Alors que certains considèrent les chats comme des animaux asociaux et peu expressifs, toujours plus d’études suggèrent qu’ils sont bien plus sociables qu’on le pense. Une nouvelle étude révèle qu’ils utilisent 276 expressions faciales différentes pour communiquer entre eux. Contrairement à leurs parents sauvages, ils auraient développé cet aspect communicatif au fil des 10 000 ans de domestication par les humains.
Les expressions faciales sont largement utilisées pour évaluer la valence émotionnelle non seulement chez les humains, mais également chez les animaux. Dès 1872, Darwin a prédit qu’autant chez l’Homme que chez les animaux, la contraction de groupes musculaires spécifiques crée des expressions faciales spontanées. Cependant, cet aspect est peu étudié chez les animaux, notamment et surtout chez les chats, généralement considérés comme difficiles à domestiquer et à étudier (car trop peu expressifs).
D’autre part, « beaucoup de gens considèrent encore les chats — à tort — comme une espèce largement non sociale », explique Daniel Mills, un comportementaliste vétérinaire de l’Université de Lincoln. Cependant, « les expressions faciales décrites dans la nouvelle étude suggèrent le contraire. Il se passe clairement beaucoup de choses dont nous ne sommes pas conscients », ajoute-t-il.
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Bien que ces animaux aient souvent tendance à se montrer solitaires et indépendants, toujours plus de preuves suggèrent qu’ils peuvent avoir des comportements sociaux complexes. Ils peuvent par exemple « se lier d’amitié » avec d’autres chats ou d’autres animaux vivant dans la même maison, chez des voisins, ou dans la rue. Des témoignages rapportent d’ailleurs l’existence de chats errants vivant en meutes de milliers d’individus.
Et bien qu’il y ait eu récemment un intérêt croissant pour l’étude des expressions faciales des chats domestiques, les recherches se concentraient surtout sur celles liées à la douleur et aux interactions avec leurs maîtres. D’un autre côté, les rares études analysant la communication intraspécifique sont surtout axées sur les contextes de rivalité (ou non affiliatifs).
Or, un duo de chercheurs de l’Université du Kansas et du Lyon College suggère que les signalisations faciales intraspécifiques (affiliatives ou non) chez les chats sont corrélées à leur domestication par les humains et favorisent les liens sociaux. « Étant donné la relation étroite entre la forme physique et la fonction sociale des signaux faciaux des mammifères, nous avons prédit que les signaux faciaux affiliatifs et non affiliatifs auraient des différences notables dans leur morphologie physique », expliquent-ils dans leur étude, parue dans la revue Behavioural Processes.
Cette recherche visait notamment à explorer la manière dont les chats communiquent entre eux par le biais d’expressions faciales spécifiques et révèle finalement une gamme bien plus étendue qu’on le pensait. Les résultats pourraient aider les propriétaires de chats à mieux comprendre leurs animaux, ou à guider celles et ceux qui souhaitent en adopter à sélectionner lesquels sont les plus susceptibles de s’entendre avec d’autres animaux de compagnie ou des enfants.
Des expressions en commun avec les singes et les humains
Afin de corroborer leur hypothèse, les chercheurs ont observé 53 chats domestiques adultes à poil court (Felis silvestris catus) et ont enregistré 194 minutes de vidéo incluant 186 évènements communicatifs. Parmi ces événements, 688 signaux faciaux ont été enregistrés, dont 413 effectués par des mâles et 275 par des femelles. Parmi ces signaux, 354 (51,45%) étaient produits dans un contexte affiliatif et 334 dans un contexte non affiliatif (48,55%).
Dans un deuxième temps, la complexité et la composition des signaux ont été comparées par le biais d’un codeur d’expressions faciales, spécifiquement conçu pour les chats. Le nombre et les types de mouvements musculaires faciaux ont également été relevés pour chaque expression. Tous les mouvements liés à la respiration, la mastication ou le bâillement ont été exclus.
Après analyse, les chercheurs ont recensé un total de 26 mouvements musculaires utilisés dans 276 expressions faciales différentes. À titre de comparaison, les chimpanzés en effectuent 357. Chaque expression comprenait une combinaison spécifique de 4 mouvements musculaires, tels que la dilatation des pupilles, la rétractation des oreilles ou des moustaches, le retroussement des babines, etc. Pour mettre cela en perspective, les chiens produisent environ 27 mouvements expressifs du visage différents tandis que les humains en effectuent près de 44.
La grande majorité des expressions étaient soit amicales (45%) envers d’autres chats, soit agressives (37%). Selon les experts, les animaux avaient tendance à diriger leurs oreilles et leurs moustaches vers leurs congénères en cas d’interaction amicale et inversement en cas de rivalité. L’agressivité était également associée au léchage de babines et l’étrécissement des pupilles. Les 18% d’expressions restantes étaient plus subtils. Les chercheurs ne sont donc pas parvenus à les catégoriser précisément. Par ailleurs, certaines étaient similaires à celles effectuées par les humains, les chiens, les singes et d’autres mammifères, suggérant la présence d’une dynamique faciale commune.
Bien que les résultats n’ont pas pu être comparés avec ceux de parents félins sauvages, les chercheurs estiment que les chats domestiques sont bien loin d’être aussi solitaires qu’eux. Bien que les chats aient en partie conservé cet aspect d’indépendance, ils seraient devenus plus sociaux depuis leur domestication par les humains. « Le processus de domestication a conduit à une plus grande variété d’interactions sociales intraspécifiques chez les chats », concluent les chercheurs dans leur document.