Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont une large famille de plus de 4000 composés chimiques aux propriétés antiadhésives, imperméabilisantes et résistantes aux fortes chaleurs — expliquant leur utilisation dans de nombreux objets du quotidien. Extrêmement persistants, ils se retrouvent dans tous les écosystèmes et présentent un grand risque pour la santé. Récemment, une étude a montré que la consommation de poissons d’eau douce aux États-Unis équivaut à un mois de consommation d’eau contaminée, avec de graves conséquences sur la santé. Malheureusement, l’extrapolation au continent européen est légitime et réaliste.
Les substances per- et polyfluoroalkyles (PFAS), précédemment appelées « composés perfluorés », sont une classe de produits chimiques manufacturés détectés dans tous les milieux et écosystèmes sans exception, même ceux qui n’ont pas de contact direct avec.
Les PFAS sont utilisés dans des centaines de produits industriels et de consommation, y compris les emballages alimentaires et les tissus imperméables/résistants aux taches. Leurs fortes liaisons carbone-fluor fournissent à la fois des propriétés hydrophobes et oléophobes, ce qui rend ces produits chimiques extrêmement persistants dans l’environnement.
L’identification et l’élimination des sources d’exposition humaine aux PFAS sont devenues une priorité pour la santé publique. En effet, ces composés chimiques sont associés à des lésions hépatiques, un taux de cholestérol élevé, des réponses immunitaires réduites et plusieurs types de cancer.
L’exposition aux PFAS provenant de l’eau potable contaminée est répandue aux États-Unis. De plus, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) déclare que l’alimentation est la principale source d’exposition aux PFAS pour la plupart des gens, le poisson, la viande, les fruits et les œufs étant des contributeurs importants.
Dans ce contexte, une équipe de chercheurs américains de l’Environmental Working Group, organisation à but non lucratif, révèle que la consommation d’une seule portion de poisson d’eau douce par an pourrait représenter la consommation d’un mois d’eau potable additionnée d’acide perfluorooctanesulfonique (PFOS) à des niveaux élevés (nocifs). Leur étude, confortant les craintes de plus en plus pesantes des autorités sanitaires et des citoyens, est publiée dans la revue Environmental Research.
Des niveaux hors normes pour une injustice environnementale
Les chercheurs ont analysé les données de plus de 500 échantillons de poisson collectés aux États-Unis de 2013 à 2015, dans le cadre de programmes de surveillance de l’EPA, du National Rivers and Streams Assessment et de la Great Lakes Human Health Fish Filet Tissue Study. Le niveau médian de PFAS total dans les filets de poisson était de 9500 nanogrammes par kilogramme, avec un niveau médian de 11 800 nanogrammes par kilogramme dans les Grands Lacs.
Concrètement, ces quantités médianes de PFAS dans les poissons d’eau douce sont 280 fois plus élevées que celles relevées dans certains poissons du commerce. Les données des tests, de l’Environmental Protection Agency et de la Food and Drug Administration, ont montré que la consommation d’un seul poisson d’eau douce pouvait entraîner une exposition aux PFAS similaire à l’ingestion quotidienne, sur un an, de poissons du commerce.
Nadia Barbo, étudiante diplômée à l’Université Duke et chercheuse principale sur ce projet déclare dans un communiqué : « La mesure dans laquelle les PFAS ont contaminé les poissons est stupéfiante ».
Il faut savoir que les poissons d’eau douce sont une source importante de protéines pour de nombreuses personnes, et la contamination par les PFAS menace ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter des poissons issus de la pêche en mer.
Pour les auteurs, il est clair que les communautés qui dépendent de la pêche pour leur subsistance et pour les pratiques culturelles traditionnelles subissent un préjudice démesuré. Cela fait de l’exposition aux polluants chimiques dans les poissons d’eau douce un cas d’école d’injustice environnementale.
Tasha Stoiber, Ph.D., scientifique principal de l’EWG et co-auteure, précise : « Les PFAS contaminent les poissons à travers les États-Unis, avec des niveaux plus élevés dans les Grands Lacs et des poissons capturés dans les zones urbaines. Les PFAS ne disparaissent pas lorsque les produits sont jetés ou rincés. Nos recherches montrent que les méthodes d’élimination les plus courantes peuvent finir par conduire à une pollution environnementale supplémentaire ».
Une urgence environnementale et de santé publique
Stoiber soutient : « L’identification des sources d’exposition aux PFAS est une priorité urgente de santé publique ». En effet, la contamination généralisée des poissons dans les rivières et les ruisseaux à travers le pays souligne encore la nécessité de mettre fin aux rejets industriels de PFAS, tout comme dans les autres parties du monde et notamment en Europe.
L’EWG estime qu’il pourrait y avoir plus de 40 000 pollueurs industriels de PFAS aux États-Unis. Des dizaines de milliers d’installations de fabrication, de décharges municipales et d’usines de traitement des eaux usées, d’aéroports et de sites où des mousses anti-incendie contenant des PFAS ont été utilisées, sont des sources potentielles de rejets de PFAS. Cette contamination de l’eau a propagé les PFAS au sol, aux cultures et à la faune, et donc y compris les poissons.
Outre l’importance de cette pollution environnementale, la santé humaine est littéralement en danger par ces composés. Effectivement, selon les auteurs, la consommation de poissons d’eau douce contaminés par le PFOS peut entraîner une augmentation significative des taux sériques du produit chimique pour toujours, entraînant des risques non négligeables pour la santé. Même une consommation peu fréquente de poisson d’eau douce peut augmenter les niveaux de PFOS dans le corps.
Comme mentionné précédemment, les PFAS sont parmi les composés les plus persistants qui existent, contaminant tout, de l’eau potable aux aliments, en passant par les emballages alimentaires et les produits de soins personnels. Les PFAS s’accumulent dans notre corps et ne se décomposent jamais dans l’environnement. On les trouve dans le sang de pratiquement toute la population mondiale, y compris les nouveau-nés.
De très faibles doses de PFAS dans l’eau potable ont été associées à l’affaiblissement du système immunitaire, y compris une réduction de l’efficacité des vaccins et un risque accru de certains cancers. Les PFAS sont également liés à une augmentation du cholestérol, à des problèmes de reproduction et de développement et à d’autres problèmes de santé.
Une réglementation stricte nécessaire
Il faut savoir que la convention de Stockholm de 2001 visait à encadrer certains polluants organiques persistants, et notamment en réglementant plusieurs composés de la famille des PFAS au niveau mondial. De fait, le PFOS est restreint depuis 2009 et, depuis 2020, le PFOA est interdit à l’import, à l’export et à la production. La famille de l’acide perfluorohexane sulfonique (PFHxS), ses sels et composés apparentés, sont envisagés pour une inclusion prochaine dans ladite Convention.
En Europe, plusieurs actions sont en cours pour compléter la convention de Stockholm sur d’autres familles de perfluorés. Selon le site de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), l’ensemble des initiatives européennes sur le sujet ont récemment été mises en avant dans la stratégie de l’Union européenne pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques. Cette stratégie constitue le premier pas sur la voie de l’ambition « zéro pollution » pour un environnement exempt de substances toxiques annoncée dans le pacte vert pour l’Europe.
D’ailleurs, la présente étude intervient après que le Danemark, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède, aient soumis vendredi 13 janvier une proposition d’interdiction d’utilisation des PFAS à l’Agence européenne des produits chimiques. Cette proposition appuie le constat mondial selon lequel l’utilisation des PFAS n’était pas assez contrôlée. La France soutiendra le projet de restriction de fabrication et d’usage de ces composés, selon le gouvernement ,qui présentait le 17 janvier son plan d’action contre ces substances.