Le 7 septembre, un ouragan baptisé Paulette s’est formé au-dessus de l’Atlantique, à l’ouest des îles du Cap-Vert. Il a rapidement perdu en intensité, au point de ne devenir qu’une « simple » dépression au large des côtes canadiennes une semaine plus tard. Mais voilà que l’ouragan renaît de ses cendres quelques jours plus tard, menaçant les Açores. Un phénomène curieux, mais pas inédit.
En octobre 2018, les côtes portugaises avaient malheureusement été frappées par une « tempête zombie » similaire. Baptisé Leslie, cet ouragan de catégorie 1 s’était formé au niveau des Bermudes, pour très vite revenir au statut de tempête tropicale. Après plusieurs jours d’errance au-dessus de l’Atlantique, elle s’est finalement re-transformée en ouragan alors qu’elle se dirigeait vers le Portugal, où elle a causé d’importants dégâts et fait plusieurs blessés.
Des tempêtes régénérées par les zones chaudes
Paulette et Leslie ne sont que deux exemples parmi d’autres. En 2016, un tel phénomène est même parvenu à changer d’océan ! L’ouragan Otto, qui s’était formé au sud de la mer des Caraïbes (Antilles), a oscillé quelques jours entre les statuts de tempête tropicale et d’ouragan, avant de traverser l’Amérique centrale pour se retrouver dans l’océan Pacifique, dévastant au passage le Nicaragua et le Costa Rica. Ce fut la première fois qu’un cyclone conserva son nom d’un océan à l’autre — la nomenclature officielle prévoit en effet des dénominations différentes selon le bassin cyclonique où ces événements sévissent.
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Comment des ouragans peuvent-ils disparaître soudainement pour réapparaître ailleurs quelques jours plus tard ? Il se trouve que si un cyclone tropical parvient dans un environnement moins « favorable » (eaux plus fraîches, cisaillement des vents), il peut perdre en intensité, mais sans pour autant disparaître entièrement. De ce fait, si le système continue à se déplacer et se retrouve finalement dans un milieu plus favorable à sa formation, il est tout à fait possible qu’il retrouve ses caractéristiques initiales. Voilà pourquoi les spécialistes parlent de « tempête zombie ».
Les tempêtes de l’Atlantique se forment généralement dans les parties les plus chaudes de l’océan, soit près de l’Afrique. Ces dépressions traversent ensuite l’océan pour rejoindre le continent américain. Mais les tempêtes n’évoluent en ouragan que si elles disposent d’un approvisionnement continu en eau chaude et en air humide ; dans le cas contraire, dans des eaux plus fraîches ou sur la terre, elles s’affaiblissent.
Par le passé, lorsque ces ouragans perdaient en intensité, ils « mourraient » simplement au-dessus de l’Atlantique. Mais désormais, il apparaît qu’ils peuvent « ressusciter » en récupérant de l’énergie au niveau des eaux chaudes des Caraïbes. Donald Wuebbles, professeur de sciences atmosphériques à l’Université de l’Illinois, précise que le phénomène s’observe également pour les tempêtes qui ne sont pas encore éteintes. Le dernier exemple en date : l’ouragan Laura, qui du jour au lendemain, le 26 août 2020, est passé de la catégorie 1 à la catégorie 4 après avoir puisé de l’énergie dans le golfe du Mexique.
Une saison cyclonique particulièrement intense
À l’instar d’autres catastrophes naturelles, ces anomalies météorologiques s’avèrent de plus en plus courantes. « Les tempêtes zombies vont se produire plus souvent », confirme Wuebbles. Le responsable ? Le réchauffement climatique. L’expert précise qu’un réchauffement extrême a été observé dans le golfe du Mexique, en particulier au large des Caraïbes. Or, cette zone, où de nombreux ouragans gagnent en intensité avant de frapper les États-Unis, est particulièrement vulnérable au réchauffement climatique, car les eaux du golfe sont très peu profondes et se réchauffent donc facilement.
La recrudescence de ces événements climatiques est confirmée par Brandon Miller, météorologue à CNN : « L’année 2020 est une bonne candidate pour observer des tempêtes zombies, car les températures de l’eau sont au-dessus de la moyenne sur une grande partie de l’océan Atlantique ; en outre, nous assistons à un nombre record de tempêtes, ce qui augmente les chances de régénération », explique-t-il.
Au printemps de cette année, plusieurs groupes d’experts avaient effectivement annoncé une saison d’ouragans extrêmement intense sur l’Atlantique. Cette année 2020 devrait ainsi compter un nombre record de tempêtes tropicales, dont très certainement plusieurs tempêtes zombies. Détail particulièrement significatif : le 18 septembre, l’Organisation météorologique mondiale a été contrainte de recourir à l’alphabet grec pour nommer deux nouvelles tempêtes tropicales, faute de noms encore disponibles. C’est seulement la seconde fois que cela est nécessaire dans toute l’histoire des ouragans !
La saison cyclonique 2020 a débuté de façon précoce, le 16 mai, avec la tempête tropicale Arthur. Après plusieurs autres tempêtes de courte durée, le premier ouragan de la saison fut Hanna, un ouragan de catégorie 1 qui a frappé le Texas et le Mexique le 25 juillet. Fin août, Laura fut quant à lui le premier événement de l’année classé comme « ouragan majeur », un terme utilisé par le National Hurricane Center pour désigner les ouragans de catégorie 3 et plus.
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Ce mois de septembre a ensuite été particulièrement intense : jusqu’à cinq cyclones actifs en même temps ! À ce jour, quinze tempêtes et huit ouragans se sont déjà manifestés. Les derniers événements en date sont les deux tempêtes tropicales Alpha et Beta, identifiées le 18 septembre, respectivement au niveau des côtes portugaises et au-dessus du Mexique.
Pour Wuebbles, le constat est sans appel : si la planète continue à se réchauffer, les tempêtes sont susceptibles de devenir plus intenses. Les tempêtes zombies, quant à elles, pourraient demeurer en sommeil au lieu de disparaître, constituant des menaces permanentes à surveiller de très près.