Le slap fighting, un affrontement de gifles, suscite un engouement croissant sur les réseaux sociaux, où les vidéos de ces compétitions accumulent souvent des millions de vues. Très populaire aux États-Unis, cette discipline commence à s’exporter vers d’autres pays et les combats sont désormais légaux au Texas, en Californie et en Floride. Néanmoins, la communauté médicale exprime de vives inquiétudes quant aux lésions cérébrales que ce sport peut entraîner. Une récente étude menée par des neurologues américains suggère que 78 % des participants présentent des signes visibles de commotion cérébrale.
Le slap fighting est exactement ce que son nom suggère. Séparés par un podium à hauteur de taille, les compétiteurs s’échangent des gifles à tour de rôle jusqu’à ce que l’un d’eux tombe et ne puisse se relever. Les combats durent entre deux et trois rounds, et les points sont attribués en fonction des dégâts (estimés) infligés par chaque gifle. Les règles du jeu stipulent que les combattants ne doivent pas porter de casque et doivent encaisser les coups sans tressaillir, un tressaillement étant considéré comme une faute.
Longtemps pratiqué clandestinement, le slap fighting a été télévisé pour la première fois en 2023 par Power Slap, une société de promotion dirigée par Dana White, PDG de l’Ultimate Fighting Championship (UFC). Depuis, ce sport s’est propagé aux États-Unis et a été légalisé dans plusieurs autres pays. Liverpool accueillera même, en octobre, la première compétition de slap fighting poids lourds.
White soutient le slap fighting, le qualifiant de prochaine attraction dans le domaine des sports de combat. Il affirme que cette pratique est « plus sûre » que la boxe, car les combattants reçoivent généralement trois coups à la tête, contre plus de 400 en boxe. La communauté médicale n’est cependant pas du même avis et les professionnels de santé ont exprimé leurs préoccupations quant aux impacts de ces gifles répétées sur les participants.
Pour évaluer l’ampleur du danger, une équipe de chercheurs du département de neurochirurgie de l’Université de Pittsburgh (Pennsylvanie) a mené une étude pionnière quantifiant le risque de commotion cérébrale associé à ce sport. « Le slap fighting peut sembler divertissant pour un spectateur profane, mais en tant que professionnels de la santé, nous trouvons certains aspects des compétitions particulièrement inquiétants », a déclaré dans un communiqué l’auteur principal de l’étude, Raj Swaroop Lavadi, chercheur postdoctoral au département de neurochirurgie de Pittsburgh.
Des signes alarmants de commotion cérébrale
Dans le cadre de leur recherche, le Dr Lavadi, le Dr Nitin Agarwal et leurs collègues ont examiné des séquences vidéos et des images de la première saison de la ligue Power Slap. En tout, ils ont analysé 78 combats entre 56 combattants, impliquant un total de 333 gifles. Les résultats, publiés dans la revue JAMA Surgery, montrent que des signes de lésion cérébrale traumatique ont été observés après 97 gifles. Parmi les 55 participants, plus des trois quarts ont présenté au moins un signe externe direct de commotion cérébrale. De nombreux combattants montraient des signes « d’incoordination motrice », c’est-à-dire des troubles du mouvement, après avoir été frappés. Un tiers des participants montraient également des expressions « vides », tandis que dans un quart des séquences, certains avaient du mal à se relever après avoir reçu une gifle.
Bien que l’étude se base sur un échantillon limité et se concentre sur des signes visibles de commotion cérébrale, les chercheurs affirment que « les combats de gifles peuvent provoquer des lésions cérébrales traumatiques chez les concurrents, avec de potentielles conséquences à long terme ». « Sur le plan clinique, les commotions cérébrales peuvent se manifester de différentes manières, mais chacune peut entraîner une invalidité à court ou à long terme », explique le Dr Agarwal.
La communauté médicale avait déjà tiré la sonnette d’alarme sur les dangers de ce sport en 2021, lorsqu’Artur Walczak a été victime d’une hémorragie cérébrale après un concours de slap fighting. La gifle qu’il avait reçue l’avait littéralement mis K.O., et bien qu’il ait reçu des soins, il est décédé quelques semaines plus tard. L’hémorragie cérébrale avait entraîné la défaillance de plusieurs de ses organes.
Dustin Hines, spécialiste en neurosciences à l’Université du Nevada, considère le slap fighting comme l’un des pires cauchemars pour un clinicien spécialisé dans les lésions cérébrales. Il explique que « l’effet des commotions cérébrales est cumulatif » et ajoute que de plus, « les tympans percés, les mâchoires cassées », sont fréquents. Quant à cette nouvelle étude, les chercheurs de l’Université de Pittsburgh déclarent : « le risque est encore accru étant donné que les combattants doivent se tenir sans défense, permettant ainsi à leurs adversaires d’obtenir un contact complet et précis avec leur tête lors de chaque coup offensif ».
L’équipe de Lavadi travaille actuellement sur des méthodes permettant de mesurer la force des coups à la tête à l’aide d’embouts buccaux. Les neurologues espèrent que les résultats à venir permettront d’améliorer considérablement les normes de sécurité régissant ce sport. « Notre objectif final est de rendre tous les sports professionnels plus sûrs pour la santé neurologique des athlètes. Il est très difficile d’interdire un sport, mais il est possible de sensibiliser les gens aux dangers qui y sont associés », conclut le Dr Lavadi.