La Chine lance le premier réacteur à fission totalement à l’épreuve des accidents de fusion

Le système peut se refroidir passivement, même en cas de panne d’alimentation électrique.

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| Institute of Nuclear and New Energy Technology
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La centrale à fission nucléaire chinoise de grande envergure est la première au monde à être totalement à l’épreuve des fusions dangereuses, même en cas de panne d’alimentation électrique complète. Ses réacteurs nucléaires, dits « à haute température modulaire et à lit de boulets », sont conçus pour fonctionner aisément à très haute température et se refroidir passivement en cas d’urgence. Les premiers essais de sécurité sur les deux modules de réacteurs ont été réalisés avec succès.

L’énergie de fission nucléaire est actuellement au cœur des stratégies de décarbonation du secteur énergétique, en raison de ses faibles émissions de carbone. Elle permet à la fois de réduire la dépendance aux énergies fossiles et d’atténuer la pression sur la biomasse, et ce sans empêcher la transition vers d’autres technologies énergétiques vertes.

Cependant, son déploiement à grande échelle est entravé par des problèmes de sécurité, comme l’ont démontré les graves accidents de Tchernobyl (en 1986) et de Fukushima Daiichi (2011). Les impacts environnementaux de ces accidents sont d’une telle ampleur que seuls quelques pays dans le monde exploitent (ou envisage d’exploiter) l’énergie de fission — sans compter les problèmes de gestion des déchets nucléaires.

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Afin d’éviter ce genre de catastrophe, les recherches se concentrent actuellement sur le développement de réacteurs à fission nucléaire intrinsèquement sûrs. Il s’agit de réacteurs dont la sûreté ne repose pas sur une intervention humaine ou sur des dispositifs électromécaniques, mais plutôt sur des processus physiques ou chimiques qui s’enclenchent naturellement en cas de problème.

Parmi les dispositifs proposés figurent les réacteurs à haute température (HTR). Ce sont des réacteurs refroidis à l’hélium qui utilisent du graphite comme modérateur et matériau de structure. Le combustible consiste en plusieurs milliers de particules enrobées d’un revêtement appelé TRISO (et pouvant empêcher la fuite des produits de fission, même à haute température) et englobées dans une matrice sphérique ou en forme de prisme. La chaleur de désintégration — la principale cause de fusion du cœur des réacteurs à fission — peut être évacuée naturellement dans l’environnement par le biais d’un effet de conduction thermique et ce, même sans systèmes de refroidissement de secours (refroidissement passif).

Les réacteurs à haute température modulaire à lit de boulets (HTR-PM) offriraient davantage de sûreté en utilisant le même principe de refroidissement passif, mais de manière plus fiable. Cependant, l’efficacité et la sécurité de ce type de réacteur n’ont jusqu’à présent été éprouvées qu’à petite échelle. Le HTR-PM développé par l’équipe de l’Université chinoise de Tsinghua est le premier à être déployé à une échelle commerciale.

« La réalisation de la sécurité nucléaire intrinsèque à l’échelle commerciale est le rêve de tous les scientifiques et ingénieurs du domaine de l’énergie nucléaire, où l’enjeu clé est d’éliminer la chaleur de désintégration sans intervention active », ont expliqué les chercheurs dans leur nouvelle étude, récemment publiée dans la revue Joule.

Un refroidissement passif, même en cas de panne totale d’électricité

Développés pour la première fois en Allemagne, les HTR-PM sont des réacteurs utilisant l’hélium comme fluide caloporteur, c’est-à-dire dont les propriétés physiques permettent de transporter la chaleur d’un point à un autre. Les réacteurs fonctionnent à très haute température et comportent des sphères de graphite renfermant des milliers de billes de combustible d’uranium, d’où l’appellation « à lit de boulets ».

La centrale HTR-PM chinoise comporte deux réacteurs comprenant chacun un générateur de vapeur et un système de circuit d’hélium. Le cœur de chaque réacteur est placé à côté du générateur de vapeur. L’ensemble est relié par un conduit de gaz horizontal permettant de transporter l’hélium froid à travers l’ensemble du système. La circulation du gaz refroidi est également facilitée par des trous de forage disposés autour de chaque réacteur.

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Résumé graphique de l’étude montrant la disposition de la centrale (en haut) et les performances lors des tests de sécurité (en bas). © Zuoyi Zhang et al.

Un processus dynamique complexe permet de faire circuler le gaz à travers le lit de boulets et d’en capturer la chaleur de manière cyclique. Les billes de combustible font 6 centimètres de diamètre et contiennent chacune environ 12 000 particules d’uranium enrobées de TRISO et contenues dans une matrice en graphite. Le processus de transfert de chaleur génère ensuite de la vapeur surchauffée qui, une fois transférée dans la turbine à vapeur, permet de produire de l’électricité.

Selon les estimations des chercheurs, les paramètres de fonctionnement de chaque réacteur leur permettent de générer une puissance pouvant aller jusqu’à 200 mégawatts chacun. La densité de puissance moyenne est évaluée à environ 3,2 MW/m3. En fonctionnant à la puissance nominale, la centrale pourrait produire environ 1,4 milliard de kilowattheures d’électricité par an, soit l’équivalent du besoin en électricité pour 2 millions de résidents. Elle permettrait également de réduire les émissions de dioxyde de carbone de 900 000 tonnes.

Au cours des essais de sécurité, l’alimentation électrique de la centrale a été totalement suspendue afin de voir si la chaleur de désintégration pouvait être évacuée correctement. Les données énergétiques et les températures dans différentes structures des réacteurs ont montré qu’ils ont pu être refroidis naturellement sans intervention active. Cela signifie que le revêtement TRISO a empêché avec succès la fuite de produits de fission et ce, même à une température maximale de 1620 °C.

Ces résultats montrent pour la première fois la faisabilité d’une sécurité inhérente des réacteurs à fission nucléaire à l’échelle commerciale. Toutefois, les coûts des combustibles et des composants des réacteurs pourraient constituer un défi supplémentaire pour le déploiement à grande échelle de la technologie. Néanmoins, des études ont montré que les coûts pourraient être réduits à mesure que ce type de réacteur est produit en masse, ce qui est potentiellement réalisable étant donné la taille du marché chinois.

Source :  Joule

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