Le lancement est prévu pour le mois de novembre, à bord d’une fusée Longue Marche. Baptisé NEO-1, ce robot a été développé par Origin Space, une société minière spatiale privée basée à Pékin. L’engin a été conçu pour l’excavation spatiale, mais ce premier vol en orbite autour de la Terre a surtout pour objectif de tester et démontrer ses capacités.
Les relations entre les États-Unis et la Chine sont particulièrement tendues actuellement. Il se pourrait bien que les conflits qui les opposent s’étendent un jour bien au-delà de notre atmosphère. Car ces deux superpuissances mondiales se préparent à coloniser l’espace et à en exploiter les ressources minières.
Un pionnier de l’exploitation minière spatiale
NEO-1 est un petit satellite d’environ 30 kilogrammes, destiné à se positionner sur une orbite héliosynchrone à 500 kilomètres d’altitude. Il sera lancé en novembre par une fusée chinoise de la série Longue Marche en tant que charge utile secondaire. Selon Yu Tianhong, co-fondateur d’Origin Space, le NEO-1 n’effectuera pour le moment aucun travail d’excavation. En orbite autour de la Terre, l’engin réalisera diverses manœuvres afin de tester ses capacités dans l’espace. « L’objectif est de vérifier et de démontrer de multiples fonctions telles que la manœuvre orbitale des engins spatiaux, la simulation de la capture de petits corps célestes, l’identification et le contrôle intelligents des engins spatiaux », précise Tianhong.
Une autre mission, Yuanwang-1, surnommée « Little Hubble », devrait être lancée en 2021. Au mois d’avril, Origin Space a en effet signé un contrat avec un constructeur de satellites, DFH Satellite Co. Ltd. — une filiale de China Spacesat Co. Ltd., qui appartient à la China Aerospace Science and Technology Corp. (CASC) — autour du développement d’un télescope spatial. Son rôle sera d’observer et de surveiller les astéroïdes géocroiseurs, afin d’identifier de potentielles cibles minières spatiales.
Les plans de l’entreprise ne s’arrêtent pas là : Origin Space vise également la Lune avec son futur engin NEO-2, dont la date de lancement est envisagée vers fin 2021 ou début 2022. Selon Tianhong, les objectifs de cette prochaine mission lunaire ne sont pas encore clairement définis, mais elle comportera bel et bien un alunissage. À ce jour, il est prévu que l’appareil effectue un voyage indirect vers notre satellite : il sera d’abord lancé en orbite terrestre basse, puis augmentera progressivement son orbite avec une propulsion à bord jusqu’à ce qu’il atteigne une orbite lunaire. Après avoir atteint ses objectifs d’observation, l’engin devrait finalement arriver brutalement sur la surface lunaire.
Vers une privatisation de l’espace ?
Ces dernières années, de nombreuses entreprises privées ont avancé que l’exploitation minière spatiale pourrait faire avancer les progrès humains dans l’espace. Mais ces projets d’excavation de ressources extraterrestres sont très controversés. Il y a un peu plus d’un an, des scientifiques avaient même appelé à protéger plus de 85 % du système solaire et à définir ainsi une « zone sauvage spatiale » préservée de toute activité humaine, pour éviter les abus de l’exploitation minière. « Si nous n’y pensons pas maintenant, nous irons de l’avant comme nous l’avons toujours fait, et dans quelques centaines d’années, nous ferons face à une crise extrême, bien pire que celle que nous connaissons actuellement sur Terre », avait averti Martin Elvis, astrophysicien senior à la l’observatoire Smithsonian de Cambridge.
Ce spécialiste soulignait dans un article publié dans Acta Astronautica que les ressources du système solaire étaient certes vastes, mais limitées ; selon lui, l’Homme serait capable d’approcher leur épuisement en 400 ans. Car si les premières missions minières ont effectivement lieu d’ici une dizaine d’années, Elvis prévoit une véritable « ruée vers l’or ».
Malgré ces avertissements, les grandes puissances mondiales, notamment les États-Unis et la Chine, sont déjà très engagées dans cette voie. Le Congrès américain a adopté le SPACE Act dès 2015, autorisant les entreprises et les citoyens américains à explorer et exploiter les ressources spatiales. Plus récemment, en avril 2020, Donald Trump a signé un décret visant à encourager et soutenir l’exploitation des ressources se trouvant sur la Lune et les astéroïdes.
La NASA, motivée par sa mission Artemis, est particulièrement active sur le sujet et travaille sur les possibilités d’extraction sur le sol lunaire et les astéroïdes passant à notre portée. L’agence spatiale vient même de lancer un appel d’offres officiel, en déclarant qu’elle recherchait des entreprises commerciales capables de collecter (et de lui revendre) des ressources lunaires (du régolithe et des roches).
Mais finalement, beaucoup d’incertitudes demeurent autour de ces projets miniers, tant au niveau de la logistique que de leur rentabilité. « Nous avons beaucoup entendu parler de l’eau sur la Lune, mais si vous parlez à un expert, il vous dira que nous ne savons pas vraiment quelle est la composition chimique de cette eau et à quel point il sera difficile de l’extraire et de la transformer en un produit utilisable », souligne Brian Weeden, directeur de la planification des programmes pour la Secure World Foundation (une entité qui vise à garantir une utilisation sûre, durable et pacifique de l’espace extra-atmosphérique).
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Weeden rappelle par ailleurs que la « clientèle » des opérations minières n’est à ce jour constituée que des agences spatiales nationales qui envisagent de coloniser la Lune ; en dehors de l’appel d’offres lancé par la NASA il y a quelques jours, aucun gouvernement n’a manifesté un réel intérêt vis-à-vis des ressources lunaires… Malgré tout, le co-fondateur d’Origin Space est prêt à relever le défi, précisant que « les pionniers sont toujours confrontés à des difficultés ». Le financement étant l’une des difficultés majeures (c’est d’ailleurs la raison du rachat de la société américaine Planetary Resources en 2018), la société prévoit de réaliser une levée de fonds à la fin de l’année pour soutenir sa mission lunaire.