La multiplication des additifs alimentaires inquiète de nombreux scientifiques quant aux conséquences à long terme sur la santé humaine. De plus en plus de preuves montrent que l’alimentation joue un rôle central dans le développement des maladies inflammatoires de l’intestin telles que la colite ulcéreuse et la maladie de Crohn. Récemment, des chercheurs ont mis en évidence que la consommation à long terme d’un colorant alimentaire très utilisé, Allura Red (E129), présent notamment dans les produits pour enfants, est un déclencheur potentiel de ces maladies.
Les facteurs environnementaux jouent un rôle important dans le développement de nombreuses maladies inflammatoires et auto-immunes, en particulier les maladies inflammatoires de l’intestin, dont la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. Ce sont des maladies inflammatoires chroniques graves du tractus gastro-intestinal, affectant des millions de personnes dans le monde.
D’ailleurs, il a été démontré que la susceptibilité génétique, la réponse immunitaire incohérente envers le microbiote intestinal perturbé et les facteurs environnementaux contribuent à leur survenue. Il est alors aisé de comprendre que la nourriture y joue un rôle central, notamment dans les pays occidentaux.
Il faut savoir qu’en règle générale, un régime alimentaire occidental se caractérise par des apports élevés en additifs alimentaires, en graisses, en viandes rouges et en sucre, et un faible apport en fibres, déclenchant une inflammation intestinale chronique. Les additifs alimentaires tels que les émulsifiants, les stabilisants et les colorants synthétiques sont largement utilisés pour améliorer la texture, la conservation et l’esthétique des aliments transformés.
Plusieurs études ont rapporté que des niveaux élevés de ces additifs, tels que la maltodextrine et le dioxyde de titane, ainsi que des ingrédients ajoutés lors de la transformation des aliments, notamment des émulsifiants alimentaires et des édulcorants artificiels, modifient le microbiote intestinal. Ils augmentent la perméabilité intestinale et diminuent l’épaisseur de la barrière composée de muqueuse, favorisant ainsi l’inflammation.
Dans ce contexte, une équipe de chercheurs de l’Université McMaster (Canada) a découvert qu’une exposition continue au rouge Allura AC (E129) nuit à la santé intestinale et favorise l’inflammation, en perturbant directement la fonction de cette barrière.
Un colorant alimentaire synthétique trop utilisé
L’utilisation de colorants alimentaires synthétiques a considérablement augmenté au cours des dernières décennies, mais il y a eu peu d’études sur les effets de ces derniers sur la santé intestinale et globale.
En effet, ces composés sont métabolisés pour générer des amines aromatiques libres dans la lumière intestinale, dont certaines sont potentiellement cancérigènes et mutagènes. Parmi eux, le rouge Allura AC (FD&C Red 40 ou E129) est le colorant le plus largement utilisé dans de nombreux pays. Il peut être trouvé dans les produits alimentaires couramment consommés et destinés aux enfants (par exemple les céréales du petit déjeuner, les boissons et les confiseries).
De plus, des études antérieures ont démontré que ce colorant exerce des propriétés pro-inflammatoires dans le foie et les reins de rats étudiés. Une dose de 10 mg/kg de poids corporel administrés par voie orale à des souris a entraîné des dommages importants à l’ADN de leur côlon. Bien qu’il soit très répandu dans notre alimentation, les chercheurs ne comprennent pas encore bien comment il influence l’inflammation intestinale.
Une consommation occasionnelle sans conséquence ?
Les chercheurs ont découvert qu’une exposition continue au rouge allura AC nuit à la santé intestinale et favorise l’inflammation. Le colorant perturbe directement la fonction de la barrière intestinale et augmente la production de sérotonine, une hormone (neurotransmetteur) présente dans l’intestin, qui modifie par la suite la composition du microbiote intestinal, entraînant une sensibilité accrue.
Waliul Khan, auteur principal de l’étude, professeur au Département de pathologie et de médecine moléculaire et chercheur principal au Farncombe Family Digestive Health Research Institute, explique dans un communiqué : « Cette étude démontre les effets nocifs significatifs du rouge allura sur la santé intestinale et identifie la sérotonine intestinale comme un facteur critique médiant ces effets. Ces découvertes ont une implication importante dans la prévention et la gestion de l’inflammation intestinale ».
Malgré le fait que l’exposition intermittente chez la souris (similaire à une exposition humaine typique) pendant 12 semaines n’influence pas la sensibilité à la colite, l’exposition au début de la vie rend les souris plus sensibles à la colite.
W. Khan déclare : « Ce que nous avons découvert est frappant et alarmant, car ce colorant alimentaire synthétique commun est un déclencheur alimentaire potentiel des maladies inflammatoires de l’intestin. Cette recherche est une avancée significative pour alerter le public sur les méfaits potentiels des colorants alimentaires que nous consommons quotidiennement ». Il ajoute : « La littérature suggère que la consommation d’Allura Red affecte également certaines allergies, troubles immunitaires et problèmes de comportement chez les enfants, tels que le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité ».
Ces dernières années, des progrès significatifs ont été accomplis dans l’identification des gènes de susceptibilité et la compréhension du rôle du système immunitaire et du microbiote dans le développement des maladies inflammatoires de l’intestin. Cependant, la définition de la part des facteurs de risque environnementaux dans ce domaine reste assez faible.
Cette découverte d’un lien potentiel entre ce colorant alimentaire couramment utilisé et les maladies inflammatoires de l’intestin justifie à elle seule des études complémentaires et plus approfondies dans le domaine des colorants alimentaires.