Pour combattre l’épidémie à coronavirus SARS-CoV-2, il est primordial de connaître précisément le comportement du virus et sa dynamique d’infection cellulaire. Mais également la manière dont il se transmet et dont il évolue une fois expulsé dans l’air. En effet, lorsqu’une personne infectée parle ou éternue, combien de particules virales sont expulsées en moyenne ? Combien de temps restent-elles dans l’air ? Comment se déplacent-elles ? Peut-on agir directement sur ces propriétés pour limiter la propagation ? Autant de questions auxquelles peut répondre la dynamique des fluides.
Les conseils de santé publique pour éviter les maladies respiratoires sont en grande partie inchangés depuis la grippe espagnole de 1918, l’une des pandémies les plus meurtrières de l’Histoire. Gardez une distance de sécurité avec les autres personnes. Lavez-vous les mains fréquemment avec du savon et de l’eau. Couvrez-vous le nez et la bouche avec un masque facial et toussez/éternuez dans le pli du coude. Ces conseils reposent sur la compréhension que les infections respiratoires se propagent par le biais de gouttelettes porteuses de virus qui sont expulsées lorsque les personnes infectées toussent, éternuent ou respirent.
Mais plus d’un siècle après que la grippe espagnole a tué 50 millions de personnes dans le monde, le comportement de ces gouttelettes reste mal compris. Rajat Mittal, professeur de génie mécanique à la Whiting School of Engineering et expert en dynamique des fluides computationnelle, estime que de nouvelles recherches sur la physique des écoulements des maladies respiratoires seront essentielles pour contenir la pandémie actuelle de coronavirus.
Étudier avec précision la dynamique des gouttelettes expulsées
Les infections respiratoires se transmettent d’une personne à une autre par le biais de gouttelettes porteuses du virus par transmission aérienne ou par contact avec une surface contaminée par des gouttelettes. Les personnes infectées expulsent souvent ces dernières en toussant ou en éternuant. Mais la transmission dépend en fait d’un large éventail de facteurs, notamment le nombre de gouttelettes, leur taille et leur vitesse lors d’événements expiratoires comme la toux, les éternuements et la respiration.
Les éternuements, par exemple, peuvent expulser des milliers de grosses gouttelettes à une vitesse relativement élevée, tandis que la toux génère 10 à 100 fois moins de gouttelettes. Parler expulse encore beaucoup moins de gouttelettes, environ 50 par seconde, et elles sont plus petites. Ces gouttelettes sont plus susceptibles de se suspendre dans l’air, de parcourir de plus grandes distances et de transmettre l’infection une fois qu’elles sont inhalées.
Les grosses gouttelettes, en revanche, sont plus susceptibles de contaminer les surfaces et de transmettre l’infection par le toucher. Comme le note l’équipe dans l’article publié dans la revue Journal of Fluid Mechanics, de nombreuses études visant à mesurer avec précision la façon dont les gouttelettes sont générées et transportées ont déjà été menées. Cependant, le consensus sur le comportement des gouttelettes reste incertain en raison de la nature complexe des phénomènes, ainsi que de la difficulté de faire de telles mesures.
Des connaissances encore trop floues pour combattre efficacement la pandémie
Rui Ni, un expert en écoulement polyphasique explique : « une hypothèse est que le virus est transporté par de très fines gouttelettes aéroportées. Pour le moment, nous ne comprenons pas parfaitement comment cette fine brume fonctionne dans le transport du virus. Et cela a de grandes implications pour la distanciation sociale, si nous fondons ces directives uniquement sur l’hypothèse que les gouttelettes peuvent atteindre une certaine distance ».
En fait, une étude citée dans leur article montre que les grosses gouttelettes expulsées par les éternuements peuvent parcourir 6 mètres ou plus, donc 2 mètres pourraient ne pas être suffisants pour éliminer le risque de transmission. Selon l’équipe, d’autres problèmes qui méritent une analyse plus approfondie sont l’évaporation et l’inhalation des gouttelettes, le comportement des gouttelettes dans les environnements intérieurs et extérieurs et la façon dont la température et l’humidité affectent les taux de transmission.
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Les stratégies de confinement sont basées sur ce que les décideurs pensent savoir sur la physique des écoulements. Mais Mittal et Ni avertissent qu’une grande partie de cela est basée sur des informations obsolètes. « Nous plaidons pour une meilleure quantification, pour vraiment mettre des chiffres derrière ces idées. Une partie de ce que nous faisons maintenant pour lutter contre le COVID-19 en 2020 est basée sur la science des articles publiés dans les années 1930. Nous avons beaucoup appris depuis lors, mais la politique doit rattraper son retard ».
Simuler l’expulsion de gouttelettes pour fabriquer de meilleurs masques
Par exemple, même des mois après le début de la pandémie, de nombreuses questions entourent toujours l’utilisation des masques faciaux. Les masques faciaux sont souvent conçus pour protéger la personne qui porte le masque. Mais les masques pour lutter contre la transmission du COVID-19 devraient offrir une protection intérieure et extérieure, protégeant les autres autant qu’ils protègent le porteur.
Les scientifiques peuvent mieux comprendre comment améliorer la protection extérieure en simulant les fuites de flux causées par les espaces autour du nez et de la bouche, explique Jung-Hee Seo, chercheur en génie mécanique. Il travaille avec Mittal et Koroush Shoele de la Florida State University sur des simulations de pointe pour analyser le flux d’air et la dispersion des gouttelettes dans les masques faciaux.
Leurs simulations prennent en compte différentes formes de visage et structures de masque, ce qui leur permet d’évaluer l’efficacité de divers modèles de masques. L’étude en est à ses débuts, mais en fin de compte, ces simulations pourraient mettre en lumière de meilleures conceptions pour les masques faciaux, en particulier pour les masques faits maison. En outre, ces résultats seront également déterminants pour juger des mesures de déconfinement et des actions à prendre post-pandémie pour limiter au mieux les nouveaux cas.