Dans certaines pathologies neurologiques, comme l’épilepsie chronique, le traitement le plus adapté consiste en l’ablation de l’hémisphère cérébral défectueux. Une telle opération est appelée « hémisphérectomie » et est dans la majorité des cas pratiquée durant l’enfance (entre 5 mois et 15 ans). Mais comment ces personnes vivent-elles ensuite avec une moitié de cerveau en moins ?
Dans une étude récente, des neurobiologistes ont découvert que les personnes ayant subi une hémisphérectomie infantile conservaient des fonctions cognitives intactes, la structure cérébrale restante s’étant réorganisée pour créer de nouveaux réseaux neuronaux, donnant parfois lieu à des réseaux plus performants que chez les personnes ayant un cerveau intact.
Des chercheurs ont étudié six adultes dont l’un des hémisphères cérébraux a été enlevé pendant l’enfance afin de réduire les crises d’épilepsie. Ils ont découvert que la moitié restante du cerveau formait des liens exceptionnellement forts entre différents réseaux cérébraux fonctionnels, ce qui pouvait aider le corps à fonctionner comme si le cerveau était intact. L’étude a été publiée dans la revue Cell Reports.
« Les cerveaux des personnes ayant subi une hémisphérectomie que nous avons étudiées fonctionnaient remarquablement bien. Elles ont des compétences linguistiques intactes ; lorsque je les ai mises dans le scanner, nous avons discuté de tout et de rien, comme les centaines d’autres personnes que j’ai scannées » déclare Dorit Kliemann, neurologue au California Institute of Technology.
« Vous oubliez presque leur état lorsque vous les rencontrez pour la première fois. Quand je suis assis devant l’ordinateur et que je vois ces images IRM ne montrant qu’un demi-cerveau, je m’émerveille toujours du fait qu’elles proviennent du même être humain que j’ai vu marcher, parler et dédier leur temps à cette recherche ».
Sonder la structure et les fonctions cérébrales de sujets privés d’un hémisphère
Les participants à l’étude, dont six adultes atteints d’hémisphérectomie infantile et six témoins, ont été priés de s’allonger dans un appareil IRMf, de se détendre et d’essayer de ne pas s’endormir pendant que les chercheurs suivaient l’activité cérébrale spontanée au repos. Les chercheurs ont examiné des réseaux de régions cérébrales connues pour contrôler des éléments tels que la vision, le mouvement, les émotions et la cognition.
Ils ont également comparé les données recueillies au centre d’imagerie cérébrale Caltech à une base de données d’environ 1500 cerveaux typiques du projet Brain Genomics Superstruct. Ils pensaient pouvoir trouver des connexions plus faibles au sein de réseaux particuliers chez les personnes ne possédant qu’un seul hémisphère, car nombre de ces réseaux impliquent généralement les deux hémisphères du cerveau chez les personnes ayant un cerveau typique.
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Des fonctions cognitives intactes et des connexions cérébrales plus performantes
Au lieu de cela, ils ont trouvé une connectivité globale étonnamment normale — et des connexions plus solides que celles des participants de contrôle. Les six participants étaient âgés de 20 à 30 ans au début de l’étude, mais ils étaient âgés de 3 mois à 11 ans au moment de leur hémisphérectomie. Le large éventail d’âges auxquels ils ont subi les chirurgies a permis aux chercheurs de comprendre comment le cerveau se réorganise en cas de blessure.
« Aussi remarquable que soit le fait que certaines personnes peuvent vivre avec un demi-cerveau, parfois une très petite lésion cérébrale telle qu’un accident vasculaire cérébral ou une lésion cérébrale traumatique (comme un accident de vélo ou une tumeur), peut avoir des effets dévastateurs. Peut-être que ce travail pourra éclairer des stratégies d’intervention ciblées et différents scénarios de résultats pour aider davantage de personnes atteintes de lésions cérébrales » conclut Kliemann.