Des comédiens voix off « invités » à céder leur voix à des IA

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| Tobias Albers-Heinemann/Pixabay
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Ces artistes qui « prêtent » leur voix sont désormais inquiets de se la faire dérober définitivement… De plus en plus de contrats de travail destinés à des doubleurs, ou des comédiens voix off, intègrent des clauses demandant aux acteurs d’autoriser la synthèse de leur voix par une intelligence artificielle (IA).

Différents acteurs voix se sont exprimés auprès de Motherboard, la rubrique spécialisée en nouvelles technologies de Vice, à ce sujet. Une information capitale en ressort : de plus en plus de contrats de travail incluent des clauses concernant l’intelligence artificielle. Tim Friedlander, président et fondateur de la National Association of Voice Actors (NAVA), a ainsi déclaré que les clauses des contrats qui donnent à un producteur le droit de synthétiser la voix d’un acteur sont désormais « très répandues ». Autrement dit, certaines entreprises s’assurent la possibilité d’enregistrer du contenu supplémentaire à partir de la voix des acteurs engagés… Sans nécessairement apporter de compensation, est-il précisé.

Compensation ou non, SungWong Cho s’insurge sur le principe même de cette utilisation : « C’est un manque de respect envers le métier que de suggérer que la génération d’une performance est équivalente à la performance d’un véritable être humain », a-t-il déclaré par courriel à Motherboard. SungWon Cho est un acteur vocal de jeux et d’animations qui utilise également le pseudonyme ProZD. « Bien sûr, vous pouvez faire en sorte que le son ressemble à celui d’une voix, et peut-être même donner l’impression qu’il capture une émotion », renchérit-il, « mais au bout du compte, il sonnera toujours creux et faux. Si l’on s’engage dans cette voie, les gens risquent de penser que la voix off peut être entièrement remplacée par l’IA, ce qui me retourne l’estomac ».

Mati Staniszewski, cofondateur d’ElevenLabs, ne l’entend évidemment pas de cette oreille. Son entreprise, qui utilise une technologie basée sur l’intelligence artificielle, propose de transformer un texte entré par un utilisateur en voix de synthèse. Il affirme plutôt que le futur sera fait de collaborations entre les acteurs vocaux et les IA : « les acteurs vocaux ne seront plus limités par le nombre de sessions d’enregistrement auxquelles ils peuvent participer et, au lieu de cela, ils seront en mesure d’obtenir une licence pour l’utilisation de leurs voix dans un nombre illimité de projets simultanément, garantissant ainsi des revenus supplémentaires et des flux de redevances ». Il affirme même avoir été contacté par des artistes vocaux intéressés par de tels partenariats.

Des contrats aux termes peu clairs

Au-delà du fameux débat entre remplacement et collaboration, ce qui inquiète est aussi la façon dont ces clauses sont amenées : souvent de façon assez peu évidente. « Nous retrouvons de nombreux ‘avenants’ dans nos contrats (les avenants sont des termes ajoutés à un contrat passe-partout) stipulant que les clients ont le droit de ‘simuler’ nos voix après nos sessions sans compensation supplémentaire, pour toujours », peut-on lire sur le site de NAVA.

« Le langage peut être confus et ambigu », confirme Tim Friedlander. « De nombreux acteurs ont peut-être signé un contrat sans se rendre compte que des clauses de ce type avaient été ajoutées. Nous trouvons également des clauses dans des contrats pour des emplois de voix non synthétiques qui donnent le droit d’utiliser la voix d’un acteur pour la formation ou la création de voix synthétiques sans aucune compensation ou approbation supplémentaire. Certains acteurs se voient dire qu’ils ne peuvent pas être engagés sans accepter ces clauses ». Vocal Variants, un collectif d’acteurs voix, a récemment publié une lettre ouverte dans laquelle il affirme son intention d’œuvrer à l’établissement d’un cadre légal bien défini autour de ces pratiques.

Bien entendu, la technologie à l’œuvre dans ces voix de synthèse pourrait aussi être un terrain fertile pour la créativité. L’un des témoins de Motherboard affirme d’ailleurs l’utiliser pour son propre compte, afin de s’améliorer. Pour Tim Friedlander, il ne s’agit pas là de diaboliser l’IA à tout prix : « la NAVA n’est pas anti-voix synthétiques ou anti-IA », mais simplement « pro-acteurs vocaux. Nous voulons nous assurer que les acteurs vocaux sont activement et équitablement impliqués dans l’évolution de notre industrie et ne perdent pas leur agence ou leur capacité à être rémunérés équitablement pour leur travail et leur talent ».

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