Les corbeaux partagent une capacité cognitive surprenante avec nous : la maîtrise des probabilités

corbeaux capacites cognitives similaires primates probabilite couv
| GERARD LACZ/REX FEATU/REX/SIPA
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

Les corbeaux sont considérés comme très intelligents, mais sont-ils proches de l’intelligence des primates ? Une nouvelle étude révèle qu’ils peuvent prendre des décisions basées sur l’inférence statistique, une compétence généralement observée uniquement chez les primates. Dans une expérience, des corbeaux ont été formés pour choisir parmi des symboles liés à diverses probabilités de récompense. Ils ont sélectionné les options les plus probables, illustrant leur aptitude à utiliser des informations restreintes pour optimiser leurs gains, et ainsi leur compréhension du concept de probabilité.

Dans le monde animal, l‘intelligence est souvent mesurée par des critères anthropocentriques, laissant de côté de nombreuses espèces dont les capacités cognitives sont pourtant remarquables. Parmi ces espèces, les corbeaux, membres de la famille des corvidés, ont longtemps été sous-estimés. Pourtant, ces oiseaux noirs, souvent associés à des présages sombres dans la culture populaire, sont dotés d’une intelligence qui pourrait bien rivaliser avec celle de certains primates.

Une étude récente menée par Melissa Johnston de l’Université de Tübingen en Allemagne, a révélé que les corbeaux sont capables de prendre des décisions en fonction de la probabilité d’obtenir une récompense, une compétence cognitive connue sous le nom d’inférence statistique. Cette capacité est rarement observée en dehors des primates. Selon les scientifiques, les perroquets étaient à notre connaissance jusqu’à présent les seuls oiseaux à comprendre les probabilités et à les utiliser. L’étude est publiée dans la revue Current Biology.

Le T-Shirt qui respire :
Arborez un message climatique percutant 🌍

L’apprentissage des corbeaux

Dirigée par Melissa Johnston, l’équipe de recherche de l’Université de Tübingen a entrepris une expérience innovante impliquant deux corbeaux. Les oiseaux ont été entraînés à picorer parmi neuf symboles de différentes couleurs, chaque picotement offrant la possibilité d’une récompense — un petit morceau de nourriture ou des vers.

Au cours de centaines d’essais, les corbeaux ont progressivement appris à associer chaque symbole à une probabilité spécifique de recevoir une récompense. Ces probabilités variaient de 10 à 100% pour chaque picotement, créant un éventail de résultats possibles pour les corbeaux, à chaque tentative.

L’expérience a été conçue pour offrir aux corbeaux un choix entre deux options à chaque essai. Par exemple, ils pouvaient choisir entre un cercle vert, associé à une probabilité de 90% de recevoir une récompense, et un carré bleu, associé à une probabilité de 70%. Il est important de noter que dans ce cadre expérimental, il n’y avait pas de « mauvaises » réponses. Chaque choix offrait une récompense potentielle, mais certains choix étaient simplement plus optimaux que d’autres en matière de probabilité de récompense.

Les corbeaux et l’inférence statistique

Les résultats de l’expérience ont été étonnants. Les deux corbeaux ont choisi les formes associées à la plus haute probabilité de récompense plus de sept fois sur dix. Même lorsque les formes associées à des probabilités plus faibles étaient présentées plus fréquemment, les corbeaux ont continué à choisir les formes avec une probabilité plus élevée de recevoir une récompense.

Cette étude suggère que les corbeaux ont la capacité d’utiliser des informations limitées sur la probabilité d’un événement et de les appliquer dans une nouvelle situation pour maximiser la possibilité d’obtenir une récompense. Lorsqu’ils ont été mis à l’épreuve un mois plus tard, les corbeaux ont continué à prendre des décisions basées sur les probabilités de la même manière, montrant ainsi par la même occasion leur excellente mémoire.

Les corbeaux et la récursion

Dans une précédente étude menée par la même université, il a été découvert que les corbeaux sont capables de comprendre le concept de récursion. La récursion est un concept où des structures significatives sont imbriquées dans d’autres structures. Dans la phrase : « le rat que le chat a chassé a couru », les mots « le chat a chassé » sont imbriqués dans une autre phrase.

Les chercheurs ont mené des expériences similaires avec des corbeaux qui montrent qu’ils ont également la capacité cognitive de comprendre la récursion. Les expériences ont impliqué de former des corbeaux à choisir des paires de parenthèses dans une phrase composée de symboles. Une fois que les corbeaux ont compris le concept, les chercheurs ont créé des phrases plus longues pour voir si les animaux testés pouvaient toujours identifier celles qui étaient imbriquées.

Le concept du zéro

Dans une autre étude, il a été montré que les corbeaux peuvent comprendre le concept très abstrait du zéro. Le concept du zéro, utilisé dans un système de numération, s’est pleinement développé dans la société humaine vers le cinquième siècle de notre ère, ou potentiellement quelques siècles plus tôt.

Andreas Nieder, professeur de physiologie animale à l’Université de Tübingen en Allemagne et co-auteur de la première étude, a découvert avec son équipe que les neurones des corbeaux codent « zéro » comme ils le font pour les autres nombres. L’activité cérébrale des oiseaux soutient également l’idée que zéro précède « 1 » sur la ligne de nombres mentale des corbeaux, pour ainsi dire. Ils ont donc une notion du zéro très similaire à la nôtre.

Une intelligence remarquable

Ces études montrent que les corbeaux, souvent dénigrés, possèdent en réalité des capacités cognitives remarquables. Qu’il s’agisse de l’inférence statistique, de la récursion ou de la compréhension du concept du zéro, ces oiseaux démontrent une intelligence et une capacité d’apprentissage qui rivalisent avec celles de certains primates.

Ces découvertes soulignent non seulement comment des cerveaux physiologiquement très différents peuvent effectuer des raisonnements complexes similaires, mais aussi comment ces capacités ont émergé indépendamment dans des branches complètement différentes de l’arbre évolutif. Ces recherches ouvrent la voie à de nouvelles études sur les capacités cognitives des corbeaux et d’autres espèces d’oiseaux, qui pourraient nous aider à mieux comprendre l’évolution de l’intelligence dans le règne animal.

Source : Current Biology

Laisser un commentaire