Comment Isaac Newton a-t-il percé le secret de la lumière ?

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La lumière du Soleil, comme celle d’une lampe, nous apparaît monochrome. Elle est pourtant composée d’un mélange de couleurs, du rouge au violet. Ces couleurs peuvent être visualisées par le biais du phénomène de réfraction. Mais saviez-vous quand et comment ces caractéristiques de la lumière ont été découvertes ?

Il y a quelques semaines, un immense arc-en-ciel a été observé par le télescope spatial Cheops sur une exoplanète. Il s’agissait plus exactement d’une gloire — un halo composé d’un ou plusieurs anneaux concentriques aux couleurs de l’arc-en-ciel. Ces magnifiques effets d’optique peuvent effectivement se produire ailleurs que sur Terre. Leur observation sur d’autres planètes est toutefois délicate. « Il faut des particules atmosphériques presque parfaitement sphériques, parfaitement uniformes et suffisamment stables pour être observées sur une longue période », explique Olivier Demangeon, astronome à l’Institut d’astrophysique et des sciences spatiales au Portugal.

Sur Terre, les gloires et les arcs-en-ciel sont beaucoup plus fréquents. Ils surviennent lorsque la lumière du Soleil passe d’un milieu d’une certaine densité à un milieu d’une densité différente — typiquement de l’air à l’eau. Ce changement de densité entraîne une courbure du trajet lumineux. Mais selon la longueur d’onde, l’angle varie, ce qui provoque la division de la lumière en ses différentes couleurs. C’est grâce à des expériences utilisant des prismes qu’Isaac Newton a découvert cette caractéristique fondamentale de la lumière.

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Le fondement de l’optique moderne

Les arcs-en-ciel fascinent les humains depuis des millénaires. Mais ce sont les travaux d’Isaac Newton qui ont permis de comprendre comment ils se forment. En effet, s’il est surtout connu pour ses travaux en mécanique — qui ont donné naissance aux trois lois du mouvement et à la loi universelle de la gravitation —, le physicien a aussi beaucoup étudié le domaine de l’optique. Dans les années 1660, il a pu démontrer que la lumière, transparente de surcroît, est en réalité composée de sept couleurs visibles — rouge, orange, jaune, vert, bleu, indigo et violet. Ces couleurs forment « le spectre » de la lumière visible.

Avant lui, Aristote avait élaboré une première théorie sur l’origine des couleurs. Il soutenait que toute couleur était un mélange de blanc et de noir (soit de clarté et d’obscurité) et était reliée aux quatre éléments (l’eau, l’air, la terre et le feu).

Newton fut le premier à démontrer que la réfrangibilité d’un rayon — soit sa propension à être dévié en passant dans un milieu de densité différente — est liée à sa couleur (longueur d’onde). Il prouva ainsi que la couleur est une propriété intrinsèque de la lumière et ne résulte pas de son passage à travers un milieu. On pensait en effet auparavant que les couleurs étaient issues d’une quelconque propriété du prisme altérant la lumière.

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« Opticks, or, A treatise of the reflections, refractions, inflections and colours of light… », Londres, 1704.

Les travaux de Newton sur la lumière — réunis dans l’ouvrage Opticks, considéré comme l’une des plus grandes œuvres de l’histoire des sciences — ont permis des avancées significatives dans de multiples domaines (optique, physique, chimie, perception et étude des couleurs dans la nature). « Si la lumière du Soleil n’était composée que d’une seule sorte de rayons, il n’y aurait qu’une seule couleur dans le monde entier », écrit le célèbre physicien dans cet ouvrage.

Première preuve d’une propriété intrinsèque de la lumière

Selon la légende, Newton a mené ses expériences dans sa maison familiale à Woolsthorpe, dans le Lincolnshire, où il était revenu pour échapper à la grande peste qui a ravagé l’Angleterre en 1665, relate Philip Ball dans son livre « Beautiful Experiments: An Illustrated History of Experimental Science » (The University of Chicago Press, 2023). Il ne lui a fallu que quelques objets scientifiques, des prismes plus particulièrement, pour changer à jamais notre compréhension de la lumière.

Il commença par plonger la pièce dans laquelle il se trouvait dans l’obscurité totale. Il ne laissa passer qu’un seul et étroit rayon de soleil à travers un trou, puis positionna un prisme sur la trajectoire de ce rayon. À la sortie du prisme apparaissaient les sept couleurs de l’arc-en-ciel. Était-ce dû à une quelconque transformation produite par le prisme, comme certains le suggéraient ? Si c’était le cas, un deuxième prisme aurait produit une nouvelle transformation de la lumière.

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Croquis de Newton montrant son expérience cruciale. © P. Fara, Phil. Trans. R. Soc. A. (2015)

Newton a donc tenté l’expérience. Il utilisa une planche percée d’un trou pour masquer tout le spectre visible à l’exception d’une seule couleur. Il laissa ensuite ce rai de lumière coloré passer à travers un second prisme. Le physicien a alors constaté qu’il ressortait du prisme selon un angle différent — ce qui signifie que la lumière a été réfractée. Mais il ne nota aucun autre changement. La couleur était identique.

Finalement, le prisme semblait donc seulement réfracter la lumière, selon un angle différent pour chaque couleur — les violets étant plus déviés que les rouges —, mais sans apporter d’autre modification. Le scientifique anglo-irlandais Robert Boyle était déjà arrivé à cette conclusion peu de temps auparavant. Mais Newton est allé plus loin dans sa réflexion : il en a déduit que la lumière était, par nature, composée de ces couleurs, que la réfraction pouvait mettre en évidence. Les couleurs du spectre « ne sont donc pas des qualifications [altérations] de la lumière […] (comme on le croit généralement), mais des propriétés originales et connexes », écrit-il dans son ouvrage.

Une théorie longtemps controversée

Le physicien a par la suite confirmé sa théorie en utilisant un second prisme, au travers lequel il a fait passer le spectre coloré. Constatant que la lumière pouvait être recomposée en un seul faisceau, il en a conclu que la décomposition de la lumière blanche résulte de son interaction avec les objets qu’elle traverse et qu’elle contient en elle les couleurs.

Ses observations pouvaient rendre compte de l’arc-en-ciel, les gouttes de pluie agissant comme de minuscules prismes. Il fait également le lien avec les phénomènes d’absorption et de diffusion, qui confèrent leurs couleurs aux objets qui nous entourent. Il écrit en effet que les objets reflètent « une gamme de longueurs d’onde en plus grande quantité que d’autres ».

Il n’a rendu compte de ses résultats que six ans plus tard, à la Royal Society de Londres. Le physicien, particulièrement sensible à la critique, était plutôt réticent à divulguer les résultats de ses recherches. Il est décrit comme « un érudit solitaire qui évitait la controverse ». Il subit alors les critiques de Robert Hooke, son rival, considéré comme un expert en optique, de Christian Huygens, à l’origine de la théorie ondulatoire de la lumière, et d’autres scientifiques. Ces derniers ne parvenaient pas à reproduire ses résultats.

Plus de trente ans plus tard, en 1704, Newton met fin aux débats en publiant Opticks. Il y expose ses théories sur la lumière en détaillant ses expériences antérieures, ainsi que les spécifications complètes de ses dispositifs expérimentaux et du prisme en verre utilisé. Il y avance que la lumière est composée de corpuscules. Les théories optiques ont été continuellement révisées au cours des siècles suivants. Le changement le plus fondamental fut introduit en 1905 par Albert Einstein, qui avança l’idée d’une quantification de l’énergie transportée par la lumière. Le terme « photon », quant à lui, est apparu pour la première fois en 1926.

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