Dans le cadre d’une nouvelle étude, 15 000 scientifiques issus de 161 pays différents alertent que les signes vitaux indiquant l’habitabilité de notre planète se sont dramatiquement détériorés. Parmi les 35 principaux signes vitaux, 20 se situent désormais à des niveaux de non-viabilité extrêmes et inédits pour l’humanité. Sans actions urgentes contre la surconsommation des ressources et les émissions de gaz à effet de serre, la plupart de nos écosystèmes naturels et socio-économiques pourraient s’effondrer d’ici la fin du siècle.
Malgré les avertissements des scientifiques depuis plusieurs décennies sur les conséquences du changement climatique, les efforts de lutte n’ont toujours pas l’ampleur qu’il faudrait. « Malheureusement, le temps est écoulé », ont écrit les chercheurs dans la nouvelle étude, publiée dans la revue BioScience. Nous assistons à la manifestation des prédictions de catastrophes, avec une fréquence et une rapidité alarmante. Nous nous aventurons désormais en territoire inexploré en assistant notamment à des situations climatiques dont nous n’avons jamais été témoins au cours de notre histoire.
En vue du rythme de changement actuel, les climatologues estiment que de nombreux points de basculement planétaires pourraient survenir bien plus tôt que prévu. La nouvelle recherche est codirigée par une équipe de l’Université d’État de l’Oregon (OSU) et cosignée par plus de 15 000 scientifiques internationaux.
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« La vie sur la planète Terre est assiégée »
Nous avons assisté cette année à des records climatiques à travers le monde. Nous avons connu 38 jours avec des températures moyennes planétaires supérieures de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Le 7 juillet 2023, la température moyenne quotidienne à la surface de la planète était la plus élevée jamais mesurée. Les températures océaniques étaient si élevées que les étendues de banquise entourant l’Antarctique ont atteint les niveaux les plus bas enregistrés depuis l’avènement des données satellitaires : 2,67 millions de kilomètres carrés en dessous de la moyenne.
Les auteurs de la nouvelle étude ont également mentionné les incendies de forêt dramatiques survenus cette année au Canada. Ces feux ont rejeté plus d’une gigatonne de CO2 dans l’atmosphère, soit beaucoup plus que l’émission totale du pays entier en 2021 (0,67 gigatonne). Des incendies sans précédent ont également été signalés en mi-septembre au Pantanal (au Brésil), la plus grande zone humide de la planète. Ces incendies deviennent toujours plus fréquents au niveau de biomes où ils sont censés être moins nombreux.
Les experts estiment que ces écosystèmes sont probablement sur le point de s’adapter à de nouveaux régimes de feux, ce qui modifiera considérablement le paysage et perturbera leur cycle de séquestration de carbone. En d’autres termes, ils pourraient rejeter plus de carbone qu’ils n’en séquestrent. Une précédente étude suggère que cette perturbation du cycle du carbone est déjà amorcée au niveau des forêts tropicales telles que l’Amazonie, qui pourrait d’ailleurs, dans un avenir relativement proche, se transformer en savane. En vue de leur rôle clé pour l’équilibre climatique planétaire, la transformation de ces écosystèmes aura des conséquences dramatiques sur les températures mondiales.
Après analyse des 35 principaux signes vitaux indiquant l’habitabilité de notre planète (concentration atmosphérique de gaz à effet de serre, perte de couverture forestière, croissance démographique, …), les chercheurs révèlent que 20 d’entre eux ont largement dépassé les limites viables. « La vie sur la planète Terre est assiégée », écrivent-ils dans leur étude. L’un des auteurs, Christopher Wolf, de l’OSU, affirme que « sans actions visant à résoudre le problème fondamental du fait que l’humanité tire plus de la Terre que ce qu’elle peut donner en toute sécurité, nous sommes sur la bonne voie pour l’effondrement potentiel des systèmes naturels et socio-économiques et vers un monde avec une chaleur insupportable et des pénuries de nourriture et d’eau douce ».
Adopter des mesures fondées sur l’équité et la justice sociale
Malgré les décisions politiques et les mesures initiées en faveur de la lutte contre le changement climatique, les émissions de carbone n’ont cessé de grimper (en flèche). Bien que la consommation d’énergie renouvelable ait augmenté de 17% entre 2021 et 2022, elle reste 15 fois inférieure à celle de l’énergie fossile. D’autre part, les subventions liées à cette dernière ont presque doublé en vue de l’amortissement du coût énergétique mondial. Entre 2021 et 2022, les chiffres sont notamment passés de 531 milliards à 1000 milliards de dollars, sans compter que le système REDD+ de compensation carbone peine à générer des impacts positifs tangibles.
Les experts de la nouvelle étude estiment que tant que les pressions anthropiques sur les écosystèmes sont maintenues à leur rythme actuel, toute stratégie uniquement axée sur le carbone ou le climat ne fera que redistribuer la pression. De ce fait, il est essentiel d’adopter des mesures plus fermes fondées sur l’équité et la justice sociales, en réduisant par exemple la surconsommation et les émissions carbone les catégories sociales les plus riches.
Il est important de noter que bien qu’elles n’englobent qu’un pourcentage infime de la population mondiale, ces personnes émettent annuellement plus de carbone que la totalité de celles moins favorisées. Or, les populations les plus vulnérables sont impactées de manière disproportionnée par les conséquences du changement climatique, auquel elles ont le moins contribué. En outre, les recommandations des chercheurs incluent également la réduction de la dépendance aux énergies fossiles ainsi que les actions en faveur de la protection des forêts.