Des chercheurs découvrent un phénomène qui rend les atomes transparents

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Vue d'artiste d’un laser frappant des atomes dans une cavité optique. | Ella Maru Studio
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Une équipe de Caltech a récemment découvert un phénomène appelé « transparence induite collectivement » (ou CIT, pour collectively induced transparency), qui se manifeste lorsqu’un groupe d’atomes cesse brusquement de réfléchir la lumière à des fréquences spécifiques. Cette découverte pourrait conduire à de nouvelles applications en informatique quantique, notamment au développement de mémoires quantiques plus efficaces.

L’électrodynamique quantique en cavité (EQC) est l’étude de l’interaction entre la lumière confinée dans une cavité réfléchissante et les atomes (ou autres particules), au niveau le plus fondamental, dans des conditions où la nature quantique des photons est significative. Ce domaine de recherche a bénéficié de grandes avancées expérimentales au cours des dernières décennies, grâce au développement de dispositifs micro- et nanoscopiques et de techniques de piégeage par laser, notent les chercheurs. Les progrès réalisés ont conduit à appliquer l’EQC au traitement de l’information quantique.

En effet, la capacité de modifier les propriétés des émetteurs avec la lumière (et vice versa) s’est avérée être un outil indispensable pour des opérations quantiques hautement contrôlées, explique l’équipe. De précédents travaux se sont focalisés sur l’EQC dans des systèmes à émetteurs multiples, qui étaient sous forme de gaz atomique. Ici, les chercheurs ont entrepris d’examiner les interactions lumière-matière avec des ions de terres rares intégrés à des solides (la mise en œuvre à l’état solide offrant la possibilité d’une intégration sur puce dans les applications quantiques). C’est alors qu’ils ont découvert une nette fenêtre de transparence dans le spectre de réflexion de la cavité optique.

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Une forme d’interférence destructive

« Nous ne savions pas que cette fenêtre de transparence existait. Notre recherche est avant tout devenue un voyage pour découvrir pourquoi », a déclaré Andrei Faraon, professeur de physique appliquée et d’ingénierie électrique à Caltech et co-auteur de l’article relatant la découverte. Pour leurs expériences, Faraon et ses collègues ont confiné environ un million d’atomes d’ytterbium intégrés à du vanadate d’yttrium (YVO4) à l’intérieur d’une minuscule cavité optique (ou résonateur optique) — un dispositif à miroirs dans lequel certains rayons lumineux restent confinés par réflexions successives. Ils ont bombardé ces atomes avec un faisceau laser.

interaction cavité ions
Description schématique de l’interaction cavité-ion. © M. Lei et al.

Le résonateur optique a été fabriqué au Kavli Nanoscience Institute de Caltech ; il ne mesure que 20 micromètres de long et comporte des caractéristiques inférieures à 1 micromètre. Ce dispositif hors norme leur a permis de faire une découverte sans précédent. « Grâce aux techniques conventionnelles de mesure de l’optique quantique, nous avons constaté que notre système avait atteint un régime inexploré, révélant une nouvelle physique », a déclaré Rikuto Fukumori, chercheur en sciences de l’information quantique et co-auteur de l’étude.

Les groupes d’atomes absorbent et ré-émettent continuellement de la lumière. Ainsi, comme attendu, la lumière du laser semblait « rebondir » sur eux. L’équipe a toutefois constaté que ceci se produisait uniquement jusqu’à un certain point : ils ont découvert qu’à une certaine fréquence, une « fenêtre de transparence » apparaît. La lumière passe alors simplement à travers la cavité, sans entrave.

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(en haut) Spectre de réflexion d’une cavité sans ions montrant la résonance de la cavité vide (à gauche), avec des ions sous entraînement faible (au milieu), et avec des ions sous entraînement fort (à droite). (en bas) Zoom sur la partie du spectre montrant la CIT. © M. Lei et al.

En analysant cette fenêtre de transparence, ils ont pu élucider le phénomène qui en était à l’origine : il s’avère que ce dernier s’apparente à une interférence destructive — qui se produit lorsque deux ondes, provenant de sources différentes et de même amplitude, se superposent alors qu’elles sont déphasées (leurs extrêmes s’annulent l’un l’autre). Dans cette expérience, les groupes d’atomes réfléchissent la lumière laser en continu, mais à la fréquence de CIT, la lumière réémise par chacun des atomes d’un groupe crée un équilibre, qui va entraîner une baisse de la réflexion.

Des lasers superradiants et des mémoires quantiques plus efficaces

« Nous avons pu surveiller et contrôler les interactions lumière-matière de la mécanique quantique à l’échelle nanométrique », résume le co-auteur Joonhee Choi, ancien chercheur postdoctoral de Caltech et aujourd’hui professeur adjoint à l’Université de Stanford.

En dehors du phénomène de transparence, les chercheurs ont également observé que l’ensemble d’atomes peut absorber et émettre la lumière du laser beaucoup plus rapidement (ou beaucoup plus lentement) qu’un seul atome, en fonction de l’intensité du laser. Ces processus, appelés respectivement « superradiance » et « sous-radiance », et leur physique sous-jacente sont encore mal compris en raison du grand nombre de particules quantiques en interaction. « Leur observation représente une étape clé vers la création de lasers superradiants à largeur de raie ultra-fine et de mémoires subradiantes à longue durée de vie à l’état solide », soulignent les chercheurs dans leur article.

Ces travaux élargissent notre compréhension du monde mystérieux des effets quantiques et pourraient un jour ouvrir la voie à des mémoires quantiques plus efficaces, dans lesquelles les informations sont stockées dans un ensemble d’atomes fortement couplés. Andrei Faraon a déjà travaillé à la création de mémoires quantiques en manipulant les interactions de plusieurs atomes de vanadium.

La découverte de la CIT pourrait également aider à mettre en œuvre des réseaux quantiques : « Outre les mémoires, ces systèmes expérimentaux fournissent des indications importantes sur le développement de futures connexions entre ordinateurs quantiques », a déclaré le professeur Manuel Endres, un autre coauteur de l’étude.

Source : M. Lei et al., Nature

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