement les distances entre le Soleil et un large échantillon d’étoiles afin de construire une carte 3D de la galaxie. Ils se sont concentrés sur un type spécifique d’étoile, connu sous le nom de variable céphéide. Les céphéides sont des jeunes étoiles supergéantes des centaines de milliers de fois plus brillantes que le Soleil et dont le rythme de pulsation lumineuse est connu.
Les céphéides semblent pulser car leur gaz chauffe et se refroidit, se dilate et se contracte selon des cycles très réguliers pouvant durer de quelques heures à plusieurs mois. Le lien bien défini entre la luminosité d’une céphéide et son cycle de pulsations signifie qu’en chronométrant ses pulsations, les astronomes peuvent en déduire la luminosité intrinsèque d’une céphéide.
Après avoir comparé la luminosité intrinsèque d’une céphéide à sa luminosité apparente — c’est-à-dire à quel point elle apparaît brillante depuis la Terre — les astronomes peuvent ensuite estimer la distance de la céphéide à notre planète. Les astrophysiciens peuvent ainsi déterminer les distances avec ces étoiles avec une précision supérieure à 5%.
Grâce à l’Optical Gravitational Lensing Experiment, qui surveille la luminosité de près de 2 milliards d’étoiles, les chercheurs ont cartographié la distance entre le Soleil et plus de 2400 céphéides à travers la Voie lactée.
« Cela a pris six ans, mais ça en valait la peine » déclare l’astrophysicienne de l’université de Varsovie, Dorota Skowron, auteure principale de l’étude. Ces découvertes ont aidé les astronomes à construire une carte 3D à grande échelle de la Voie lactée. C’est la première carte de ce type basée sur les distances directement mesurées vers des milliers de points de repère célestes à travers la galaxie.
La Voie lactée : une galaxie à la morphologie déformée
La nouvelle carte a permis de révéler plus de détails sur les distorsions que les astronomes avaient précédemment détectées. Plus précisément, le disque de la galaxie n’est pas plat à des distances supérieures à 25’000 années-lumière du noyau galactique, mais déformé. Cette déformation étant potentiellement causée par les interactions de la galaxie avec les galaxies satellites, le gaz intergalactique ou la matière noire.
« Une déformation du disque galactique a déjà été détectée, mais c’est la première fois que nous pouvons utiliser des objets individuels pour tracer sa forme en trois dimensions » déclare Przemek Mróz, de l’université de Varsovie. La déformation que les chercheurs ont vue dans la Voie lactée était étonnamment prononcée.
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Les astronomes peuvent déduire l’âge des céphéides en fonction de leurs cycles de pulsation. Ils ont trouvé des grappes de céphéides d’âges très similaires. « C’est une indication claire qu’elles se sont formées ensemble. Nous pouvons voir de nos propres yeux et dans notre propre galaxie que la formation d’étoiles n’est pas constante, mais qu’elle se produit effectivement par rafales » explique Skowron.
Les étoiles pourraient s’être formées en groupe suite à divers déclencheurs. Des nuages géants de gaz interstellaire peuvent se fragmenter sous leur propre gravité et s’effondrer dans des poches formant des étoiles. Les fusions entre les galaxies ou les vents interstellaires de supernovas peuvent également avoir pour effet de diviser les nuages géants en étoiles.
Des cartes 3D galactiques plus précises pour mieux comprendre la Voie lactée
À l’avenir, les chercheurs envisagent d’affiner leur carte 3D de la Voie lactée en traçant les distances entre le Soleil et d’autres étoiles pulsantes comme RR Lyrae. Comme les céphéides, RR Lyrae pulse selon des cycles avec des durées prévisibles, mais existe dans la galaxie depuis bien plus longtemps. Cela aiderait les chercheurs à comprendre comment les parties les plus anciennes de la galaxie ont changé au fil du temps.
De meilleures cartes 3D de la Voie lactée peuvent aider les astrophysiciens à mieux comprendre sa forme. Par exemple, « le nombre des principaux bras en spirale fait encore l’objet de débats ; de même que le degré de spiralisation des bras » déclare Skowron.
Une meilleure compréhension de la forme de la galaxie pourrait alors, à son tour, éclairer son évolution, telle que la manière dont les étoiles se déplacent et se propagent depuis leur lieu de formation, et ce qui aurait pu exactement déformer la galaxie en premier lieu.
Dans cette vidéo, les astrophysiciens expliquent comment ils ont cartographié la Voie lactée grâce aux céphéides :