Des chercheurs recréent les conditions du noyau terrestre pour étudier le comportement du fer

comportement fer sous pression
| Greg Stewart/SLAC National Accelerator Laboratory
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Savoir comment les matériaux réagissent à des charges extrêmes est essentiel pour comprendre certains phénomènes, tels que les impacts de débris dans les moteurs à réaction ou la formation des planètes. Mais la plupart du temps, le comportement des matériaux dans ces conditions hors normes ne peut être prédit que par la théorie. Dans une récente étude, des chercheurs du SLAC National Accelerator Laboratory du département américain de l’Énergie rapportent avoir observé pour la première fois comment la structure cristalline du fer se déforme pour s’adapter aux pressions et températures élevées qui se produisent juste à l’extérieur du noyau interne de la Terre.

Le fer est un constituant clé des planètes et un matériau technologique important. Le noyau interne de notre planète est une sphère solide composée essentiellement d’un alliage de fer et de nickel. De même, certains astéroïdes de notre système solaire sont des objets en fer massif, que les scientifiques soupçonnent d’être les restes de noyaux planétaires après des impacts catastrophiques.

Au cœur de la Terre, ce métal est soumis à des conditions extrêmes : une pression environ 360 millions de fois supérieure à celle que nous ressentons au quotidien et à des températures approximativement aussi élevées que la surface du Soleil ! Dans l’espace, des noyaux de ce type peuvent entrer en collision avec d’autres objets, provoquant la déformation rapide des matériaux cristallins. En recréant ces conditions extrêmes en laboratoire, une équipe franco-américaine a pu directement observer comment le fer résiste à de telles contraintes.

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Un enregistrement complet de l’évolution du fer

À l’état standard, le fer adopte une structure cristalline de type cubique centrée — soit un cube avec un atome de fer à chaque sommet, plus un au centre du cube. À plus haute température, vers 770 °C, il adopte une structure dite cubique à faces centrées. Mais à température ambiante et haute pression (de l’ordre de 130 kilobars), la structure devient hexagonale compacte — ce qui permet aux atomes de s’entasser plus étroitement.

Les chercheurs du SLAC ont entrepris de vérifier ce qui se produisait à une pression encore plus élevée, afin de reproduire le plus fidèlement possible ce qui arrive au fer au cœur de la Terre ou lors de la rentrée atmosphérique depuis l’espace. L’équipe précise toutefois qu’elle n’a pas recréé exactement les mêmes conditions que le noyau interne. « Mais nous avons atteint les conditions du noyau externe de la planète, ce qui est vraiment remarquable », souligne Arianna Gleason, scientifique à la division High-Energy Density Science (HEDS) du SLAC et co-auteure de l’étude.

Pour réaliser leur expérience, les chercheurs ont fixé un film polymère de 50 micromètres d’épaisseur sur une feuille de fer de 25 micromètres d’épaisseur, puis ont fait sauter le polymère avec une impulsion laser de 12 nanosecondes qui a généré une onde de choc soumettant l’échantillon de fer à des températures et des pressions extrêmement élevées. Ils ont alors utilisé le laser à électrons libres à rayons X du Linac Coherent Light Source (LCLS) du SLAC, pour observer comment le choc modifiait l’arrangement des atomes de fer.

Pour chaque échantillon, ils ont capturé un seul instantané de la structure et de l’orientation des cristaux de fer et de la contrainte imposée par l’onde de choc. « Nous avons pu effectuer une mesure en un milliardième de seconde. Figer les atomes là où ils sont dans cette nanoseconde est vraiment passionnant », explique Gleason. En faisant varier l’intervalle entre les impulsions et les mesures au cours d’une série d’expériences, ils ont obtenu un enregistrement complet de l’évolution de la contrainte et de la déformation subies par les cristaux de fer.

Quand l’union fait la force

À mesure que la pression augmente, le fer doit trouver le moyen de soulager ce stress. Au départ, l’onde de choc a fait passer le fer d’une structure cubique centrée à une structure hexagonale compacte — une observation conforme aux prévisions de l’équipe. Mais la structure hexagonale s’est ensuite déformée pendant plusieurs nanosecondes avant de céder, après quoi chaque maille du réseau cristallin s’est appairée à une autre pour s’adapter à la déformation.

déformation cristal fer jumelage
À haute pression, les atomes de fer s’organisent en réseau hexagonal (à gauche). Sous des pressions encore plus élevées et une déformation ultrarapide, les atomes se réorganisent via un processus appelé « jumelage » (à droite). © S. Merkel/Université de Lille

Plus précisément, la disposition des atomes a dérivé sur le côté, faisant pivoter tous les prismes hexagonaux de près de 90 degrés. Ce mécanisme d’adaptation, appelé « jumelage », est une réponse de pression courante dans les métaux et les minéraux — le quartz, la calcite, le titane et le zirconium subissent tous un jumelage. « Le jumelage permet au fer d’être incroyablement solide — plus solide que ce nous pensions au départ — avant qu’il ne commence à s’écouler plastiquement sur des échelles de temps beaucoup plus longues », a déclaré Gleason.

Cette étude fournit des informations passionnantes sur les propriétés structurelles du fer à des températures et des pressions extrêmement élevées. C’est la première fois que les modèles de déformation précédemment établis sont vérifiés de manière expérimentale. « Cela nous aide à renforcer certaines des capacités de prédiction qui nous manquent pour modéliser la réaction des matériaux dans des conditions extrêmes », se réjouit la scientifique.

L’approche mise en œuvre par l’équipe pourrait également aider les scientifiques à comprendre comment d’autres matériaux se comportent dans des conditions extrêmes. D’autant plus que la récente mise à niveau de l’onduleur à rayons X, dans le cadre du projet LCLS-II, permet d’obtenir des énergies plus élevées ; cela permettra d’étudier des alliages plus épais et des matériaux beaucoup plus complexes, notent les chercheurs. Les futurs lasers optiques, d’une puissance de l’ordre du pétawatt, pourraient quant à eux permettre de reproduire exactement les conditions du noyau interne de la Terre.

Source : Physical Review Letters, S. Merkel et al.

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