Certains mystères impliquant la théorie du chaos quantique, proposée il y a plus de 40 ans, ont enfin été élucidés. Dans une nouvelle expérience, des physiciens sont parvenus à observer directement et pour la première fois, la façon dont les électrons confinés dans l’espace quantique se déplacent. Ils suivraient des motifs distincts et structurés au lieu de trajectoires totalement aléatoires. Cette découverte, d’après les chercheurs, pourrait bénéficier à certains aspects du domaine électronique, notamment la conception de transistors à faible puissance et à haut rendement.
La théorie du chaos classique est une branche de la physique qui décrit un comportement dynamique, sensible aux changements des conditions initiales, bien que régi par des lois déterministes. Les événements suivent des trajectoires imprévisibles et semblent aléatoires. La mécanique quantique, contrairement à ce qui se passe dans le chaos classique, impose des limitations à la précision. La théorie du chaos quantique explore ainsi la façon dont les systèmes chaotiques classiques se manifestent dans le cadre de la mécanique quantique, où les particules ne suivent pas des trajectoires définies et cèdent la place aux fonctions d’onde. Cette théorie a été proposée pour la première fois dans les années 1970 par Michael Berry et Mark Kac.
Aujourd’hui, dans une nouvelle étude, une équipe internationale dirigée par le physicien Jairo Velasco de l’Université de Californie à Santa Cruz, a observé directement les effets du chaos quantique. En réalisant une série d’expériences, les chercheurs ont notamment confirmé le phénomène des « cicatrices quantiques », un concept qui a été proposé en 1984 par le physicien Eric Heller, également co-auteur de l’étude. Les cicatrices quantiques se définissent comme étant des modèles d’orbites électroniques à haute densité. Ils se forment à partir de l’interférence des ondes électroniques dans des espaces quantiques confinés.
« La cicatrisation est une localisation autour d’orbites qui reviennent sur elles-mêmes. Ces retours n’ont pas de conséquences à long terme dans notre monde classique normal – ils sont vite oubliés. Mais ils sont gravés à jamais dans la mémoire du monde quantique », explique Heller dans un communiqué. En s’appuyant sur le phénomène des cicatrices quantiques, les chercheurs ont souligné que les électrons, contrairement à ce qui était estimé dans des systèmes chaotiques, ne suivaient pas des trajectoires aléatoires, mais plutôt des trajectoires orbitales.
Ils ont expliqué qu’en plus de leurs propriétés ondulatoires et particulaires, les électrons présentaient également des comportements contre-intuitifs. Dans certaines conditions, leur nature ondulatoire crée des motifs d’interférence qui, à leur tour, forment des trajectoires prévisibles.
Le graphène, un matériau aux propriétés décisives
Pour réaliser cette découverte, l’équipe a eu recours à un matériau possédant une structure bidimensionnelle composée d’une seule couche d’atomes de carbone : le graphène. Cette propriété en fait un matériau idéal pour l’observation des effets quantiques. Dans leurs travaux, publiés dans la revue Nature, Velasco et son équipe ont utilisé un microscope à effet tunnel équipé d’une sonde à pointe fine. Au cours de l’expérience, ils ont créé un piège à électrons pour ensuite positionner la sonde du microscope au niveau de la surface du graphène, afin de détecter les mouvements des électrons sans pour autant les perturber.
Les chercheurs ont également utilisé un modèle visuel appelé « billard » afin d’illustrer la mécanique des systèmes chaotiques classiques. En effet, dans le domaine de la physique classique, une particule qui est confinée à l’intérieur d’un billard en forme de stade se déplace aléatoirement jusqu’à recouvrir toute la surface. Dans cette expérience, l’équipe a créé un « stade » de graphène de 400 nanomètres de long. À l’aide d’un microscope, ils ont pu observer des modèles d’orbites d’électrons qui suivaient des motifs en forme de symbole de l’infini (∞), comme la théorie d’Heller l’avait prédit.
Cette expérience est la première à avoir permis d’observer en direct les cicatrices quantiques dans un système réel et pourrait ainsi ouvrir la voie au développement de nouvelles technologies de traitement de l’information. « Dans nos futures recherches, nous prévoyons de développer des outils permettant de manipuler et d’exploiter ces états de cicatrices pour des applications concrètes », a déclaré Velasco.