Les collisions photon-ion peuvent créer un fluide de particules

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Pendant le deuxième long arrêt, ATLAS a fait l'objet d'un programme intense de maintenance et de consolidation. | Brice Maximilien/CERN
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Une nouvelle analyse informatique réalisée par des théoriciens du Laboratoire national de Brookhaven du Département américain de l’énergie et de la Wayne State University, soutient l’idée que les particules de lumière (les photons) entrant en collision avec des ions lourds peuvent créer un fluide de particules « à forte interaction ». Leurs calculs de flux hydrodynamique correspondent en effet aux données recueillies lors de l’expérience ATLAS.

Situé à 100 mètres sous terre, ATLAS est l’un des deux détecteurs polyvalents du Grand collisionneur de hadrons (LHC). Il repose sur six sous-systèmes de détection différents, disposés en couches autour du point de collision des particules, qui enregistrent leur trajectoire, leur impulsion et leur énergie — ce qui permet d’identifier chacune d’elles. Il a notamment pour tâche de détecter le boson de Higgs, ou encore les particules qui pourraient former la matière noire.

Une équipe de chercheurs a effectué des calculs pour décrire le flux hydrodynamique de particules observé lors de collisions frontales de divers types d’ions au LHC et au RHIC (Relativistic Heavy Ion Collider) du Laboratoire national de Brookhaven. En modifiant légèrement ces calculs, ils ont pu décrire les schémas d’écoulement observés dans les collisions « quasi ratées » — des « collisions ultra-périphériques » où les photons regroupés en nuage autour des ions accélérés entrent en collision avec un noyau (ou ion) du faisceau opposé.

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Des ions accélérés entourés d’un nuage de photons

Les particules sphériques (y compris les protons et les noyaux) qui entrent en collision de front sont censées générer un gradient de pression uniforme. « En faisant s’entrechoquer ces noyaux à haute énergie, nous créons une densité d’énergie si élevée – en comprimant l’énergie cinétique de ces particules dans un espace si restreint – que cette matière se comporte essentiellement comme un fluide », explique Bjoern Schenke, théoricien au Brookhaven Lab et co-auteur de l’article.

Mais les collisions qui se chevauchent partiellement génèrent un gradient de pression oblong, en forme d’amande, qui pousse davantage de particules à haute énergie le long du petit axe que perpendiculairement à celui-ci.

Ce modèle de flux « elliptique » a été l’une des premières indications que les collisions de particules au RHIC pouvaient créer un plasma quarks-gluons (PQG) — une « soupe » chaude de particules élémentaires qui constituent les protons et les neutrons des noyaux et des ions. Les scientifiques ont finalement établi que cet écoulement elliptique était une caractéristique essentielle de la PQG, et constituait la preuve que les quarks et les gluons interagissent toujours fortement, même lorsqu’ils ne sont pas confinés au sein des protons et des neutrons.

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Densité d’énergie à différents moments de l’évolution hydrodynamique de la matière créée lors de la collision d’un noyau de plomb (se déplaçant vers la gauche) avec un photon émis par un autre noyau de plomb (se déplaçant vers la droite). Le jaune représente la densité d’énergie la plus élevée et le violet la plus faible. © Brookhaven National Laboratory

Les particules chargées accélérées à des énergies élevées, comme les noyaux/ions de plomb accélérés au LHC (et les ions d’or au RHIC), émettent des ondes électromagnétiques, soit des particules de lumière. Ainsi, chaque ion de plomb accéléré au LHC est entouré d’un nuage de photons. Les scientifiques savent que les collisions ultra-périphériques pourraient créer des interactions photon-noyau, en utilisant les noyaux eux-mêmes comme source de photons. « Lorsque deux de ces ions passent très près l’un de l’autre sans entrer en collision, on peut considérer que l’un d’eux émet un photon, qui frappe ensuite l’ion de plomb qui va dans l’autre sens », explique Schenke.

Un fluide à forte interaction pouvant créer un plasma quarks-gluons

Ces événements se produisent relativement souvent, car comme le souligne le physicien, « il est plus facile pour les ions de se rater de justesse que de se frapper précisément ». En analysant les données d’ATLAS, les chercheurs ont détecté des signaux provenant de ces collisions photon-noyau similaires (bien que plus petits) à ceux observés dans les collisions plomb-plomb et proton-plomb. Schenke et ses collaborateurs ont cherché à savoir si leurs calculs théoriques pouvaient décrire avec précision les schémas d’écoulement des particules.

Selon les lois de la physique, un photon peut subir des fluctuations quantiques pour devenir une autre particule ayant les mêmes nombres quantiques. Il peut par exemple devenir ce que l’on appelle un « méson rho », une particule constituée d’un quark et d’un antiquark maintenus ensemble par des gluons. Pour rappel, un proton est composé de trois quarks (deux quarks up et un quark down, liés par des gluons). « Au lieu d’avoir une distribution de gluons autour de trois quarks à l’intérieur d’un proton, nous avons deux quarks (quark-antiquark) avec une distribution de gluons autour d’eux pour entrer en collision avec le noyau », résume Schenke.

Les chercheurs ont également dû tenir compte de la grande différence d’énergie dans ces systèmes de collision photon-noyau, par rapport aux systèmes proton-plomb et surtout plomb-plomb ; l’énergie est dans ce cas beaucoup plus faible. La modélisation des collisions photon-plomb a montré que la distribution des particules change rapidement avec l’augmentation de la distance longitudinale (la distance du point de collision le long de la ligne de faisceau) ; les particules subissent des gradients de pression différents en fonction de leur position et deviennent « décorrélées ».

Lorsque les physiciens ont comparé leurs prévisions déduites de ce modèle hydrodynamique à faible énergie avec les modèles de flux de particules observés dans les collisions photon-plomb par le détecteur ATLAS, les données et la théorie correspondaient parfaitement.

« D’après ce résultat, il semble qu’il soit concevable que, même dans les collisions entre ions lourds et photons, nous ayons un fluide à forte interaction qui réagit à la géométrie initiale de la collision, comme le décrit l’hydrodynamique. Si les énergies et les températures sont suffisamment élevées, il y aura un plasma quark-gluon », conclut Schenke.

Les chercheurs ont donc démontré que leur cadre théorique fournit un outil quantitatif pour étudier la production et la collecte de particules pour toutes les tailles de systèmes. Les données supplémentaires qui seront recueillies par ATLAS et d’autres expériences au RHIC et au LHC au cours des prochaines années — y compris celles du futur collisionneur électron-ion — permettront d’effectuer des analyses plus détaillées des particules s’écoulant des collisions photon-noyau.

Source : W. Zhao et al., Physical Review Letters

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