Malgré sa réputation d’indépendant, voire d’antisocial, le chat apparait comme l’animal de compagnie le plus populaire dans le monde. Au départ élevé pour chasser les rats et les souris, il a su s’imposer dans de nombreux foyers. En 2019, preuve était faite qu’il reconnait son nom, comme le chien. Mais contrairement à ce dernier, il est plus difficile de le dresser et, in fine, de savoir s’il appréhende et mémorise d’autres mots ayant des significations référentielles, à l’image d’un prénom faisant référence à un individu. Récemment, une équipe de chercheurs japonais affirme avoir démontré que les chats, en plus de reconnaitre leur nom, apprennent et retiennent le nom de leurs congénères vivant avec eux, mais aussi celui de leur(s) maitre(s). Cette découverte jette les bases de connaissances plus approfondies sur la cognition linguistique des chats.
Nous communiquons dans tous les aspects de la vie, faisant référence à des concepts et principes souvent impalpables. Les mots incluent une part de signification référentielle, en dehors de l’espace et du temps. On peut parler de choses qui ne sont pas là physiquement, non encore réalisées ou déjà passées. Nos actions sont modelées, pour une partie, par ce langage. Cela se retrouve également chez certains animaux. Les mésanges par exemple, agissent de façon différente selon le type de chant. Les modulations de la « mélodie », à la manière de nos mots et intonations, peuvent avertir un congénère d’un danger immédiat. En d’autres termes, un cri spécifique est associé à une référence particulière.
On observe depuis le début des années 2000 une forte progression du nombre de chats en France, tandis que le nombre de chiens tend à baisser. Alors que ces derniers démontrent des capacités intellectuelles et d’apprentissage importantes, notamment en matière de mots retenus associés à des images mentales, les chats ne sont pas aussi dociles face à l’apprentissage. Néanmoins, ces dernières années, les scientifiques ont montré que les chats se lient profondément aux humains. Ces créatures complexes peuvent communiquer avec nous.
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C’est pourquoi une équipe de recherche japonaise, menée par Saho Takagi, chercheur en Sciences animales à l’Université de Kyoto, a évalué si les chats reliaient un énoncé humain et l’objet correspondant. Leur découverte surprenante, montrant que les chats sont bien plus à l’écoute de nos propos que nous le pensions jusqu’ici, est publiée dans la revue Scientific Reports.
Des oreilles attentives et une mémoire active
Pour estimer de façon objective si les chats présentent des capacités similaires aux chiens à associer des mots à leurs images mentales, les scientifiques ont mené deux expériences distinctes, dont le principe général repose sur la surprise induite par un évènement inattendu. Plus précisément, que ce soit pour l’Homme ou les animaux, nous avons tendance à rester figés face à l’inattendu. Concrètement, dans cette étude, la surprise/l’inattendu est représenté par l’énoncé d’un mot ne correspondant pas à l’image présentée ensuite. Ce comportement de fixation témoigne de la compréhension du mot prononcé.
Les chercheurs ont donc observé le comportement de 48 chats, pour relever ou non cette réponse. 29 vivaient dans cinq « cafés à chats », où les visiteurs peuvent interagir librement avec les chats. Les 19 autres étaient des chats domestiques, vivant avec au moins deux autres chats.
Dans un premier temps, ils ont présenté (sur un écran) aux chats la photo d’un congénère (nommé chat modèle) vivant avec eux, associée aux stimuli auditifs consistant en un enregistrement de la voix du propriétaire appelant le chat en question par son nom. Pour chaque sujet, deux essais congruents (le nom correspondait à la photo) et deux essais incongrus (la photo ne correspondait pas au nom prononcé) ont été menés.
De manière étonnante, les chats domestiques ont passé plus de temps à regarder l’écran de l’ordinateur pendant l’essai incongru, restant comme figés et intrigués par le décalage entre l’image et le nom du chat modèle. Ces résultats indiquent que seuls les chats domestiques anticipaient l’image du chat modèle en entendant son nom. Les scientifiques expliquent que les chats de café ne semblent pas apprendre l’association entre le nom d’un autre chat et son visage. En effet, les différences environnementales entre les chats domestiques et les chats de café, incluant la fréquence à laquelle ils observent que d’autres chats sont appelés et réagissent aux appels, en seraient responsables. En termes simples, selon l’étude, plus les chats habitent longtemps ensemble et sont susceptibles d’entendre les humains les appeler par leur nom, plus ils apprennent aisément à relier un nom à un congénère spécifique.
Les chats préoccupés par leurs propriétaires ?
Dans un second temps, les auteurs ont mené un test similaire, mais en utilisant l’image d’un humain comme stimulus à la place du chat modèle. Ils ont montré à 26 chats l’image d’une personne avec laquelle ils vivaient (dans un foyer de plusieurs personnes) ou celle d’un inconnu (situation incongrue), après que le nom de la personne a été prononcé. De la même manière que précédemment, les chats restaient figés sur l’écran d’ordinateur un peu plus longtemps lorsqu’il y avait un décalage entre l’image et le nom. De plus, cet effet était sensiblement plus marqué dans les ménages comptant plus de personnes, ainsi que dans ceux où le chat avait vécu plus longtemps en famille.
Pour les auteurs de l’étude, il est clair que le chat est capable, en plus d’apprendre son nom, de retenir celui de son maître (tout comme le fait le chien) ainsi que celui de ses congénères. Ils soulignent : « Cette étude fournit des preuves que les chats associent le nom d’un compagnon et le visage correspondant sans formation explicite ».
Le comportement et l’apprentissage des chats sont des domaines d’étude en pleine expansion. En 2020, une étude a démontré la capacité des chats à apprendre des comportements en regardant ce que font les humains. Ces découvertes vont faire évoluer nos regards et nos jugements, souvent stéréotypés, concernant nos compagnons à quatre pattes. Même s’ils ne semblent pas s’intéresser à ce que nous pouvons faire ou leur raconter, il semble bien que nous nous trompions. Pour leur prochaine étude, les chercheurs espèrent déterminer le mécanisme impliqué dans la mémorisation chez le chat, et dans quelle mesure ce dernier comprend le langage.