Des chercheurs ont réussi à créer des neurones synthétiques biocompatibles

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| Flickr/juliendn - CC BY-NC-SA 2.0
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Une équipe de l’Université d’Oxford est parvenue à créer des neurones synthétiques bioinspirés, entièrement composés de biomatériaux souples et flexibles, capables de transmettre rapidement des signaux électrochimiques sur des distances centimétriques. Créées pour la première fois en laboratoire, ces cellules artificielles pourraient un jour être utilisées pour développer des tissus synthétiques servant à réparer des organes ou dans le traitement des maladies neurodégénératives.

La recherche sur les cellules nerveuses artificielles va bon train et plusieurs équipes ont déjà réussi à produire des neurones synthétiques capables d’interagir avec le système nerveux humain. Ces neurones qui se comportent de façon analogue aux neurones biologiques se sont avérés plutôt efficaces lors d’études expérimentales où il était question d’évaluer leur capacité à recevoir et transmettre l’influx nerveux. Ces initiatives reposent sur des circuits électroniques et ressemblent davantage à de minuscules puces informatiques qu’à des neurones humains.

Les neurones synthétiques mis au point par le professeur Hagan Bayley et ses collègues de l’Université d’Oxford sont, quant à eux, beaucoup plus proches des vrais neurones. Fabriqués à partir d’hydrogel, ils ont été conçus à partir d’un processus découvert par l’équipe, via lequel des gouttelettes aqueuses peuvent être connectées au moyen de bicouches lipidiques pour former des réseaux ; les pores protéiques se trouvant dans les bicouches permettent aux gouttelettes de communiquer entre elles et avec leur environnement.

Des neurones qui réagissent à la lumière

Les neurones sont des cellules chargées de transmettre l’influx nerveux. Celui-ci transite du corps cellulaire au bouton synaptique en passant par l’axone. Les neurones ont donc deux propriétés physiologiques : l’excitabilité — soit la capacité de répondre aux stimulations et de les convertir en impulsions nerveuses — et la conductivité, soit la capacité de transmettre les impulsions. La synapse est la zone de contact entre deux neurones (ou entre un neurone et une autre cellule) ; lorsque l’influx nerveux parvient jusqu’à elle, elle libère des composés chimiques, appelés neurotransmetteurs, pour transmettre l’information à la cellule voisine.

Dans la conception de neurones artificiels, il est donc essentiel de reproduire à la fois l’excitabilité et la conductivité des neurones biologiques. Les neurones synthétiques proposés par l’équipe de Bayley sont composés de gouttelettes aqueuses (de l’ordre du nanolitre) et de fibres d’hydrogel, reliées entre elles par des bicouches lipidiques. Chaque neurone fait environ 0,7 millimètre de diamètre — ce qui est environ 700 fois plus gros qu’un neurone humain, dont le diamètre varie selon le type de 5 à 120 μm — pour 25 millimètres de long au maximum.

Tout comme les cellules naturelles, ces neurones synthétiques libèrent des neurotransmetteurs à partir de leurs terminaisons, qui déclenchent des réactions en aval. La transmission est assurée au niveau des bicouches lipidiques par des pompes à protons actionnées par la lumière, et médiée par des pores protéiques conducteurs d’ions. En pratique, dès que le neurone est exposé à la lumière, des protéines se mettent à pomper les ions hydrogène (H+) de la cellule ; ces ions se déplacent alors à travers le neurone, en transportant le signal électrique. Dès qu’ils atteignent l’extrémité du neurone, ils mènent l’adénosine triphosphate (ATP) vers la gouttelette d’eau voisine.

Pour rappel, dans l’organisme, l’ATP apporte aux neurones l’énergie nécessaire au déplacement des vésicules synaptiques le long des axones (l’énergie chimique fournie par l’ATP est transformée en énergie mécanique).

Vers le développement d’implants neuronaux nouvelle génération

Les chercheurs rapportent une vitesse de transmission extrêmement rapide — peut-être même plus rapide que les échanges observés dans les vrais neurones. Ils ont ensuite tenté de regrouper plusieurs neurones en parallèle, afin de constituer un nerf artificiel. Ils ont réalisé l’expérience à partir de sept neurones, l’objectif étant de parvenir à envoyer plusieurs signaux simultanément. « En regroupant plusieurs neurones dans un nerf synthétique, nous avons montré que des signaux distincts peuvent se propager simultanément le long d’axones parallèles, transmettant ainsi des informations spatio-temporelles », écrivent-ils dans leur publication.

Bayley pense que ces neurones synthétiques activés par la lumière pourraient être utilisés pour délivrer simultanément plusieurs types de médicaments, pour par exemple traiter les plaies plus rapidement. Ces premiers résultats sont en tout cas très encourageants : de tels nerfs synthétiques pourraient jouer un rôle dans les implants neuronaux (rétines artificielles, implants cochléaires, etc.), les robots mous et les dispositifs informatiques de la prochaine génération. En particulier, ils pourraient ouvrir la voie au développement d’interfaces cerveau-machine non invasives, voire à de nouveaux traitements contre les maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson, maladie de Charcot, etc.).

Mais avant cela, plusieurs défis restent à relever. Il est notamment nécessaire que ce système nerveux artificiel soit alimenté en permanence par des neurotransmetteurs, comme dans un véritable réseau neuronal. Les neurotransmetteurs sont synthétisés dans l’élément présynaptique via des précurseurs et des enzymes spécifiques ; ils sont ensuite stockés dans des vésicules, qui libèrent en moyenne 1000 à 2000 de ces molécules dans l’espace synaptique à chaque arrivée d’un potentiel d’action. Dépourvus de cette capacité, les neurones artificiels conçus au laboratoire de Bayley ne peuvent pour le moment fonctionner que quelques heures.

Source : C. Hoskin et al., Nature Chemistry

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